Le cycle des papillons

Comme les diptères, les hyménoptères ou les coléoptères,  les lépidoptères sont des insectes holométaboles. On dit aussi parfois qu’ils sont des insectes Endoptérygotes, c’est-à-dire que leur cycle biologique passe par 4 stades dont 3 où ils ont  une forme différente de celle de l’adulte . Pour cette  raison, Linné a baptisé « imago » le dernier stade, car  l’insecte  est  enfin à l’image de ses parents.

Flambé sur Verveine de Buenos aires

Ces 4 stades sont :

  1. l’œuf dans lequel l’embryon se développe .
  2. La larve, appelée chenille chez les lépidoptères, qui se développe en plusieurs mues   .
  3. La nymphe, ici nommée chrysalide, ou s’opère la métamorphose (stade nymphal)
  4. Le stade adulte, appelé aussi imago comme je l’ai expliqué ci-dessus.

Le principal avantage apporté  par ce système vient de ce que chaque stade a son type d’alimentation et que  les uns n’épuisent pas les ressources alimentaires des autres .

L’embryon se nourrit de l’intérieur de l’œuf , la chenille de sa plante hôte, la nymphe, elle, ne mange pas et l’adulte se nourrit avec sa trompe du nectar des fleurs ou de la sève des arbres (voir partie alimentation du papillon).

Anna Maria Sibylla Merian

Le cycle de vie en 4 stades a été découvert et mis en avant par la peintre allemande  Maria Sibylla Merian. C’est elle aussi qui découvrit, grâce à ses observations minutieuses, de nombreux autres détails  touchant à la vie des papillons et des insectes . Elle fut la première notamment  à comprendre  que les femelles papillons pondaient  sur certaines plantes dont dépendaient leurs chenilles. Pour le dire plus simplement, elle découvrit que chaque espèce de papillons a ses plantes hôtes .

(Photo de Maria et du cycle des papillons avec l’image du thysiana agripini)

Détail du cycle des papillons

1 ) L’oeuf

L’œuf porte en lui tout le devenir de l’insecte. Chez les lépidoptères les formes et les couleurs sont infinies et varient selon les espèces ou les sous-espèces . Ils peuvent être sphériques ou ovales comme la plupart des œufs, mais peuvent aussi avoir des formes plus aplaties, en forme de cône, de ballon de rugby ou de bouteilles . Les motifs ou les alvéoles qui se trouvent dessus peuvent prendre eux aussi les formes les plus étonnantes. De tous les insectes, les papillons sont ceux qui ont les formes d’œufs les plus variés. 

Grâce à ces différences les spécialistes sont capables de dire l’espèce et souvent aussi son stade en observant la forme l’ emplacement ou la couleur des œufs .

Chez la plupart des espèces, les œufs sont formés dans l’abdomen de la femelle dès qu’elle atteint son stade adulte et sont fécondés juste avant la ponte grâce aux spermatozoïdes stockés dans la spermathèque*.

Les œufs peuvent être blancs , roses, jaunes ou verts, mais ils peuvent prendre des teintes plus sombres juste avant l’éclosion . On peut d’ailleurs parfois apercevoir l’embryon juste avant l’éclosion à travers le chorion* devenu translucide.

La taille des œufs n’est pas  forcement en rapport avec la taille du papillon.  De gros papillons peuvent pondre de tout petits œufs et inversement. Pour ce qui concerne les espèces que nous pouvons voir en France ou en Europe, la taille peut aller de 0.3 mm à 3 mm. Leur  diamètre diminue au fur et à mesure que la femelle vieillit, car ces réserves nutritives se réduisent.

Les œufs  sont déposés en groupe ou isolément par la femelle sur ou à côté de la plante hôte qui deviendra la nourriture principale de la chenille. Habituellement , la femelle les colle sur le revers des feuilles pour qu’ils restent invisibles des prédateurs et qu’ils soient aussi à l’abri du soleil ou de la pluie, mais la nature étant ce qu’elle est on peut toujours trouver des exceptions à cette règle .  Chez  certaines espèces, la dépose est moins délicate.  Les femelles « larguent » leurs œufs à proximité de la plante hôte comme un bombardier larguerait ses bombes .On se doute qu’avec cette technique approximative il doit y avoir un peu plus de casse .

En général les œufs sont pondus en grand nombre pour compenser   les conditions climatiques et les prédateurs qui en détruisent beaucoup . Une femelle peut en pondre 200 en une seule fois et plus de 1000 au cours de sa vie.  

La taille des oeufs diminue au fur et à mesure que la femelle vieillit car ses réserves nutritives se réduisent.

Les œufs des papillons possèdent une petite dépression sur le dessus où se trouvent un ou plusieurs trous (les pores micropylaires) par lequel entre le sperme lors de la fécondation. On appelle cette zone le micropyle . La coquille de l’œuf est également remplie de pores microcosmiques , les aéropyles*, par lesquels l’air peut entrer pour oxygéner la chenille en formation .

L’embryon se nourrit grâce aux réserves nutritives contenues dans l’œuf. En temps normal, Il faut de 1 à 2 semaines pour que la chenille soit entièrement formée et prête à sortir de l’œuf . Il faut beaucoup plus de temps lorsque l’espèce hiberne au stade de l’œuf et que l’embryon doit alors passer plusieurs mois enfermé dans sa coquille . Le développement est alors ralenti pour que l’éclosion puisse se dérouler aux premiers jours du printemps.

Les œufs destinés à passer l’hiver sont souvent plus gros et possèdent un chorion plus épais . Ils peuvent également contenir du glycérol qui fait office d’antigel ou être recouverts d’écailles déposées par la femelle au moment de la ponte .

2 ) La chenille

Après avoir découpé une partie du chorion pour sortir de l’œuf, la chenille se met en quête de nourriture. Normalement, sa mère a pondu l’œuf sur sa plate hôte et la chenille n’a pas un long chemin à faire pour prendre son premier repas . L’activité principale de la chenille consiste d’ailleurs à se nourrir et elle le fait très bien. Une chenille affamée peut dévorer une feuille complète en quelques minutes . Étant paysagiste de métier j’ai pu voir à plusieurs reprises des buis totalement défoliés en 1 nuit . Je quittais le domicile du client avec des buis en parfait état et lorsque je revenais le lendemain toutes les feuilles des arbustes avaient été dévorées par les chenilles de la pyrale du buis qui sont particulièrement voraces et souvent nombreuses.

Chenille de la pyrale du buis

Le style avec lequel les chenilles attaquent les feuilles peut permettre l’identification.  Certaines espèces font des trous d’autres s’attaquent aux bordures  alors que d’autres , comme la pyrale du buis,  ne laissent rien derrière elles   .

Cette accumulation d’aliment a pour fonction de fournir l’énergie nécessaire aux diverses mues que la chenille va devoir traverser et en fin de cycle  à sa transformation en papillon. Durant la nymphose le papillon ne prend plus aucune nourriture et la chenille doit parvenir à ce stade rempli d’Énergie pour être capable d’effectuer la grande métamorphose.

Son corps est d’ailleurs fait pour manger. Il est constitué d’une tête faite d’une capsule dure de chitine, de mâchoires très puissantes et d’un long corps mou  traversé par un long intestin .

Si l’on entre un peu dans le détail, on peut dire que la chenille est constituée  de 3 parties . La tête, le thorax et l’abdomen.

1 ) la tête est dotée de mâchoires très puissantes de type broyeur, d’une filière qui servira au filage de la soie , de palpes labiaux, de très courtes antennes et d’ ocelles, ou stemmates,  qui sont des yeux simples qui ne permettent pas de voir des images,  mais donnent des informations sur la luminosité . ceux-ci au nombre de 12  sont disposés de chaque côté de la tête (6 de chaque côté).

2 ) le thorax correspond aux trois premiers segments  qui suivent la tête. Chaque segment porte une paire de vraies pattes articulées qui se terminent chacune  par une griffe unique   . Celles-ci servent  plus  à la chenille pour  s’accrocher que pour  se déplacer .

3 ) L’abdomen est composé de 10 segments ou anneaux charnus . Les segments 3 à 6  sont souvent dotés de fausses pattes et le dernier segment d’une  autre patte dite anale .

Ces  pattes sont munies  de crochets ou parfois de ventouses  et servent au déplacement de la chenille.

La respiration se fait grâce des petites ouvertures nommées spiracles ou stigmates qui sont situés de chaque côté du corps  . En général, on en trouve 1 paire par anneau,  mais il peut y avoir des différences selon les espèces . Les stigmates fonctionnent  comme des valves et ne s’ouvrent que lorsque la chenille a besoin d’oxygène.

Certaines chenilles sont recouvertes de touffes de poil ou de petite  épine qui ont des vertus défensives . La chenille processionnaire par exemple  est recouverte de milliers de poils qui sont comme des minis aiguilles. Non contents d’être piquants, ses poils contiennent aussi une protéine toxique qui est très irritante et qui décourage un grand nombre de prédateurs.

Épines de la chenille de la grande tortue (Nymphalis polychloros)

Mue

Les chenilles n’ont pas de muscles et la forme du corps n’est due qu’à la taille de la peau qui est gonflée par la pression de l’hémolymphe dans lequel baignent les organes .  Pour cette raison la chenille doit changer de peau et muer lorsqu’elle grandit. Une nouvelle peau , plus grande, se développe alors sous la première.  Une chenille peut effectuer 4 à 5 mues au cours de son développement .

Pour exécuter cette mue qui va l’exposer,  la chenille choisit un endroit tranquille , s’immobilise et  cesse de manger. Elle gonfle alors la région antérieure de son corps en faisant pression avec son hémolymphe et déchire l’ancienne peau devenue trop petite. Celle-ci se fend d’abord sur la partie arrière et la chenille s’en extrait en progressant vers l’avant .

Il est impossible de déterminer le sexe des chenilles à l’œil nu, car elles ne possèdent pas  d’organes génitaux . Seule une analyse génétique le permettrait .

Très lente dans leur déplacement, les chenilles sont des proies faciles et très recherchées par les oiseaux et de nombreux autres prédateurs . Pour cette raison certaines chenilles ont des tenues de camouflage   (cryptique)  qui imite la couleur des feuilles ou la texture du bois .

Phalène sur une branche de buddleia

Je suis passé à de nombreuses reprises  devant cet arbuste avant de repérer cette chenille de la phalène  qui s’était  immobilisée sur cette branche dont elle a la couleur même la  forme .

Soies

Plusieurs espèces produisent de la soie qui sert à fabriquer des toiles ou à tisser des cocons pour renforcer la protection de la chrysalide . La soie est fabriquer par les glandes salivaires.

Chenille de l’hyponomeute du fusain à l’abri dans un cocon de soie.

3 ) La chrysalide

Après l’œuf et la chenille, la chrysalide est la troisième étape dans le cycle de développement des papillons . Elle est la phase de diapause pendant laquelle la chenille se transforme en papillon. 

Parvenue à sa maturité, la chenille cherche alors un endroit où elle pourra effectuer cette phase dans les meilleures conditions. Cela peut être sur la tige de la plante hôte elle-même, fixé par le crémaster ,ou enterré dans le sol au pied de cette même plante. Mais un certain nombre de chenilles vont effectuer un parcours parfois assez long et périlleux avant de trouver le bon endroit. 

La chenille du Machaon peut par exemple entreprendre un voyage de 2 à 6 heures avec de se fixer sur un support.

Chenille du Machaon

Cette migration a des avantages des inconvénients . L’inconvénient est que la chenille est plus visible pendant son cheminement. l’avantage est que les prédateurs ne la trouveront pas sur sa plante hôte où ils ont l’habitude d’aller la rechercher  .    

Chrysalide de Robert le diable (Polygonia c album)

Une fois installée, la transformation à proprement parler commence . Vu de l’extérieur on a l’impression que la chrysalide est au repos et qu’il ne se passe rien . Mais c’est l’inverse qui se produit et à l’intérieur se déroule une intense activité qui va remodeler la chenille en papillon. Un insecte qui rampait va devenir un magnifique papillon qui vole .

La chenille cesse alors de boire et de se nourrir et vide son tube digestif puis effectue une mue qui fait apparaitre la chrysalide. 

Une grande partie des tissus de la chenille subissent à ce moment-là une importante transformation qui permet de faire apparaitre le corps et les ailes du futur papillon.  Pendant cette étape la chrysalide, qui est immobile, est extrêmement vulnérable.  Beaucoup sont victimes des prédateurs qui en font leur repas ou qui viennent y pondre leurs œufs (parasitoisme ). Un certain nombre de lépidoptères, pour cette raison, fabriquent en plus de la chrysalide un cocon protecteur . Celui-ci peut ressembler à une coque faite de soie ou à un rouleau de feuilles . Les papillons de nuit sont connus pour fabriquer de tels cocons .

Contrairement aux papillons les chrysalides sont peu visibles et revêtent souvent des formes et des couleurs proches de la nature qui font qu’elles se confondent avec leur support. Mais la cause se comprend bien et c’est là un moyen de défense pour compenser leur immobilité qui les empêche de fuir ou de se défendre .

Les chenilles qui arrivent à maturité  en fin d’automne et qui passent l’hiver à l’état de chrysalide chercheront un endroit bien abrité pour supporter les froidures de l’hiver . Certaines chrysalides peuvent résister à des températures très basses entre – 25 et -30 grâce à la présence de produits antigel dans leurs tissus (glycol).

Quelques jours avant la sortie du papillon, la chrysalide change de couleur et on aperçoit alors parfaitement la forme des ailes . Les motifs des ailes de la belle dame, par exemple, sont parfaitement reconnaissables quelques heures avant la délivrance.  

L’émergence du papillon se fait grâce à un apport d’air qui gonfle le corps du papillon. L’épiderme de la chrysalide se déchire alors au niveau de l’arrière de la tête . L’insecte libère d’abord ses pattes , ses antennes puis le reste de son corps . Les papillons qui avaient un cocon de protection devront aussi se délivrer de ce dernier . 

4 ) L’adulte

Linné a nommé le 4 ieme et dernier  stade du cycle des papillons « Imago »  car le papillon est enfin à l’image de ses parents .

Juste après l’éclosion, le papillon s’installe dans un endroit où ses ailes encore molles peuvent pendre et il y injecte de l’air et de l’hémolymphe* pour les gonfler et durcir les nervures  . il lui faudra encore attendre entre 1h et 5 heures pour celles-ci soit entièrement sèche et qu’il puissent s’envoler .

Émergence d’un machaon (Photo Google)

La dernière phase consiste en l’éjection du méconium qui est le fluide fécal accumulé lors de la métamorphose .

Méconium vient du grec “mekonion” qui signifie suc de pavot

Chez les insectes il a souvent une couleur rosée voir rouge vif qui peut être pris pour du sang .

Machaon adulte

Selon certaines sources l’éjection de méconium rouge par les papillons à certaines périodes serait à l’origine de la légende des pluies de sang qui avaient cours au moyen âge . 

Dans la vie des papillons d’Europe de Denis richard et Olivier Maquart, on trouve un extrait d’une chronique publiée en 1608 qui relate ce phénomène qui avait traumatisé les villageois .

« Une pluie de sang tomba à Aix-en-Provence et s’étendit à une demi-lieue de la ville . L’effroi était dans tous les esprits . Heureusement un homme instruit, M de Peiresc, se livra sur ce soi-disant prodige à des recherches assidues. Il reconnut que les matières rouges qui existaient dans l’eau de pluie n’étaient autre chose que les excréments de papillons qu’on avait observés en abondance sans les commencements en juillet . Il s’empressa de montrer le fait aux amis du miracle, mais le peuple des faubourgs continua de ressentir une véritable terreur à la vue de ces larmes sanglantes qui tachaient le sol de la campagne ».

Pluie de sang en Provence en Juillet 1608

L’enquête prouva en effet que toutes les taches rouges qu’on trouvait aux alentours du village étaient dû à un nombre impressionnant de vanesse qui s’étaient libérées en même temps de leur méconium .

Les papillons sortis de la chrysalide sont  maintenant entièrement tournés  vers un seul objectif : survivre pour pouvoir se reproduire avant de disparaitre . Leur durée de vie assez courte fait  qu’ils n’ont pas le temps de se consacrer à des futilités et que  mâles comme femelles s’attellent  à cette tâche avec un grand sérieux  dès l’émergence à l’état adulte . Si on peut badiner avec l’amour, on ne badine pas avec la perpétuation de l’espèce quand cette dernière peut disparaitre chaque printemps .

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