Tircis (Pararge aegeria)

  • Règne : Animalia
  • Classe : Insecta
  • Ordre : Lepidoptera
  • Famille : Nymphalidae
  • Super-famille : Papilionoidea
  • Sous-famille : Satyrinae
  • Genre : Pararge

Présentation

Sans conteste, le papillon le plus présent au jardin des oiseaux.  Et le plus présent aussi sur la durée . Je possède des photos de lui prises en  avril et d’autres clichés qui datent du mois d’octobre alors que la plupart des papillons avaient déjà disparu de la circulation. Mais sa présence sur une si longue durée s’explique quand on sait que le Tircis va se développer sur deux ou trois générations annuelles et même sur 4 générations dans le midi où il est visible presque toute l’année.

Tircis mâle sur une pivoine rouge

 Pour cette raison il est l’un des papillons que l’on voit le plus souvent et le plus longtemps.

Au jardin des oiseaux, il apparait dès le mois de mars et  on peut encore le croiser en octobre voire en novembre si le temps le permet.

 Description

Le Tircis est une espèce de lépidoptère de la famille des nymphalidae, de la sous-famille des satyrinae et du genre Parage qui ne compte que 3 espèces . Une seule, Pararge aegeria, vit en France . Le Tircis maderois (Parararge xiphia) est endémique de l’ile de Madère comme son nom l’indique  . Le troisième Tircis est le canarien (Pararge xiphioides) qui vit dans  les iles Canaries.

De taille moyenne  (envergure 35 à 45mm)  notre Tircis est immédiatement identifiable grâce à son fond brun sombre et à ses taches orange .

Tircis mâle qui surveille son territoire du haut d’une feuille

Les ailes antérieures sont marquées à l’apex par un ocelle noir pupillé d’un point blanc . Les  postérieures possèdent 3 ocelles pupillés de blanc et parfois un quatrième à l’était embryonnaire. Le bord externe des ailes est festonné et possède des petites franges de couleur claire.

Le revers de l’aile est comme souvent chez les lépidoptères  moins coloré, mais très beau. Il joue un rôle de camouflage et permet aux papillons d’être moins visibles dans le feuillage lorsqu’il sont  en train de se nourrir ou de se reposer . On rencontre  ainsi un certain nombre de papillons qui ont des couleurs très vives sur la face pour séduire les femelles en volant, et un revers marron gris ou neutre (cryptique* ) qui leur permet de se dissimuler.   

Le dessous des ailes antérieures a un unique ocelle noir pupillé de blanc sur l’apex. Le revers des postérieures , lui,  possède quatre ocelles brun pupillés de blanc et 2 lignes brunes qui traversent  l’aile en zigzag. Bien que la dominante générale soit ocre ou marron,  le revers des ailes postérieures est légèrement teinté de violé sur le bord externe.

Les yeux du Tircis sont marron et recouverts de soies comme on peut le voir sur la photo ci-dessus.  Ces petits poils très fins jouent le rôle de capteurs tactiles et l’avertissent lorsqu’il s’approche d’une texture dangereuse qui pourrait agresser leurs yeux .

Ses antennes sont brunes et se terminent par une pointe orangé .

Deux sous espèces

En France on peut rencontrer deux sous-espèces du Tircis. La forme « Pararge aegeria aegeria », plus claire avec des taches orangées, qui vit plutôt dans la moitié sud, et la forme « Pararge aegeria tircis », plus sombre avec des taches plus jaunes ou crèmes, qui vit dans le nord . Dans son livre, vie des papillons, Tristan Lafranchis situe la zone de contact entre les deux sous-espèces sur une ligne qui va de la Vendée à la Bourgogne.  

Mais les choses ne sont aussi simples qu’on pourrait le croire. Les deux sous-espèces peuvent s’accoupler et l’on peut croiser tout un tas de variation dans les teintes qui résultent des rencontres entre les deux sous-espèces . Je mets ci-dessous quelques photos prises en Saône et loire ( 71) qui montre ce phénomène et les nombreuses variations allant du très clair au très sombre qui peuvent exister .   

Alimentation

Les adultes fréquentent peu les fleurs.  Ils se nourrissent de divers liquides comme  les écoulements de sève,  les jus des fruits pourris , les excréments  voire les éléments minéraux  présents de la terre lorsque la pluie les rend absorbables par la spiritrompe du papillon . On peut également souvent les voir boire à même le sol.

Dimorphisme

Le dimorphisme existe, mais il  est difficile à percevoir  à l’œil nu. Sur le terrain, seul le comportement peut nous aider à distinguer le mâle de la femelle . En photo il est beaucoup simple à voir.  La femelle est un peu grande que le mâle et ses ailes sont plus claires et  plus arrondis. Le mâle a les ailes plus anguleuses et possède une bande androconiale peu visible dont les écailles sont luisantes.

La bande androconiale est un ensemble d’écailles munies de glandes qui diffusent des hormones qui ont pour fonction d’attirer les femelles lors de la période de reproduction.  

Plantes hôtes

Les femelles pondent sur de nombreuses poacées , anciennement nommé graminées, comme  la palène, le brachypode penné, la canche, le roseau des bois, les houlques, ou le pâturin mais aussi quelques cypéracées du genre laiche des bois (carex).

L’espèce  hiverne au stade de chenille ou de chrysalide.

Distribution

Le Tircis est présent partout en France et dans toute l’Europe  à l’exception des régions nordiques ou le climat est trop rude pour eux . . Il évolue en 0 et 1500 mètres maximum.

Carte GBIF de la présence du Tircis dans le monde

Taxonomie

L’espèce a été initialement  décrite et nommée Papilio aegeria en 1758 par le naturaliste suédois Carl Von Linné. Le nom de genre « Pararge » a été crée en 1819 par l’entomologiste bavarois Jacob Hübner.    
 

Étymologie

Tircis (Pararge aegeria)

Le nom de genre « Pararge » vient des mots grecs « para » (proche) et de « arges » (blanc).

Le  Tircis n’ayant pas de blanc, le mot « arge » n’est pas très compréhensible, mais l’histoire de la nomination des espèces comprend un certain nombre de bizarreries comme celle-ci . Il y a certainement une explication, mais nous ne la connaissons pas. Jean-Yves cordier, dans sa zoonymie* du Tircis, explique  qu’il faut le lire comme « proche du genre Arge ». Ce dernier genre  regroupe des hyménoptères comme les tenthrèdes qui n’ont pas non plus de rapport avec le blanc . Ceci n’explique donc pas cela non plus.

Aegeria

L’épithète « aegeria » a été choisie par Linné qui s’est beaucoup servi dans la mythologie  . il est une référence à Égérie.  Dans  la mythologie grecque, elle est une jolie nymphe des bois qui fait partie du cortège de Diane la chasseresse. Déesse des sources, Égérie incarnait la fertilité de la nature.   

Noms vernaculaires 

Tircis : le nom Tircis a été donné par le naturaliste Etienne Louis Geoffroy.   Il est extrait des Bucoliques (Eglogues) de Virgile dans lequel  Tircis et Corydon étaient deux bergers. Le nom n’a aucun rapport avec le papillon. Il est avant tout un hommage de Geoffroy au poète latin  Virgile dont il admirait l’œuvre.

Mais aussi

L’argus des bois     

L’Egérie : qui reprend l’épithète (qualificatif) aegeria

Le satyre tircis : parce qu’il fait partie de laSous-famille : Satyrinae

Le satyre égérie : qui reprend l’épithète et la sous famille

À l’étranger

En anglais le Tircis est nommé « Speckled Wood » qui veut dire le bois tacheté . Les allemands, eux, l’appellent « Laubfalter » le papillon des feuilles. Les Suédois disent « Kvickgräsfjäril”  le lutin des herbes ou si l’on traduit littéralement  le papillon d’herbes rapides. Les finnois devaient revenir du marché puisqu’ils l’ont nommé « Täpläpapurikko » ou le poivron tacheté. Les Espagnols restent sobres et l’ont  baptisé le tacheté.

écailles sur le dessous des ailes d’un Tircis

Stratégie bourgeoise

Les Tircis mâles sont connus pour pratiquer la stratégie dite « bourgeoise » . On imagine que le nom a été donné, car c’est toujours les possédants qui gagnent à la fin . 😉

Et c’est bien de cela qu’il s’agit ici.

Les mâles Tircis ont pour habitude de s’approprier des bouts de terrains ensoleillés qui deviennent leur territoire. Ils s’installent alors  en hauteur sur une feuille ou un tronc d’un arbre et attendent qu’une femelle passe devant pour la poursuivre et s’accoupler avec elle  . Mais il arrive parfois qu’un autre mâle veuille s’emparer du territoire . S’engage alors une course poursuite où le « propriétaire » poursuit l‘intrus .

(Illustration de 2 Tircis mâle en train de pratiquer le vol en spirale )

Tircis

Les combats sont très bref et se traduisent par des figures spiralées où les deux papillons tournent l’un autour de l’autre. Un peu comme dans les combats de sumo, le perdant est  celui qui sort en premier du territoire éclairé par le soleil.  Mais le combat, là,  est pipé et  c’est toujours le propriétaire (le bourgeois) qui gagne. Selon les scientifiques cette pratique étrange servirait à éviter les conflits. Il permettrait à l’intrus d’utiliser son agressivité et de   faire un temps  comme s’il était un mâle dominant tout en évitant que le combat ne dégénère  .  Toujours d’après les scientifiques  l’intrus accepterait la défaite sans rien dire en raison des nombreux territoires disponibles.

Il s’est fait plaisir en mimant l’attaque, mais il sait qu’un autre territoire disponible l’attend juste à côté .

Confusion

Confusion entre la Mégère/ satyre (Lasiommata megera ) et le Tircis (Pararge aegeria)

Le Lasiommata megera est l’un des rares papillons qui porte deux noms . La femelle se nomme la mégère alors qu’on appelle le mâle le satyre.

J’ai placé les deux côte à côte  pour vous montrer les similarités entre ces papillons qui font tous deux parties de la famille des Nymphalidae et de la sous-famille des Satyrinae.

(La photo ci dessus présente, à gauche, un Lasiommata mâle (satyre) reconnaissable à sa bande androconiale oblique relativement large.)

Vu de dessus le costume est semblable même s’il existe certaines différences.

Pour ne rien arranger, les deux font à peu près la même taille et ont une envergure comprise entre 35 et 45mm.

Comme on peut le voir sur la photo, le Tircis est plus contrasté et les zones brunes prennent plus de place que  chez  Satyre/Mégère.

L’autre différence  se trouve au niveau des ocelles supérieurs qui sont bien plus petits chez le Tircis que chez son cousin . La confusion est surtout possible pour  le dessus  des ailes, car le dessous est très différent et permet une identification bien plus facile.

*Zoonymie : Mot forgé par Jean-Yves cordier pour définir « la science diachronique qui étudie les noms d’animaux, ou zoonymes. Elle se propose de rechercher leurs significations, leurs étymologies, leur évolution et leur impact sur les sociétés (biohistoire). Avec l’anthroponymie (étude des noms de personnes), et la toponymie (étude des noms de lieux) elle appartient à l’onomastique (étude des noms propres). »

Premier et dernier Tircis vu au jardin des oiseaux

Autres photos du tircis

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