On parle souvent des dégâts causés par les chats sur les populations d’oiseaux. Bien plus rarement des dommages causés par les oiseaux sur les populations de papillons. Je n’ai d’ailleurs jamais entendu une seule personne se plaindre des traitements infligés aux chenilles ou aux vers de terre par d’autres espèces alors que la prédation du chat sur les oiseaux déchaine les passions et génère des tas de commentaires agressifs sur les réseaux sociaux.
Et pourtant la mésange ou les moineaux font autant de dégâts, voire bien plus, sur les populations de lépidoptères. Malgré cela aucune seule plainte !
La raison ? Les humains s’identifient à la « gentille » petite mésange alors qu’ils ne veulent pas entendre parler de la « méchante » chenille ou du « vilain » ver de terre qui les dégoute.
Ils souhaitent donc défendre la mésange dans laquelle ils se sont projetés alors qu’ils se moquent de la vie du ver ou de la chenille qu’ils rejettent et dont ils ne veulent pas entendre parler.
Le narcissisme, là encore, est au cœur de la relation que les humains entretiennent avec les autres espèces. On n’aime pas l’animal pour ce qu’il est, mais on l’aime uniquement si on peut s’y projeter. Ce n’est pas lui qu’on aime, mais nous, en lui.
(Photo de 2 oiseaux qui mangent un papillon)
Les principaux prédateurs des chenilles et des papillons sont en effet les oiseaux. Les insectivores s’en nourrissent pendant toute la belle saison. Mais ils ne sont pas les seuls. Les oiseaux granivores comme les moineaux en font une consommation très importante au moment de la nidification pour nourrir leurs petits qui ont besoin des protéines contenues dans le corps des chenilles et des vers pour se développer.
Un seul couple de mésanges bleues peut consommer jusqu’à 500 insectes par jour pour nourrir ses petits. Étant donné le nombre de naissances des passereaux au printemps, on peut imaginer l’importance de la prédation qui se déroule à cette période.
Des observations ont aussi montré que de nombreux papillons portaient des traces de becs d’oiseaux. Ceux-là ont réussi à échapper aux prédateurs, mais on pouvait en déduire une fréquence d’attaques très importantes et considérer qu’un nombre tout aussi important de papillons n’ont pas eu cette chance. Des études plus larges ont montré qu’un papillon sur deux est tué par les oiseaux avant d’avoir eu le temps de se reproduire. Les moins chanceux sont tués avant même d’avoir été totalement libérés de leur chrysalide, mais la plupart sont surpris lorsqu’ils sont au repos ou en vol. L’habilité redoutable des oiseaux insectivores leur laisse peu de chance.
Pour se protéger des prédateurs, les chenilles et les papillons ont développé des stratégies qui fonctionnent plus ou moins. Parmi elles se trouve l’aposématisme qui prévient le prédateur d’un danger par des signaux, des sons ou des odeurs. Ils utilisent également le camouflage en ayant un côté des ailes qui ressemble à l’environnement dans lequel ils se trouvent. Les ailes des lépidoptères comportent d’ailleurs souvent deux faces très différentes. Une qui sert à se cacher. En principe, le dessous. On parle alors de motifs cryptiques. Et une autre qui sert à faire peur aux prédateurs. C’est le plus souvent le dessus sur lequel on peut trouver des ocelles qui ressemblent à des yeux. En les ouvrant brusquement, le papillon trompe son prédateur qui croit voir apparaitre un visage. D’autres stratégies existent comme se laisser tomber et faire semblant d’être mort. Cette stratégie est d’ailleurs employée par de nombreux insectes.
Les papillons sont également victime des guêpes comme je l’ai montré dans le chapitre précédent. Ils sont aussi la proie des mantes religieuses ou araignées qui les immobilise dans leurs toiles . Les plus gros parviennent souvent à s’en extraire, mais les plus petits parviennent rarement à s’en sortir .
Les petites araignées-crabes (misumena vatia) sont aussi de redoutables prédateurs des papillons. Perchées au somment d’un iris, d’une pivoine ou d’un viburnum, elles peuvent restés des heures immobiles sans bouger. Elles sont d’autant plus difficiles à voir qu’elles peuvent changer sa couleur en fonction de la fleur sur laquelle elles se trouvent.
Elles sont ainsi capables de passer en quelques jours de la couleur jaune à la couleur blanche pour se fondre dans le décor . Très patientes, elles attendent qu’un papillon vienne se poser devant elles. Elles se jettent alors sur lui, le maintiennent avec leurs pattes avant et lui injectent leur venin paralysant . Celui-ci contient des agents dissolvants qui réduisent les chairs en jus que les araignées aspirent .