Article sur le jardin des oiseaux paru dans le JSL sur le livre de Jean Louis Lovisa

Article de Benoit Montagionni , Photo d’Édouard Roussel

Sur le présentoir de Super U

La limace est aussi belle que Monica Belluci

Un jardin pensé par un défenseur de tous les animaux

Sur un hectare au cœur du Mâconnais, Jean-Louis Lovisa, paysagiste de profession et philosophe par passion, fait vivre depuis six ans le jardin des oiseaux. Un endroit crée dans le seul intérêt du monde animal dans sa diversité.

Ici , tout le monde est le bienvenu. Ici aucun être vivant n’a plus d’importance qu’un autre. Sur ces terres, même le propriétaire des lieux, qui ne vit pas sur place, n’est qu’un animal parmi les autres au milieu du foisonnant bestiaire qu’il a attiré à lui. Le jardin des oiseaux, niché entre une parcelle de vigne du Mâconnais, une portion de voie verte et la route express, n’est « ni un musée ni un zoo ». « c’est un lieu pour tous les animaux. Un jardin antispéciste (titre par ailleurs). Je vois cet endroit comme l’atelier de ma pensée », décrit avec passion Jean-Louis Lovisa.

Tout pour attirer un maximum d’espèces

Pour l’état civil , cet homme de 60 ans, originaire du sud-ouest, est un paysagiste. Mais en réalité l’homme est bien plus que cela . Jean-Louis lovisa est un philosophe, un artiste qui aménage son jardin  comme d’autres rédigent un essai. Entre une allée d’orties et un massif d’asters blancs, l’homme cite Cioran, Schopenhauer ou Levy Strauss. Sous un nichoir à oiseaux, le paysagiste – passé par les beaux-arts- convoque Nicolas de Staël, Braque, Picasso ou Monet.

« J’ai toujours été surpris par les clients qui voulaient tuer tous les animaux. On met des explosifs contre les taupes, on sulfate les chenilles et dès qu’il y a un trou dans une feuille on s’empresse de traiter. Mais après les mêmes s’étonnent de ne plus voir de papillons chez eux… », soupire Jean-Louis Lovisa.

Quand les pucerons arrivent , moi je suis content , ça fait venir les coccinelles.

Tout le contraire du jardin des oiseaux. En ce chaud début d’automne, les papillons, de toutes les couleurs, pullulent. Et pour cause, depuis six ans, le paysagiste philosophe fait tout pour attirer un maximum d’espèces. C’est pour cela que les orties, qui auraient ailleurs été arrachées, sont si nombreuses. « Rien que sur les orties , il y a 40 espèces de papillons qui pondent ! » pour que les chardonnerets s’y posent en hiver , l’homme ne coupe pas non ses chardons. Sur cet hectare de terre agricole et inondable, les fleurs fanées ne sont pas tranchées, les quelques pieds de vigne ne sont pas vendangés, l’herbe jamais tondue à ras. Et lorsque les ronces sont taillées, c’est uniquement pour dégager le passage. « Ici, on laisse les trous dans les feuilles. Il peut y en avoir des milliers , je n’en ai rien à faire. Quand les pucerons arrivent, moi je suis content, ça fait venir les coccinelles. 

Qui sont les véritables nuisibles

Dans le jardin des oiseaux, chaque objet , chaque plante est pensé pour être l’hôte d’une ou plusieurs espèces. En été, o, laisse les guêpes élire domicile dans les mangeoires délaissés des oiseaux. des coupelles ont été remplies de fruits pourris pour attirer les frelons. Les tiges de bois plantés ça et là sont des « pistes d’atterrissage pour libellules », et la poêle remplie d’eau est un « jacuzzi à mésanges ». Quant aux choux, ils sont là pour pour les punaises rouges . Au bord du ruisseau, une piste a même été façonnée pour que Jim , le ragondin, viennent bouloter topinambours et tomates sans que personne ne lui reproche.

Car pour Jean-Louis Lovisa, aucun animal ne devrait être considéré comme « nuisible »: Imaginez que des extras terrestres débarquent sur terre . Si on leur demandait « quelle est l’espèce la plus nuisible , celle qui détruit la planète, pollue les mers et le ciel? » ça m’étonnerait fort qu’ils citent en premier le renard, le ragondin ou le loup… »

La limace aussi belle que Monica Belluci

C’est la même logique qui lui faire dire , dans un sourire provocateur : « Je compte planter des buis et installer un panneau « welcome to the pyrale »!. Mais le philosophe à la main verte trouve t’il son atelier beau ? « Derrière chaque esthétique, il y a une éthique. 90 % des jardins sont autocentrés et ne sont faits que pour l’agrément des humains. Si vous adhérez aux valeurs de l’autocentrage , vous les trouverez beaux. Moi ce que j’ai voulu , c’est créer un jardin éthique. Derrière ça crée une esthétique. si vous adhérez à ces valeurs, vous le trouverez beau. pour les mêmes raisons , je trouve la limace magnifique. Pour moi elle est aussi belle que Monica Belluci

Benoit Montaggioni

Si on aime les animaux , la limace est aussi importante que le lion.

Tel un Monsieur Jourdain aux mains vertes, Jean-Louis Lovisa a longtemps été antispéciste sans le vouloir. « mon souvenir le plus lointain remonte à mes 6-7ans, raconte t’il. J’étais à quatre pattes en train d’observer les fourmis, quand ma mère m’a dit « arrête ! ça ne sert à rien. » Malgré mon jeune âge , j’ai clairement pensé qu’elle disait n’importe quoi. » ce n’est finalement qu’a l’age de 40 ans que l’homme découvre en regardant la télévision le nom de ce courant de pensée qui défend l’idée que tous les animaux, humains compris, sont d’égale importance ». Le mot antispéciste est récent , mais c’est une vision que partageait déjà Schopenhauer » souligne cet amoureux de la philosophie.

La plupart des gens adorent s’identifier à la gentille petite mésange. Pourtant elle décanille toutes les chenilles , rappelle t’il. Mais si non aime les animaux , la limace est aussi importante que le lion! »

Le paysagiste défend donc les mals aimés comme le frelon asiatique. « S’il tue des abeilles, c’est pour venir chercher des protéines pour ses petits. quand une mère de famille va acheter une escalope de veau pour ses enfants, personne ne s’en offusque. »

Un gentil radical

Malgré cette philosophie prfondément ancré en lui jean-Louis Lovisa se décrit comme « un gentil radical » pratiquant un « antispécisme doux ».

-« Je ne dis pas aux gens « vous êtes mauvais parce que vous faites ça » je dis  » regardez , on peut faire aussi comme cela ».

Lui même n’a d’ailleurs pas complétement arrêté de manger de la viande: « le véganisme et l’antispécisme ce n’est pas la même chose. C’est pour cela qu’il existe deux mots différents ». L’homme écrase aussi un moustique posé sur son bras et indique : Un nid de guêpes dans le jardin , je le laisse, mais s’il est devant l’entrée et qu’il y a des enfants je fais quelque chose.  » En revanche le paysagiste ne veut pas d’animaux domestiques. « des chats sauvages viennent chez moi mais je ne peux pas les approcher à deux mètres .  » puis avoue :  » un chat abandonné est venu squatter chez nous. on ne peut devait pas le laisser entrer , maintenant il vit sur notre lit. »

.BM

Du succès sur Instagram au beau livre chez Hachette.

Il y a quelques années , Jean-Louis Lovisa a commencé à publier les photos des animaux de son jardin et ses textes sur les réseaux. Des publications qui ont attiré un large public. La page Facebook « les oiseaux du jardin  » est aujourd’hui suivi par 95000 personnes. Le compte Instagram du même nom est fréquenté par 3 millions de curieux chaque mois. un succès qui a vite donné des idées aux éditeurs. L’artiste a ainsi été dragué par plusieurs maisons et a finalement choisi de signer un livre chez Hachette.

Partager des émotions

Dans le jardin des oiseaux, un regard antispéciste sur le vivant, l’auteur livre son regard sur 70 espèces rencontrées dans son jardin. L’écriture lui a demandé sept mois « mais c’est le résultat de 40 ans de réflexion sur la cause animale ». Une large place est laissé à la photo mais chaque animal est surtout une occasion pour l’auteur de partager son regard sur ses colocataires: « Je ne suis pas un scientifique , je ne classe pas les espèces , je raconte ce que je vois avec mon regard antispéciste et je partage tout ce que j’apprends. je veux ainsi partager l’émotion qui me saisit quand j’observe , par exemple, le coït interminable de la Sésie du peuplier, ce papillon déguisé en frelon.

Petite nymphe au corps de feu

Au fil des pages , on s’étonne de découvrir que la campagne mâconnaise abrite des espèces dont les couleurs sont aussi riches que leurs noms sont poétiques: Belle dame, Petit mars changeant, Robert le diable, Zygène de la filipendule ou Petite nymphe au corps de feu… « Je pense que j’ai toujours été un penseur , confie l’auteur. J’écris depuis que j’ai 18 ans. Derrière les photos des petits oiseaux , il y a des idées.

BM

Je veux photographier les animaux comme on fait un portrait Harcourt.

« je ne me considère pas comme un photographe, prévient Jean-Louis Lovisa. Mon truc , c’est d’abord l’écriture et la philosophie.  » Pourtant , pour réaliser les très belles images publiées dans son foisonnant livre sur les réseaux sociaux, l’homme planque des heures dans les petites cabanes de branches bricolées sur son terrain. « Au lieu de courir après les oiseaux, j’ai fait en sorte qu’ils viennent à moi . Ceux que je photographie ne me voient jamais.

l’émotion avant la technique

Quand on est en hiver , après une heure ou deux par – 6 degrés, je vois le pinson du nord , parti de Scandinavie, apparaitre devant moi , tout orange, c’est une émotion formidable » raconte t’il. « Je veux photographier les animaux comme on fait un portait Harcourt, je veux voir leurs yeux  » s’anime encore Jean-Louis Lovisa. en revanche la technique , ne m’intéresse pas . « quand on me demande quelle lentille ou quel diaphragme j’utilise , ça m’ennuie.. Alors je réponds souvent la lentille du puy et le diaphragme de ma cousine. » rigole l’espiègle gardien du jardin des oiseaux.

BM

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