Un animal nuisible?

A ceux qui croient savoir quel animal est nuisible et lequel est utile, on devrait raconter cette légende .

Un empereur était très agacé par les oiseaux qui mangeaient une petite partie des cerises de son royaume. Sous le coup de la colère, il ordonna qu’on les abatte tous .

Vol d’étourneaux

Il pensait avoir réglé le problème mais l’année suivante les insectes et leurs larves, qui n’étaient plus chassés par les oiseaux, dévorèrent toutes les cerises et n’en laissèrent pas une seule sur les arbres .

L’empereur comprit alors que les oiseaux n’étaient pas seulement des nuisibles , qu’ils avaient aussi une grande utilité et qu’en leur laissant une petite part il aurait évité des destructions bien plus grandes.

Une autre histoire, vraie cette fois-ci, raconte la même chose .

Dans les années 60, les chinois lancèrent la campagne dite des 4 nuisibles . l’objectif, décidé par Mao Tsé-toung, était d’éradiquer les rats, les mouches, les moustiques et les moineaux. Ces derniers étaient accusés de manger les graines de céréales. Les citoyens avaient pour consigne d’effrayer les moineaux en tapant sur des casseroles . Affolés par les bruits, les oiseaux n’osaient plus se poser et finissaient par tomber au sol d’épuisement. Les hommes armés de fusils finirent le travail en tirant sur tous les adultes qui résistaient . L’année suivante , les dirigeants découvrirent que les oiseaux ne mangeaient pas que les graines, mais qu’il mangeait aussi énormément d’insectes . Sans eux, les insectes se développèrent et les récoltes de riz diminuèrent sensiblement. Mao ordonna donc d’arrêter la tuerie des moineaux et demanda qu’on tue à la place des punaises , mais il était trop tard . Un déséquilibre avait été créé. La population des criquets augmenta et fit de nombreux dégâts sur les récoltes . Certains pensent que la grande famine qui eut lieu dans les années qui suivirent était la conséquence de cette campagne des 4 nuisibles . Pour tenter de rétablir la situation, le gouvernement importa de Russie 250 000 moineaux .

Mais les Chinois n’étaient pas les seuls à chasser les oiseaux dans ces années-là . Les paysans de tous les pays s’attaquèrent à eux sous prétexte qu’ils dévoraient tout et causaient de grands dommages . Les chasses furent si importantes que le nombre d’oiseaux diminua dangereusement et que les populations d’insectes firent des dégâts bien plus importants . Les journaux publièrent alors de nombreux articles pour défendre la cause des oiseaux .

Dans le journal des maires , le rédacteur écrivait : » ces oiseaux sont donc vos alliés et même vos amis ; vous les nourrissez , il est vrai, et en grande partie ; ils sont en quelque sorte à votre solde ; mais pouvez-vous la regretter, puisque sans leur concours, vos récoltes seraient dévorées en entier ? »

Les journalistes ne le faisaient pas bien sûr pour défendre les moineaux eux-mêmes ou par désir de soutenir la cause animale, mais parce que les dégâts causés sur les récoltes par les insectes devenaient préoccupants .

Buffon lui-même aborde le sujet : « Nous ne pouvons mieux terminer l’histoire de tous ces petits oiseaux chasseurs aux mouches, que par une réflexion sur le bien qu’ils nous procurent ; sans eux, sans leur secours, l’homme ferait de vains efforts pour écarter les tourbillons d’insectes volants dont il serait assailli ; comme la quantité en est innombrable et leur pullulation très prompte, ils envahiraient notre domaine, ils rempliraient l’air et dévasteraient la terre si les oiseaux n’établissaient pas l’équilibre de la nature vivante, en détruisant ce qu’elle produit de trop. »*

Moineau domestique femelle

Toutes ces histoires devraient nous faire réfléchir à la capacité des humains à décider de ce qui est nuisible et de ce qui est utile. Hier c’était les moineaux, les rats, les mouches, les moustiques ou les punaises qui étaient considérés comme nuisibles, aujourd’hui les frelons asiatiques, les ragondins, les renards ou les étourneaux . Il semblerait que les humains n’en aient jamais fini de pointer du doigt des espèces et d’exiger leur extermination.

Au lieu d’accuser l’autre et de nous placer toujours en victime de ces pauvres animaux demandons-nous plutôt ce que veut vraiment dire le mot nuisible et s‘il est bien normal que la seule espèce qui cause des dommages irréversibles à la nature se permette de juger d’autres espèces qui n’en causent absolument aucun.

Aurait t’on l’ idée de demander à des parents maltraitants de porter un jugement critique sur des parents bienveillants?

Et s’ils le faisaient tout de même quelle serait notre réaction ? Je suis certain que tout le monde se moquerait d’eux et que personne ne prendrait leur jugement au sérieux.

*Buffon , Tome 4 œuvres complètes

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