Pythagore, le premier végétarien

Tout le monde connait le mathématicien Pythagore qui est né dans les années 580 avant jésus christ sur l’île grecque de samos.   Il est resté célèbre grâce au théorème qui a gardé son nom .

Nous avons tous dû  apprendre un jour ou l’autre  que « Si un triangle est rectangle, le carré de la longueur de l’hypoténuse (ou côté opposé à l’angle droit) est égal à la somme des carrés des longueurs des deux autres côtés. »

Mais Pythagore n’est pas que cela . Il est aussi et même surtout un philosophe. A l’époque les mathématiques ne sont  pas comme aujourd’hui une matière isolée ayant pour unique but la sélection des bons élèves et le rejet des  mauvais ,  mais elle est alors un outil de connaissance et d’exploration du monde au même titre que la philosophie, l’apprentissage de la nature  ou la cosmologie.

L’école pythagoricienne

Il est notamment  le créateur en – 532 de l’école pythagoricienne. Installée à Crotone en Italie, dans l’actuelle Calabre, l’école  propose à ses élèves un mode de vie basé sur une éthique morale et alimentaire.

Selon Platon, Pythagore était un maitre très apprécié de ses élèves qui voient en lui un immense penseur .

Pythagore à Crotone auprès de ses élèves

Le programme des élèves est très complet  .Ils suivent des cours consacrés à la science des nombres, à la musique, à la géométrie ou à la cosmologie. Une section touche même à la religion puisque les élèves doivent adhérer à la doctrine de la religion orphique qui traite de la transmigration des âmes.

L’enseignement du maître a pour objectif d’aider ses élèves à aller vers un mieux vivre et d’accéder à la paix de l’âme dans l’au-delà.  À l’époque, il eut un grand succès et influença un grand nombre de penseurs de l’antiquité grecque et de la République romaine . La philosophe française Simone Weil considère que la philosophie pythagoricienne a imprégné tous les domaines de la civilisation grecque et que la pensée d’un grand philosophe comme Platon en découle directement .

À la mort de Pythagore, la direction de l’école est reprise par sa femme, la mathématicienne Théano.

 Hegel disait de lui que c’était « le premier maitre universel ».  Selon Cicéron, il aurait été le premier penseur grec à s’être lui-même qualifié de philosophe , c’est-à-dire d’homme qui aime la sagesse .

La transmigration des âmes

Pythagore croit à la transmigration des âmes. Un concept que l’on retrouve dans de nombreuses philosophies de l’époque. Selon cette croyance, l’âme quitte le corps après la mort et retrouve une existence dans une nouvelle enveloppe.

Pour Pythagore l’âme est supérieure à la chair et vient directement du cosmos . Descendant du ciel, elle s’ancre alors dans un corps et vit en lui le temps de l’existence de l’être qu’elle a choisi d’investir. Elle lutte alors sans cesse contre les instincts les plus bas des humains et essaye de vaincre les pulsions qui dominent les humains et font d’eux des esclaves. 

 Pour les adeptes de la transmigration, le corps est une sorte de tombeau qui enferme l’âme.

Orphée et les animaux . le mythe qui est à l’origine de l’orphisme

Pythagore pense que l’âme, contrairement au corps, est immortelle et qu’après avoir quitté le corps des humains elle revit dans le corps d’autres animaux. Dans sa vision de la transmutation, n’importe quelle âme peut entrer dans n’importe quel corps . Pour cette raison il considère que tous les êtres vivants sont de la même espèce et que les autres animaux ne valent donc pas moins que les humains.

Lui-même est persuadé d’avoir déjà vécu plusieurs vies à l’intérieur d’autres corps.  Il disait être la réincarnation d’Ethalides, le fils d’Hermès, du guerrier troyen Euphorbe , du penseur semi-légendaire Hermotime de Clamozènese et d’un pêcheur de Délos nommé Pyrrhos. Il affirme se souvenir parfaitement de toutes ces vies antérieures et il est moqué pour cela par certains de ses contemporains.

Un poème satyrique connu de Xénophane évoque la relation que Pythagore entretient avec les animaux. Dans le texte, on voit Pythagore intervenir pour aider un chien que son maitre est en train de battre parce qu’il a reconnu dans les cris de douleur du chien la voix d’un ami disparu.

On peut imaginer pourquoi cette croyance en la transmigration influença Pythagore et le poussa à développer un végétarisme alimentaire et le respect des autres espèces. Comment peut-on, en effet, continuer à tuer et manger des animaux quand on est persuadé qu’ils ont pu être des humains dans des vies antérieures et que l’on peut soi-même devenir un animal dans sa prochaine vie.  

Les causes du végétarisme de Pythagore et de tous ceux qui croient à la transmigration sont plus narcissiques (je ne veux pas qu’on me tue si je me réincarne) que véritablement éthiques(je m’yuh0interesse à l’animal) , mais l’essentiel est qu’ils n’abattent plus d’animaux pour se nourrir et qu’ils enseignent le respect des animaux .  

Pythagore végétarien

Bien que les sources ne soient pas toujours d’accord Pythagore est aussi considéré comme le premier végétarien. Les membres de son école devaient se soumettre à des interdictions alimentaires . Aristote cite des maximes de Pythagore qui interdisent de manger certains poissons comme le mulet et le bogue ou certains organes d’animaux comme le cœur ou les organes génitaux.

Pythagore prônant le végétarisme (pierre-Paul Rubens 1620)

Les textes se contredisent parfois sur le sujet du végétarisme de Pythagore . Des sources le montre commettant des infractions à la règle alors que d’autres auteurs de l’époque le peigne comme un végétarien très strict.

On se demande même si Pythagore n’aurait pas banni la viande de ses repas sous l’influence de l’orphisme qui était alors très en vogue . Prenant ses racines dans le mythe d’Orphée, l’orphisme était un courant religieux qui pense que l’âme humaine est entachée d’une souillure originelle. Pour la laver, les humains doivent passer par une série de réincarnations qui est censée laver l’âme de ses pêches.  On sait aujourd’hui peu de choses des orphistes, mais on pense qu’un certain nombre d’entre eux étaient végétariens  . On trouve une trace des pratiques orphiques dans la tragédie d’Euripide « Hippolyte » où il est écrit :  

«  Vante-toi désormais, abuse les hommes en t’abstenant de manger de la chair des animaux, suis la trace d’Orphée, fréquente les mystères de Bacchus, et repais-toi des fumées de la science . » 

La richesse de pensée de Pythagore a inspiré et influencé de nombreux auteurs comme Platon, Cicéron, Jalblique ou Jean pic de la Mirandole . Montaigne, qui était un grand ami des animaux , se sent proche de lui par l’esprit et le cite dans ses essais   :

« Car voilà l’extrême point où la cruauté puisse atteindre. De moi, je n’ai pas su voir seulement, sans déplaisir, poursuivre et tuer une bête innocente qui est sans défense, et de qui nous ne recevons aucune offense : et comme il advient communément que le cerf, se sentant hors d’haleine et de force, n’ayant plus autre remède, se rejette et rend à nous-mêmes qui le poursuivons, nous demandant merci par ses larmes, ce m’a toujours semblé un spectacle très-déplaisant. Je ne prends guère bête en vie à qui je ne redonne les champs ; Pythagore les achetait des pêcheurs et des oiseleurs pour en faire autant. »

Le texte le plus célèbre sur Pythagore est celui du poète latin Ovide qui explique comment celui-ci défend l’idée du végétarisme et condamne fermement toute consommation de viande animale  .

Ovide prête ses idées à Pythagore, mais vu la force et la justesse des mots qu’il emploie on comprend qu’il y a certainement mis aussi beaucoup de lui-même et de ses propres idées .

« le premier, il fit un crime aux hommes de manger la chair des animaux , et le premier , il fit entendre ces doctes paroles à un siècle sourd à sa voix.

« Cessez, Mortels, de souiller vos corps par des aliments sacrilèges.. N’avez-vous pas les moissons ?  N’avez-vous pas  des arbres qui ploient sous leurs fruits et des vignes chargées de raisins ? . Il est des légumes d’un goût exquis; il en est d’autres que le feu rend plus tendres et plus savoureux. Ni le lait, ni le miel que parfume le thym, ne vous sont défendus. La terre, prodigue de ses trésors

Il n’appartient qu’aux animaux de se nourrir de chair : encore tous n’en font-ils point usage. Le cheval, la brebis, et le bœuf, vivent de l’herbe des prairies. Mais ceux qui sont d’un naturel farouche et sanguinaire, les tigres d’Arménie, les lions prompts à la colère, les ours et les loups, aiment les aliments sanglants. Ah ! c’est un grand crime de confondre des entrailles dans des entrailles, d’engraisser un corps d’un autre corps, et de ne conserver la vie d’un être que par la mort d’un autre !

Quoi ! parmi tant de biens que la meilleure des mères, la terre, produit pour vos besoins, vous n’aimez qu’à porter vos dents cruelles sur des animaux égorgés, qu’à mordre des blessures, et qu’à imiter les barbares Cyclopes ! Ne pouvez-vous faire cesser que par la destruction des êtres, les jeûnes d’un estomac vorace et déréglé !

Dans cet âge antique, que nous avons appelé l’âge d’or, l’homme vivait content du fruit des arbres, des plantes champêtres ; et jamais il ne souilla sa bouche de sang. Alors l’oiseau balançait, sans danger, ses ailes dans les airs ; le lièvre errait sans frayeur, dans les campagnes ; la crédulité du poisson ne l’attachait point à l’hameçon funeste. Aucun être n’employait, aucun ne craignait ni les pièges, ni la fraude : tout était en paix. Mais celui, quel qu’il soit, qui, le premier abandonnant l’innocente frugalité de cet âge, plongea des chairs dans son avide sein, ouvrit le chemin du crime. C’est, je veux le croire, par le carnage des bêtes féroces que le fer commença à être ensanglanté. Mais c’était assez de leur donner la mort. Il est permis, je l’avoue, d’ôter la vie aux animaux qui menacent la nôtre : on pouvait les tuer, mais il ne fallait pas s’en nourrir. On alla plus loin encore. On croit que le pourceau mérita d’être la première victime immolée, parce qu’il détruisait les semences et ruinait l’espoir de l’année. Le bouc fut sacrifié sur l’autel de Bacchus, parce qu’il avait offensé la vigne : ces deux animaux trouvèrent ainsi la peine de leur faute.

Mais quelle peine méritiez-vous, innocentes brebis, troupeaux paisibles dont les mamelles pendantes se gonflent, pour l’homme, d’un nectar délicieux; dont la molle toison lui fournit ses vêtements ; et dont la vie est, plus que la mort, utile à ses besoins ? Quel mal a fait le bœuf, animal sans fraude et sans artifice, simple, incapable de nuire, et né pour les plus durs travaux ? Ah ! ce fut un ingrat, indigne des dons de Cérès, celui qui, le premier, détela du joug fumant l’animal agricole pour l’égorger; qui frappa de la hache son col usé par de rudes travaux, en retournant si souvent la terre, et faisant produire aux champs tant de riches moissons ! Mais ce n’était pas assez de commettre un si grand crime : l’homme a voulu y associer les dieux ; et il ose croire que le sang des génisses est agréable aux Immortels !

Une victime sans tache, remarquable par sa beauté, car sa beauté lui devient funeste, est parée de bandelettes et conduite à l’autel. Là, elle entend des prières qu’elle ne comprend pas. Elle voit placer sur son front, au milieu de ses cornes dorées, les fruits de la terre, qu’elle a cultivée. Le couteau, qu’elle a déjà peut-être aperçu dans l’eau limpide préparée pour le sacrifice, la frappe : aussitôt on arrache de son sein les entrailles vivantes, et on les interroge pour y trouver le secret des dieux.

D’où vient à l’homme cette faim si grande des aliments défendus ? Ô Mortels ! je vous en conjure, renoncez à ces festins barbares. Écoutez et retenez mes avertissements : lorsque vous mangez la chair de vos bœufs égorgés, sachez et souvenez-vous que vous mangez vos cultivateurs. »

Ovide, Les Métamorphoses, livre XV

Légendes

L’ours de la Daunia

La légende, qui va toujours plus vite et plus loin que la réalité, raconte que Pythagore aurait convaincu un ours très agressif qui s’en prenait à la population de la Daunia en Italie  de cesser de manger de la viande en le nourrissant de galettes et de glands.

Après s’être régalé l’ours se serait éloigné du village et aurait cessé d’importuner la population .   

Quelques citations attribuées à  Pythagore

“Quiconque tranche avec un couteau la gorge d’un bœuf et reste sourd aux meuglements d’effroi, quiconque est capable d’abattre de sang-froid le chevreau hurlant et mange l’oiseau qu’il a lui-même nourri, est-il encore très éloigné du crime ?”

« Ne sois pas moins sobre que l’abeille : jamais elle n’a posé sa trompe sur la chair des animaux, pour pomper leur sang. »

« Si, la veille du jour où tu as décidé d’abattre un arbre, des abeilles y venaient déposer leur rayon de miel : laisses tomber la hache de tes mains. »

“Tant que les hommes massacreront les Bêtes, ils s’entre-tueront.”

“Le monde est une comédie dont les philosophes sont les spectateurs.”

« Voyageur ! pour connaître les meurs d’un peuple, regardes à ses aliments. »

Laisser un commentaire