Ce doute est très fréquent chez les mâles humains .
Nombreux sont ceux qui se posent la question
Sont-ils les véritables pères de l’enfant ou des enfants qui viennent de naitre ?
Certains mènent de véritables enquêtes pour s’assurer qu’ils sont bien les géniteurs et que le nouveau-né portera bien leurs gènes. Une blague connue veut faire du facteur, du collègue de bureau ou du plombier le véritable père et l’on se moque bien volontiers de l’homme qui ne parvient pas à cacher son inquiétude ?
On rit de lui, bien sûr, parce qu’on l’imagine cocu et trahit par sa compagne. Mais on rit aussi de lui parce que l’on sait à quel point cette inquiétude est profondément inscrite au cœur de tous les hommes et à quel point elle peut faire souffrir ceux qui doivent vivre avec ce doute.
En réalité, cette peur est bien plus puissante et archaïque qu’on ne l’imagine, car elle touche à la perpétuation de l’espèce sur un plan général, mais également à la perpétuation du sujet lui-même sur le plan de l’individu .
Car l’angoisse de la mort* tenaille les êtres vivants et la reproduction est l’un des moyens qui permettent de l’atténuer .
Pour un homme, avoir une descendance c’est aussi avoir la quasi-certitude (symbolique) que ses gènes (et donc une partie de lui-même) survivront après sa mort. Avoir en revanche un enfant qui transporterait les gènes d’un autre homme serait mourir beaucoup plus tôt .
On ne rencontre pas cette peur chez les femmes, car elles ont l’assurance que l’enfant qu’elles portent sera bien le leur . Au pire peuvent-elles douter du père, mais pas d’elle-même . l’enfant qui sort de leur vagin est assurément le leur et ne peut venir de nulle part ailleurs . Pour les hommes , en revanche, le doute est toujours là, et la confiance envers leur partenaire jamais entière.
Mais cette peur archaïque est présente partout et on la rencontre chez de nombreuses espèces qui ont mis en place des stratégies variées pour tenter de régler ce problème .
L’accenteur alpin, par exemple, va tapoter le cloaque de la femelle avec son bec pour tenter d’en extraire tout le sperme des autres mâles avant de s’accoupler.
Chez les lépidoptères, la solution est plus radicale et rappelle par certains côtés la ceinture de chasteté qui était employée par les humains au moyen âge pour empêcher les relations sexuelles et la masturbation. En plein cœur de la chrétienté, on ne plaisantait avec les pulsions qui, en dehors de la procréation, étaient considérées comme des choses sales et interdites .
Le papillon Apollon, par exemple, va jusqu’à colmater les parties génitales de la femelle pendant l’accouplement avec une substance collante qu’il secrète. Le bouchon ainsi formé, qui peut être volumineux, est appelé sphragis .
Femelle apollon avec un spraghis
Les bourdons terrestres mâles pratiquent également ce genre de blocage par le biais d’un bouchon de copulation. L’acte sexuel, ici, dure beaucoup plus longtemps que chez leur cousine, les abeilles. 2 secondes chez ces dernières, 40 minutes pour les bourdons. La plus grande partie du sperme est pourtant transféré dès les premières minutes, mais une deuxième étape commence juste après pendant laquelle le bourdon transfère dans les parties copulatrices de la femelle une substance qui provient d’une glande annexe. Cette substance, formée d’acide gras, remplit alors le sexe de la femelle et forme ce qu’on appelle un bouchon de copulation. Celui-ci a au moins deux fonctions . Il empêche que le sperme ne ressorte, mais il rend surtout impossible toute copulation de la femelle avec un autre bourdon .
Une autre variante plus radicale, mais tout aussi efficace, existe chez certaines fourmis . Le mâle Diacamma, par exemple, se laisse couper en deux par la femelle juste après l’accouplement . La moitié de son corps reste ainsi planté dans la partie génitale de sa partenaire formant un bouchon qui rend impossible toute autre copulation.
On voit, là, que l’angoisse de ne pas être le géniteur est telle que le mâle préfère mourir pour s’assurer que les petits seront bien de lui .
Mais cette angoisse est parfois ancrée non plus dans « l’esprit » mais à même le corps. Des scientifiques ont en effet découvert chez d’autres fourmis (Atta Columbica et Atta echiniator) que la compétition se poursuivait au niveau des spermatozoïdes eux-mêmes. Lors de l’accouplement, le sperme est accompagné de sécrétions qui augmentent la survie des spermatozoïdes du mâle qui s’accouple, mais qui réduisent la survie des spermatozoïdes des mâles qui viendront après lui.
Il ne faut pas extrapoler pour autant et s’imaginer que les femelles sont toujours victimes des mâles. Le monde animal nous rappelle sans cesse que la violence est également partagée entre les sexes et que si, dans certains cas, les femelles sont parfois les victimes des mâles, les mâles sont aussi très fréquemment les victimes des femelles. On ne compte plus le nombre de femelles qui dévorent leur mâle juste après l’accouplement. Tout le monde connait la célèbre mante religieuse qui commence à dévorer la tête du mâle pendant l’acte lui-même et qui finit de la manger juste après.
On connait aussi la célèbre araignée « veuve noire » qui porte bien son nom. Mais certains mâles de cette espèce ont trouvé des parades et recherche de préférence avant de s’accoupler des femelles « grassouillettes » qui viennent de manger.
D’autres mâles ont trouvé des solutions encore plus étonnantes pour échapper au cannibalisme de la femelle. le mâle de l’espèce Philoponella prominens (araignées) par exemple se catapulte très loin de la femelle juste après l’accouplement grâce à ses pattes antérieures.
Les scientifiques qui ont étudié ce phénomène ont noté que la vitesse moyenne de catapultage était de 66 cm/s, et que le record était de 88 cm/s. Ils ont aussi noté que les mâles qui parvenaient à se catapulter avaient la vie sauve et que les autres, qui n’en avaient pas l’idée ou qui n’aient pas assez rapide finissaient dans l’estomac de la femelle.
En général ces repas post coitum ont pour fonction d’apporter un quantité de protéines suffisante aux femelles qui se retrouvent ainsi dans les meilleures conditions pour perpétuer l’espèce. le géniteur ayant délivré sa semence, il ne sert plus à rien et peut donc être dévoré.
*Je parle d’angoisse de la mort pour que tout le monde comprenne, mais je pense pour ma part que ce que nous nommons « angoisse de la mort » est en réalité l’angoisse de ne plus pouvoir obéir à l’injonction majeure de la nature qui hurle à nos oreilles : -« vous devez tout faire pour vivre le plus longtemps possible ».