La migration est une course pour arriver le plus rapidement sur les aires de nidification ou d’hivernage et choisir les meilleures places. Mais les migrations sont aussi des épreuves. La difficulté vient de l’effort physique à produire, mais aussi des nombreux obstacles rencontrés au cours de ce long périple .
Les zones les plus délicates sont les chaines montagneuses, les mers ou les déserts brulants qui peuvent s’étendre sur des milliers de kilomètres. Les oiseaux peuvent parfois les contourner et trouver un autre parcours, mais sont souvent obligés de les survoler.
L’effort physique
Avant de partir, les oiseaux doivent emmagasiner une certaine dose d’énergie dans leur corps pour avoir suffisamment de force. la nourriture des oiseaux se compose des trois grandes familles: les Glucides, les protéines et les lipides. Les trois sont nécessaires au bon fonctionnement dans la vie courante, mais les lipides sont les molécules les plus importantes lors d’une migration, car elles permettent de stocker une grande quantité d’Énergie dans un poids limité.
Le poids à emporter serait 6 fois supérieur si les oiseaux choisissaient d’emporter des glucides à la place des lipides.
95 pour cent de l’Énergie nécessaire lors d’une migration est donc constitué de lipides alors que les glucides et les protéines ne représentent que 5 %.
Pour cette raison les oiseaux passent les journées qui précèdent la migration à se nourrir et sélectionnent les aliments les plus riches en graisse. Certains oiseaux insectivores se mettent même à modifier leur alimentation pour ingérer des baies et des fruits riches en acides gras qui permettent une bonne synthèse des lipides.
Le baron Johann Ferdinand Adam von Pernau, qui était un des premiers ornithologues à s’intéresser aux migrations, avait remarqué en 1702 que les oiseaux qui s’apprêtaient à partir en migration étaient souvent plus gras. Il s’étonnait d’ailleurs, à tort, que certaines personnes puissent croire que les oiseaux étaient poussés par la faim alors qu’ils étaient si gras au départ . Mais comment pouvait-il imaginer que les oiseaux anticipaient ce manque et qu’ils allaient chercher avec un temps d’avance des lieux plus riches en nourriture. Les oiseaux avaient accès à des savoirs que les humains n’avaient pas et qu’ils ne pouvaient pas imaginer.
Le départ
Il est donné par l’horloge interne des oiseaux. Chaque espèce sait quand elle doit partir et quand elle doit revenir. Partir trop tôt et arriver alors que les terres du nord sont encore gelées pourrait être un véritable problème.
« Même la cigogne dans les cieux connaît sa saison ; et la tourterelle, et l’hirondelle, et la grue, prennent garde au temps où elles doivent venir,… » peut-on lire dans la bible. Jérémie 8:7
Mais il semblerait que la durée du jour soit également un élément déclencheur.
Le signal de départ dépend aussi des conditions climatiques. Partir avec un vent de face n’est pas une bonne idée et les oiseaux attendent souvent que les vents soient favorables pour entamer la grande aventure. Quand on ne possède pas de moteur, il est bien plus facile d’avancer avec le vent dans le dos qu’avec un vent de face. Les oiseaux jouent également sur l’altitude pour trouver les meilleurs courants qui les pousseront vers leur destination finale. Mais il ne faut pas non plus que ces vents soient trop forts pour ne pas les déstabiliser. Pour cette raison, de nombreux oiseaux, et notamment les passereaux, préfèrent voler de nuit. Les vents y sont généralement moins forts que dans la journée et les oiseaux se déshydratent moins grâce à la température plus basse. Un autre avantage est l’absence des prédateurs diurnes comme les éperviers ou les faucons .
Voler de nuit leur permet enfin de faire des haltes dès le matin et de pouvoir se nourrir en plein jour comme ils en ont l’habitude. Les ornithologues ont pu établir grâce à des suivis de migrations que 70% d’entre elles se déroulaient la nuit.
Pour schématiser, on peut dire qu’il existe de nombreuses manières de migrer avec deux extrêmes.
1 Les migrations qui se font d’une seule traite.
Ce genre de vol demande d’emmagasiner des réserves de graisse très importante avant de partir pour être capable de voler jour et nuit. C’est le cas des Courlis corlieu ((Numenius phaeopus) qui volent pendant 5 jours sans s’arrêter pour parcourir les 5000 kilomètres l’Afrique de l’ouest à l’Islande.
C’est aussi le cas des Barges rousses (Limosa lapponica) . L’une d’entre elle détient le record de vol sans escale après avoir parcouru 13 560 km d’une seule traite entre l’Alaska et l’Australie .
L’avantage est que la migration en elle-même est très rapide ; l’inconvénient que le nourrissage pour stocker l’énergie nécessaire avant de partir prend beaucoup de temps. Chez les canards, le temps de nourrissage avant la migration peut durer 1 mois à un mois et demi.
Un autre inconvénient est l’effort demandé qui est très important. Certains ornithologues pensent même qu’il est proportionnellement très supérieurs aux efforts fournis par nos meilleurs sportifs. Le vol non-stop de la barge rousse correspond tout de même à 322 marathons.
2 Les migrations qui se font par étapes.
L’avantage de ce genre de migration est que l’oiseau n’a pas besoin de faire des réserves importantes et doit juste emporter ce dont il a besoin pour faire le petit bout de route prévu. L’inconvénient est que ce type de migration prend du temps et que les oiseaux doivent trouver très régulièrement de quoi faire le plein d’énergie.
La seule barrière est la traversée des mers qui doit se faire d’une seule traite pour un grand nombre d’oiseaux. Le plumage des passereaux terrestre ne leur permet pas de se poser sur l’eau. Les oiseaux qui souhaitent survoler la mer doivent donc faire une pause plus longue juste avant pour accumuler l’énergie nécessaire à ces traversées.
La paruline rayée
Le cas des parulines rayées est intéressant puisque ces minuscules passereaux de 12 grammes utilisent les deux techniques . Les parulines quittent le nord de l’Alaska où elles nichent à la fin de l’été et entreprennent leur migration. Elles commencent par traverser tout le continent américain en faisant des haltes régulières pour se nourrir. D’après les relevés, elles mettraient 18 à 20 jours pour parcourir les 6000 km qui séparent l’Alaska des côtes de la Caroline du Sud et de la Géorgie. Elles font là une halte migratoire qui dure un mois .
Cet arrêt leur permet de s’engraisser jusqu’à peser 25 grammes, ce qui est le double de leur poids habituel. Lorsqu’elles considèrent qu’elles possèdent le gras nécessaire, elles s’élancent alors pour un vol de 3000 à 3500 kilomètres au-dessus de l’océan atlantique pour rejoindre les côtes du Venezuela où elles passeront l’hiver. Le trajet est réalisé par un vol sans escale qui dure 3 jours, ce qui est un véritable exploit pour un aussi petit oiseau. Les parulines parcourent en tout près de 20 000 kilomètres par an pour faire l’aller-retour entre leur aire d’hivernage et leur aire de nidification . Parmi les passereaux, elles ne sont battues que par les Traquets motteux (25 gr) qui détiennent le record de la plus grande distance avec des migrations spectaculaires qui peuvent dépasser les 15 000 kilomètres.