Je pense que vous avez tous déjà vu des syrphes, mais je suis sûr que beaucoup d’entre vous les prennent pour des petites abeilles .
Les syrphes font en effet partie de ces insectes qui pratiquent le mimétisme batésien* et se font passer pour des animaux « dangereux » alors qu’ils sont totalement inoffensifs. Mais si cela marche auprès des prédateurs, pourquoi s’en priver ?
Cette imitation n’est bien sûr pas le fruit de la volonté des insectes, mais le résultat de la sélection naturelle qui a opéré ces mutations sur de longues périodes.
Les syrphes ne font pas partie de l’ordre des hyménoptères, mais de l’ordre des diptères. Pour le dire plus simplement, ce sont des mouches. Le mot « syrphe » vient d’ailleurs du grec « surphos » ,moucheron .
Comme toutes les mouches, le syrphe possède deux ailes, ce qui permet de le distinguer des hyménoptères qui en ont quatre. Le nom de l’ordre nous le rappelle . Diptère est la contraction des deux mots grecs « Di » ,deux et « ptère », aile.
les diptères sont un ordre d’insectes très important qui compte plus de 150 000 espèces connues et répertoriées dans le monde. Leur particularité est de regrouper des insectes qui ont deux ailes au stade adulte et qui suivent une métamorphose complète.
Les diptères possèdent également six pattes et une trompe.
Cet ordre comprend des insectes aussi différents que les mouches , les syrphes , les moustiques, les chironomes, les cousins ou les taons.
Il est aujourd’hui divisé en deux grands sous-ordres : les nématocères et les brachycères .
Les nématocères regroupent les diptères qui ont des antennes en forme de fil. Les moustiques, les tipules ou les anophèles font partie de ce sous-groupe.
Les syrphes avec les mouches et les taons font partie des brachycères . Ce sous-ordre regroupe les diptères qui ont des antennes courtes. « Brachy » signifie court et « keras », corne.
Les syrphidés regroupent plus 5000 espèces connues dans le monde, 800 en Europe et plus de 500 en France. On croit connaitre les syrphes quand on a découvert la première mais il en reste encore 499 à découvrir. Le monde des syrphes est vaste comme l’est celui de toutes les familles d’insectes.
Il existe trois sous-familles de syrphes.
les Eristaninae,
Les Microdontinae
Les syrpinae
qui comprennent plus de 200 genres comme les Eristalus , les Cheilosia, les Volucella ou les Épistrophes.
Le printemps est le moment où on les voit apparaitre au jardin sous la forme adulte . Mais on peut aussi les apercevoir sous la forme de l’œuf, de la larve ou de la pupe. Les syrphes pondent de préférence au milieu des pucerons qui sont la nourriture principale des larves.
Au jardin des oiseaux, j’ai eu cette année un grand nombre de larves de syrphes. La plupart du temps elles étaient posées sur des feuilles d’orties qui étaient couvertes de pucerons. J’ai également vu plusieurs pupes fixées sur la partie verticale des feuilles d’hémérocalle.
Quand on parle de pollinisation, les abeilles sont très souvent mises en avant mais on oublie que les mouches et les syrphes sont aussi de très grands pollinisateurs.
Cycle des syrphes
Les syrphes comme la plupart des diptères sont des insectes holométabole. C’est-à-dire qu’ils font une métamorphose complète qui passe par le stade de l’œuf, de la larve, de la nymphe (pupe) et de l’adulte. L’animal devenu adulte est nommé imago par les entomologistes parce qu’il est enfin à l’image de ses parents.
(Photo oeufs de syrphes)
Les femelles pondent leurs œufs isolément sur des plantes où se trouvent des pucerons . Les larves à peine écloses peuvent ainsi se nourrir aussitôt . Pour trouver les bons endroits, les femelles se servent de la vue, mais elles sont aussi attirées par l’odeur du miellat qu’elles détectent de loin. Les œufs sont blancs et allongés. Ils deviennent plus sombre en vieillissant et éclosent après une semaine d’incubation.
Les syrphes femelles peuvent pondre de 500 à 100 œufs par an .
Les larves peuvent manger jusqu’à 300 pucerons par jour.
Le vol
Contrairement à l’abeille, les syrphes sont incapables de transporter de lourdes charges, mais ils sont en revanche capable d’effectuer des figures remarquables . Ils peuvent notamment faire des démarrages éclairs, des vols stationnaires au-dessus des fleurs qu’ils s’apprêtent à butiner et même des vols à reculons que peu d’insectes sont capables de réaliser .
Ils sont également capables de se projeter brusquement d’un côté ou d’un autre pour attraper une proie ou se dégager d’un prédateur moins habile qu’eux.
Des chercheurs de l’université d’Oxford ont étudié le vol des syrphes pour tenter de comprendre d’où venait cette grande habileté . Des vidéos au ralenti ont par exemple mis en évidence la fonction des haltères qui stabilisent le vol .
Durant le vol, ils vibrent de haut en bas à la même vitesse que les ailes et jouent le même rôle qu’un gyroscope . Si l’insecte est basculé par le vent le plan des balanciers est modifié et le redresse immédiatement . Bien que très discrets et peu visibles, les balanciers sont très importants. Sans eux, les syrphes perdraient l’équilibre et ne pourraient tout simplement pas voler .
Les recherches ont également permis de montrer le rôle capital de la partie de l’aile nommée « alula ». En se déployant ou en se rétractant d’un côté ou de l’autre, cette zone permet à l’insecte de virer brusquement . Les syrphes avec les bombyles sont les champions de ce genre d’exercice puisqu’ils sont capables d’effectuer un demi-tour en 0,02 seconde .
Migrations
La migration des insectes est un phénomène peu connu en raison de la petite taille des individus . Voir un groupe oiseaux traverser une frontière est une chose . Apercevoir des centaines d’insectes de la taille d’un syrphe est bien plus difficile . C’est pourtant ce qu’on fait deux ornithologues anglais . David et Elisabeth Lack étaient venus observer la migration des oiseaux au col du Boucharo (Hautes-Pyrénées) lorsqu’ils ont vu passer des quantités de syrphes.
Grâce à eux, des études sur le sujet ont été entreprises. William Hawkes , un jeune chercheur est revenu sur le même col quelques années après et a été lui aussi surpris par le nombre de syrphes. Il observa que certains jours il pouvait passer plus de 3000 syrphes par mètres . Rédigeant ses observations, il écrira : « L’air est empli de flocons d’insectes volants et le sol grouille comme un tapis vivant. »
Comme les oiseaux , les syrphes migrent pour trouver des territoires où la nourriture sera plus nombreuse et le climat plus doux .
Mais les syrphes ne sont pas les seuls insectes à effectuer des migrations .
En 2016 une étude s’est servie des radars pour suivre les vols des insectes en altitude. L’observation a montré que 10 à 25 milliards d’insectes arrivaient en Angleterre au printemps et qu’autant redescendaient vers la France à l’automne.
Certaines espèces de syrphes sont plus migratrices que d’autres . Le syrphe ceinturé est réputé pour être une grande voyageuse . L’autre espèce connue pour effectuer des migrations est le syrphe des corolles.
Les naturalistes savaient que ces espèces étaient plus migratrices que d’autres, mais ils pensaient que les migrations se faisaient à basse altitude . Les radars ont permis de montrer que les insectes volaient entre 300 et 1500 mètres . Les études ont aussi prouvé que les syrphes usaient de stratégies de vol en montant à une altitude ou les vents étaient le plus favorables . Elles se laissaient ensuite porter par les courants et pouvaient ainsi effectuer des centaines de kilomètres par jour.
Quelques espèces de syrphes présentes au jardin
Syrphe pyrastre (Scaeva pyrastri)
Première et dernière syrphe vu au jardin des oiseaux
* voir mon article sur le mimétisme : https://lejardindesoiseaux.fr/autres/mimetisme-batesien/