Mélitée du plantain. (Melitaea cinxia) 11 juillet 2022

  • Règne : Animalia
  • Classe : Insecta
  • Ordre : Lepidoptera
  • Famille : Nymphalidae
  • Sous-famille : Nymphalinae
  • Genre : Melitaea

Présentation

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le deuxième nom « plantain » ne désigne pas la plante nourricière du papillon , mais celle sur laquelle les femelles aiment venir pondre et dont les feuilles seront dégustées par les chenilles. On la nomme plante hôte.

Comme beaucoup d’entre nous ont pu le constater, la désormais célèbre « pyrale du buis » pond sur le buis et ses chenilles se nourrissent des feuilles de cet arbre.

Ce genre de désignation est très fréquente et l’on rencontre beaucoup de papillons dont le nom composé se termine par celui de la plante hôte. Par exemple : la Vanesse des orties, la Piéride du chou ou de la rave, l’Azuré de la jarosse, la Thécla du prunier, ou le Moiré des fétuques.

Description

La Mélitée du plantain est un papillon de l’ordre des lépidoptères et de la famille des nymphalidés. Famille qui comprend des papillons comme le Chiffre, le Petit sylvain ou la Vanesse des pariétaires. Elle est du genre « Melitaea » qui est caractérisé par le quadrillage des ailes en forme de damier.
C’est un papillon plutôt petit puisque son envergure est de 30 à 40 mm.

On peut la distinguer des autres Mélitées grâce aux points noirs situées sur le dessus et le dessous des ailes postérieures (Bandes submarginales) . Ces lignes caractérisent l’espèce. Sans elles, il serait bien plus difficile de les reconnaitre, car les Melitées sont toutes oranges avec des taches noires et il faut avoir l’œil affuté pour être capable de percevoir les différences.

Hé oui ! on le dit rarement, mais l’œil est une sorte de muscle qu’il faut faire régulièrement travailler si l’on souhaite le garder en forme. Avec un peu de provocation, on pourrait presque dire qu’un œil non entrainé n’y voit quasiment rien .  

En réalité, il ne voit que les contours grossiers, mais ne parvient pas à retenir les petits détails. Pour dire qu’un peu de « musculation » visuelle n’est pas mauvais pour affuter son regard et qu’apprendre à observer les petits détails très fins présents sur les le corps et les ailes des papillons est un excellent exercice pour se forger un œil de tigre .

Mélitée du plantain vu de dessus

Le dimorphisme, ici, est quasiment absent. le comportement lors de la parade nuptiale peut toutefois permettre d’identifier les sexes. Comme c’est souvent le cas chez les lépidoptères, l’abdomen est plus épais chez la femelle que chez le mâle. La femelle est également un plus grande que son partenaire.

Le revers des antérieures est orangé avec des zones plus claires et des taches noires aux extrémités. Le revers des postérieures présente une alternance de zones crèmes et orange  qui sont encadrées par des lignes noires.  Les zones crèmes sont marquées par des points noirs.

plantes hôtes

Essentiellement le plantain lancéolé, mais aussi les véroniques. On peut aussi les voir sur les centaurées ou les piloselles.

Chenille

La chenille de la  Mélitée du plantain est l’une des premières que l’on voit au printemps. Elle peut mesurer jusqu’à 25 mm. Son corps est noir.  Il est constellé de petits points blancs et porte de nombreuses soies épineuses noires. La tête est rouge et les fausses pattes brun rougeâtre.

Chenille de la Mélitée du plantain Domaine public

Taxonomie

L’espèce a été décrite pour la première fois en 1758 par le naturaliste suédois Carl von Linné sous le nom initial de Papilio cinxia.

Le nom de genre a été créé en 1807 par l’entomologiste et économiste suédois Johan Christian Fabricius .

La famille des Nymphalidae qui compte plus de 6150 espèces a été proposée en 1815 par le naturaliste et archéologue américain Constantin Rafinesque.    

Étymologie :

Il n’y a aucune certitude sur le nom du genre, mais des propositions.
L’une d’entre elle propose que le nom générique « Melitaea » est l’un des surnoms de diane qui a eu un temple dans la ville de Melitée.
Jean-Yves cordier, qui a fait un travail très important sur la zoonymie des papillons, avance l’idée que Fabricius, l’élève de Linné qui a donné le nom, l’aurait choisi comme un surnom de la déesse Vénus.
D’autres imaginent que le nom serait une déclinaison d’une ville de Thessalie, « Macleod », qui signifie en grec « miel » et que ce nom aurait été choisi pour évoquer le gout du papillon pour ce nectar.
On connaît en revanche parfaitement l’origine du second nom, l’épithète spécifique « Cinxia qui signifie « qui porte une ceinture » . Il évoque la déesse Junon qui présidait aux mariages. L’une de ses attributions consistait à enlever symboliquement la ceinture des jeunes filles vierges lors de la cérémonie du mariage.

Autres noms vernaculaires : la Déesse à ceinturons, Le Damier pointillé, le Damier, la Mélitée de la Piloselle.


Les Anglais la nomment « Fritillaire Glanville ».

Eléonore Glanville


Fritillaire parce que ses damiers ressemblent à ceux qui se trouvent sur la plante à bulbe qui porte ce nom.
« Glanville » en hommage à la naturaliste anglaise miss Éléonore Glanville qui dans les années 1690 fut la première à découvrir l’espèce dans son pays.
Après s’être séparée de son mari, cette femme se consacra entièrement à sa passion des papillons et des insectes. Passion qui n’était pas du goût de sa famille qui trouvait qu’une « femme du monde » ne pouvait pratiquer ce type d’activité.
Désirant s’emparer de sa fortune son ex-mari, Richard Glanville, lança alors la rumeur qu’elle était folle et qu’elle courait après les insectes dans des « vêtements inappropriés ». Il y réussit si bien qu’à la mort d’Éléonore il réussit à casser le testament qu’elle avait écrit et à récupérer l’héritage.

Maison d’enfance d’Eleonore Glanville (Photo wikipédia/ Duncan Pepper)

Je rapporte cet épisode, car il est marquant pour deux raisons.
D’abord pour ce qu’il montre de la place qui était laissée aux femmes de cette époque. La société voulait qu’elle soit uniquement des génitrices. Une femme qui souhaitait devenir autonome et pratiquer un métier était alors un danger, car elle risquait de ne plus être assez concentrée sur son travail de « reproductrice » ayant pour rôle la perpétuation de l’espèce. Cette angoisse archaïque de la disparition de l’espèce qui est au cœur de chaque être vivant est selon moi la principale cause de cette énorme pression sociale qui est exercée sur les femmes depuis toujours.
Marquant aussi pour ce qu’il nous dit des humains d’alors qui considéraient dans leur grande majorité* que s’intéresser aux insectes et autres lépidoptères était une activité qui ne pouvait être pratiqué que par un fou ou une folle.
L’animal était alors vu comme un être méprisable de seconde zone n’ayant aucun rapport avec nous et qui ne méritait donc aucune attention de notre part.

11 juillet 2022

Eléonore Glanville / complément biographique

Eléonore Glanville est une entomologiste du XVIIe siècle.  Née en 1654, elle était l’ainée des filles du major Goodricke.  

À sa mort ce dernier versa 1000 livres à sa fille cadette Mary  et légua le principal de sa fortune à Éléonore. En 1676 elle se maria une première fois avec Edmund Ashfield , un artiste du Lincolnshire eut 3 enfants avec lui .  Mais quelques années après son mari décéda .

Elle rencontra alors Richard Glanville et il se marièrent peu après  . Eléonore découvrit très vite que son mari était violent. À plusieurs reprises il menaça de la tuer .  

Eléonore finit par le quitter. Pour se changer les idées elle se tourna alors vers la nature et plus particulièrement vers le monde des papillons dont elle devint très vite une spécialiste .

Eléonore correspondait régulièrement avec James Petiver qui était pharmacien, mais aussi un grand collectionneur de lépidoptères. C’est lui qui le premier proposa d’adjoindre le qualificatif de « fritillaire » au nom du genre . Il a également été le premier à donner des noms anglais aux papillons . Tel que « Admiral  (Vulcain), Tortoishell (petite tortue) et Brimstone (Citron). Elle collabora également avec Joseph Dandridge qui avait une des plus belles collections d’Europe et avec Adam Buddle un botaniste resté dans l’histoire pour avoir donné son nom au buddleia (arbre à papillons).

L’étude et la collecte de papillons devinrent pour elle une véritable passion.  Passion si puissante qu’elle payait régulièrement ses domestiques pour qu’ils lui attrapent des exemplaires . Elle leur apprit aussi comment les capturer et comment les emballer pour qu’ils ne s’abiment pas . Elle envoyait ensuite les papillons à Petiver qui classait et documentait les spécimens d’Eléonore .

Elle fut la première en Grande-Bretagne à découvrir et nommer la Mélitée du plantain ( Melitataea cinxia) . Son nom vernaculaire est aujourd’hui en Angleterre le « fritillaire de Glanville » en hommage à Eléonore .

Mais les choses ne se passèrent pas aussi bien de son vivant .

Glanville , son ex-mari n’avait pas bien digéré le divorce et il fit tout pour lui nuire . Il chercha à détourner la fortune en essayant de la faire passer pour folle . Craignant que son mari ne réussisse à capter son héritage, elle confia la gestion de son patrimoine à un conseil d’administration.

Eléonore décéda en 1709 à Twickenham court. 

Mais la mort d’Eléonore ne calma pas son ex-mari . Et il entra dans une rage folle lorsque le testament fut ouvert et qu’il découvrit qu’elle avait légué une grande partie de sa fortune à l’un de ses proches cousins.   Il monta alors l’un de leur fils, Forest, contre sa mère et l’incita à porter plainte en arguant que celle-ci était folle.

Ils dirent aux juges qu’Eléonore avait perdu la tête  et pour le prouver expliquèrent qu’ à la fin de sa vie elle courait après les papillons avec une épuisette à la main . Pour eux,  seules  des femmes privés de raison pouvaient courir après des papillons dans « des tenues inappropriés ».

La plainte fut reçue et le testament cassé . Glanville et Forest purent récupérer tous les

 biens d’Eléonore . Forest finit par vendre le manoir de Tickerman qui avait été la maison de sa mère.

Source :  Blog Deborah Swift


Laisser un commentaire