Mimétisme

Le mimétisme est un phénomène très fréquent chez les êtres vivants. Son objectif est toujours de faire croire que l’on est autre chose que ce que l’on  prétend être. En règle générale, il a une fonction  de protection . L’imitation est là pour tromper l’autre. Chez les papillons et de nombreux insectes,  le mimétisme  a principalement pour rôle  de faire croire que l’on est toxique ou dangereux  et que s’en prendre à nous serait une très mauvaise idée. Ce phénomène est notamment très fréquent chez les papillons tropicaux, mais on le rencontre aussi en Europe chez de nombreux insectes . Le « copieur » est toujours une espèce non toxique ou non venimeuse qui endosse  la livrée colorée (aposématique*) d’un insecte toxique ou venimeux.

Chez les insectes la copie ne se fait pas bien sûr grâce à une volonté  de l’animal, mais par le  phénomène de la sélection naturelle découverte et décrite par Charles Darwin  .  Les animaux qui ont certaines qualités ou certaines particularités sont moins victimes des prédateurs et transmettent  leur patrimoine génétique aux générations suivantes . À l’inverse, ceux  dont les qualités et les caractéristiques sont moins adaptées au lieu où à l’environnement meurent plus facilement et transmettent moins leur patrimoine génétique. Ce n’est pas l’individu qui agit, mais l’environnement qui dicte sa loi .

Sur une certaine durée la  forme particulière d’une espèce  peut  disparaitre et une  autre se développer.

On distingue deux sortes principales de mimétisme. Le mimétisme Batésien et le mimétisme Müllerien.

Mimétisme Batésien

Ce mimétisme a été découvert par  1863 par l’entomologiste Henry Walter Bates. Au cours d’un de ces voyages en Amazonie il découvrit qu’un papillon avait évolué au fil du temps pour prendre les couleurs d’un autre papillon qui faisait partie d’une autre famille.   Bates compris que le premier papillon avait changé de forme  pour profiter de la protection aposématique* du deuxième.

En faisant des recherches Bates  trouva de nombreux autres cas de ce genre de mimétisme chez les reptiles (couleuvre faux corail) les papillons (sésie apiforme) , les syrphes ou les mouches (bombylidés) et il en tira quelque lois comme:

-L’espèce qui subit la transformation vit dans la même région et à la même période que l’espèce copié.

-L’espèce  qui subit la transformation  est toujours plus vulnérable que l’espèce copié. Ses membres sont également moins nombreux.

-Les « copieurs » font également toujours  parti d’une famille différente du copié, etc…

La découverte de Henry Walter Bates prit alors son nom et on parle encore aujourd’hui  de mimétisme Batésien pour nommer ce phénomène.

Le mimétisme Batésien est une stratégie d’adaptation par l’imitation.

Il s’agit de profiter de la crainte que génère « le vêtement »  de l’autre pour se protéger et  allonger sa durée de vie.

Elle implique toujours trois acteurs.

  1. Le modèle qui va être copié (sa tenue colorée signale sa toxicité)
  2. L’imitateur qui subit la transformation (il n’est pas toxique)
  3. Et le dupe qui va prendre l’imitateur pour le modèle (il prend l’habit pour le moine ).

Chez la plupart des animaux, cette stratégie met plusieurs milliers d’années à se développer puisque la sélection naturelle a  besoin de temps  pour faire évoluer génétiquement l’apparence d’une espèce . On comprend que la transformation importante  de la sésie du peuplier ne s’est pas faite en un jour. Il existe toutefois des exceptions comme la phalène du bouleau (Biston betularia) ou la transformation pigmentaire assez simple  de la couleur blanche à la forme mélanique puis retour à la forme blanche  se fit une période de 100 ans. Dans ce cas Il s’agissait moins de faire peur que de rester invisible sur le tronc des bouleaux (Voir article sur la phalène du bouleau )

Mimétisme Batésien chez les humains ?

Le mécanisme du mimétisme est commun à tous les animaux, humains compris, et l’on peut facilement le reconnaitre en regardant autour de soi. Que font d’autre, après tout, les enfants de bonne famille lorsqu’ils endossent les accessoires de bad boys (blousons en cuir, piercings) ou qu’ils se font des tatouages un peu “sales”  autrefois réservés aux prisonniers.

La tenue et le changement sont bien plus rapides à effectuer, mais on retrouve exactement la même structure et les mêmes conséquences avec les trois acteurs.

1 Le modèle qui est un véritable « mauvais garçon » ou « mauvaise fille » (il peut être dangereux).

2 L’imitateur, fils ou fille de bonne famille, qui se déguise en Bad boy ou Bad girl pour profiter de la crainte que génère le modèle et de l’aura négative qu’il dégage. (il ou elle est inoffensif (ve)

3 Le dupe qui se fait toujours avoir par l’apparence et qui prend le mouton pour le loup. (son destin est d’être dupé par l’apparence, car il ne perçoit pas le véritable « être » )

Comme je l’ai dit plus haut, la mise en place est bien sûr plus rapide chez les humains puisqu’il suffit de retourner sa veste (j’en connais qui la retournent plusieurs fois par jour), ou de changer de coupe de cheveux. Une crête, genre punk, peut avoir un effet au moins aussi dissuasif que les couleurs aposématiques du frelon ou de la punaise du choux.

Le mimétisme Batésien est une sorte de parasitisme

Le mimétisme Batésien est une sorte de parasitisme puisque l’imitateur copie le modèle et vit en quelque sorte « sur son dos ».

Et comme tout parasitisme il peut avoir des conséquences positives ou négatives.

Parmi ses conséquences inattendues, il y a le fait que l’espèce copieuse va dans un premier temps se développer, car elle est maintenant crainte des prédateurs et peu chassée. Sa population va alors croitre. Devant le surnombre  quelques insectes « malvoyants » vont s’attaquer à elle se rendre compte qu’elle est excellente.

Le message va alors se répandre parmi les prédateurs que les insectes ayant cette tenue sont comestibles et l’effet aposématique va peu à peu disparaitre.

Le résultat de ce jeu de dupe est que le modèle lui-même, malgré sa réelle toxicité, va  être attaqué et sa population mise en danger à cause de ces insectes imitateurs qui ont endossé son vêtement pour tromper les prédateurs.

La morale de cette histoire, si on peut en tirer une,   est que toute action ou inaction peut avoir des conséquences et que la fragilité ou la force, les gentils ou les méchants ne sont pas toujours du côté qu’on croit.

On peut également se servir de ce type de phénomène très fréquent pour réaliser que la vie est faite de nombreuses illusions et que les êtres illusionnés qui prennent l’habit pour le moine sont bien plus nombreux qu’on l’imagine.

Mimétisme Müllerien

On parle de mimétisme Müllerien lorsqu’une espèce toxique imite une autre espèce toxique pour que l’impact visuel qui dit « DANGER » prenne encore plus de poids .  À la différence du mimétisme Batésien, il n’y a pas ici de tromperie et encore moins de dupes puisque les deux espèces sont toxiques. Le mimétisme Müllérien est un mimétisme gagnant-gagnant. Le résultat est un renforcement du message qui protège encore mieux   le copieur comme le modèle.

Le concept de mimétisme Müllérien doit son nom à Fritz Müller (1822/1897), un zoologue allemand qui l’a découvert et expliqué en 1878.  Fervent défenseur de la théorie de l’évolution, il correspondait régulièrement avec Darwin qui disait de lui qu’ il était le roi des observateurs.

régulièrement avec Darwin qui disait de lui qu’ il était le roi des observateurs.

Mimétisme adaptatif

Il s’agit d’un mimétisme qui permet  à l’animal de s’adapter à un événement particulier . La mutation de la phalène du bouleau est un exemple de mimétisme adaptatif . Voir mon article ici : Phalène du bouleau .

Conclusion

Ce que l’on  peut  retenir de cette histoire est que la nature est merveilleuse et  que les espèces, contrairement à ce que l’on pourrait croire sur une courte durée,  ne sont pas fixes, mais qu’elles ont au contraire  une  grande variabilité  qui leur permet de s’adapter à de nombreux environnements.

J’ajouterai qu’il ne faut jamais oublier que les formes qui sont considérées comme la norme aujourd’hui peuvent être considérées comme anormales demain,  et que celles qui sont considérées comme à la marge aujourd’hui peuvent devenir la norme demain si leur particularité correspond à l’environnement à venir .

La dernière chose est qu’il  ne faut pas oublier que l’évolution ne vient jamais des individus eux-mêmes, mais de l’environnement qui sélectionne ceux qu’il juge  les mieux adaptés à la situation en piochant dans les individus qui se trouvent à la  marge  .

L’évolution est d’ailleurs un terme qui ne convient pas toujours puisque comme on l’a vu  dans le cas de la phalène du bouleau  une espèce peut évoluer pour s’adapter à un évènement particulier  puis revenir à sa forme première lorsque cet évènement disparait .

Aposématique : se dit de la tenue très voyante d’insectes toxiques ou immangeables.

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