La pisaure admirable (Pisaura mirabilis)

  • Règne : Animalia
  • Embranchement : Arthropoda
  • Classe : Arachnida
  • Ordre : Aranea
  • Sous-ordre : Araneomorphae
  • Famille :Pisauridae
  • Genre : Pisaura

Présentation

La Pisaure admirable est une espèce qui fait partie de la famille des Pisauridae. 

Les araignées de cette espèce font aussi partie du groupe des Aranéomorphes ou labidognathe qui rassemble les araignées qui ont pour caractéristique d’avoir les chélicères (crochets) qui se croisent au repos.

(Illustration extraite des « araignées et autres arachnides » aux éditions Dunod)

On les distingue des mygalomorphes* dont les crochets ne se croisent pas, mais vont d’avant en arrière .

La famille des Pisauridae compte aujourd’hui 52 genres et plus de 359 espèces dans le monde . En Europe elle est représentée par trois espèces réparties en deux genres. Dans le genre Pisaura on trouve la Pisaure admirable .

La dolomedes des marais (Dolomedes fimbriatus) et Dolomedes plantarius sont les deux autres espèces que l’on peut rencontrer en France. On reconnait  facilement les deux genres qui ont des caractéristiques différentes. Les Pisaures ont une ligne médiane sur le céphalothorax et un abdomen très fin qui alors que les Dolomes possèdent des rayures claires de chaque côté du corps et ont un abdomen ovale .

Pisaure admirable femelle

Au jardin des oiseaux, les Pisaures admirables sont présentes en grand nombre dès le mois de Mars-Avril . On les trouve sur les hémérocalles  et surtout sur les feuilles d’orties qui sont le refuge de nombreux animaux. Victor Hugo avait remarqué  la relation étroite qui existe  entre  ces deux mal- aimés et leur a rendu hommage dans son célèbre poème « J’aime l’araignée et  j’aime l’ortie »*

Description

La femelle qui mesure de 11 à 15 mm est un peu plus grande que le mâle. Elle  est dans des coloris brun clair et possède sur le céphalothorax et l’abdomen une bande brun foncé au centre de laquelle se trouve une ligne plus claire . Son abdomen, que l’on appelle l’opisthosome chez les Arachnides,  est mince et se termine en pointe vers l’arrière . Les pattes sont très longues. Elles sont recouvertes de soies et d’épines qui jouent davantage un rôle sensitif que défensif. La plupart des soies sont innervées et permettent aux araignées de ressentir leur environnement. D’autres soies sur les pattes avant et sur les pédipalpes (appelées aussi pattes-mâchoires) renseignent l’araignée sur le gout et l’odeur . Une araignée touche d’abord sa proie avec ses pattes pour savoir si elle est comestible et à son gout.

Les 4 paires de pattes  sont composées de sept articles . En partant du corps on trouve la coxa ou hanche ,  le trochanter, le fémur,  la patella , le tibia , le métatarse et pour finir,  le tarse.

Les extrémités des pattes sécrètent une substance grasse et sont pourvues de soies hydrophobes qui permettent à l’araignée de se déplacer facilement sur sa toile sans rester collé aux fils de soie ne pas rester collé à sa toile

la pisaure a 8 yeux . 4 de chaque côté de la tête. Un triangle sombre se trouve sur le devant de la tête et descend jusqu’aux chélicères.

Les yeux des araignées ne sont pas des yeux composés  à facettes comme ceux des insectes, mais des yeux simples ou ocelles . Leurs nombres et leur disposition dépendent des espèces et permettent souvent de les identifier . Leur performance dépend  de leurs tailles . Les petits ocelles ne voient pas grand-chose et servent plus à  donner des indications sur la lumière alors que les gros yeux frontaux  voient clairement et nettement  les objets, mais seulement à courte distance . Constitués de loupes à focale fixe,  ils ne permettent pas à l’araignée  de faire des mises au point dans la profondeur.

Pour le dire clairement les araignées nous ressentent plus venir par les vibrations  qu’elles ne nous voient, mais elles perçoivent très bien les proies qui passent devant leur yeux.

Pisaura mirabilis mirabilis reconnaissable à ses pédipalpes gonflés

Les mâles ressemblent aux femelles, mais sont plus foncés.  En période de reproduction, ils sont facilement reconnaissables grâce à leurs pédipalpes gonflés.

Comportement

Les Pisaures admirables ne tissent pas de toiles, mais elles ont une très bonne vue et sont des chasseuses remarquables . En général elles se positionnent sur les plantes basses ou sur le sol et attendent patiemment leur proie avec les pattes tendues vers l’avant .

L’espèce est territoriale et les Pisaures vivent toute leur vie sur un espace relativement limité de quelques mètres carrées.

L’extrémité des pattes de la Pisaure admirable se termine par 3 griffes comme la plupart des araignées. Ces griffes sont un grand avantage dans la nature ou sur les fils de soie, mais elles deviennent un grand désavantage lorsque l’araignée se retrouve sur une surface lisse.   Pour ces raisons les baignoires, les éviers aux surfaces lisses ou les lavabos sont de véritables pièges à araignées . N’ayant pas de surface adhésive au bout des pattes, elles sont incapables de s’en sortir seules et peuvent mourir là si vous ne les aidez pas un peu .

Photographie macro des yeux de la Pisaure sur une hémérocalle.
Les yeux de la Pisaure admirable femelle.

Vous pensiez surement que les araignées aimaient se tapir au fond des baignoires. Hé bien vous saurez maintenant qu’elles sont surtout prisonnières et j’espère que vous les aiderez à remonter la pente . Si vous n’êtes pas pressé, une serviette posée sur le côté intérieur de la baignoire fera une excellente échelle. Si vous voulez vous doucher tout de suite une feuille en papier passé délicatement dessous vous permettra de l’extraire facilement du piège dans lequel elle s’était fourvoyé. N’oubliez pas que les araignées sont des animaux merveilleux et qu’elles ont  toute leur place et leur utilité dans le monde du vivant.

Alimentation 

 

Comme toutes les araignées, les pisaures admirables ne se nourrissent que de liquide.

N’ayant pas de véritables pièces buccales comme les insectes, elles agissent en maitrisant leurs proies puis en leur injectant un venin . Celui-ci a deux fonctions : paralyser les animaux et les liquéfier afin que les araignées puissent boire les jus qui s’en écoulent.Elles avalent les aliments par l’orifice buccal avec l’aide des pédipalpes ou pattes-mâchoires.  Ceux-ci servent, à l’examen des aliments et à leur manipulation . Les araignées mangent principalement par aspiration . Leur intestin joue le rôle d’une pompe et aspire le liquide de l’extérieur vers l’intérieur ou un autre intestin les digère .

Pisaure mirabilis mâle sur feuille d’ortie . Sur la feuille voisine il y a deux femelles

Les principales proies des araignées sont des insectes comme les papillons, les moustiques, les pucerons, les cloportes et d’autres petits arthropodes. Contrairement à la majorité des araignées, les Pisaures admirables ne fabriquent pas de toile et chassent leurs proies en se mettant à l’affut ou en les poursuivant à travers les végétaux.  Les araignées se nourrissement aussi d’autres d’araignées

Les araignées tissent souvent une toile autour de leurs victimes et peuvent ainsi les consommer quand elles le souhaitent.  

Reproduction

Le mâle Pisaure a la particularité d’offrir à la femelle une proie morte soigneusement emballée dans un cocon de soie. Ce comportement, que l’on retrouve aussi chez certains insectes, a été décrit pour en 1884 par le naturaliste néerlandais Alexander WillemVan Hasselt qui était spécialiste des araignées et qui réalisa notamment des études anatomiques sur les appareils génitaux des Arachnides.

Chez les araignées comme chez d’autres insectes, le cadeau du mâle à la femelle semble remplir deux fonctions. Obtenir ses faveurs sexuelles, mais aussi lui apporter à manger pour éviter de subir le cannibalisme sexuel* et finir dans son ventre.

Quand la pisaure admirable mâle apporte son cadeau emballé à la femelle (photo http://animateur-nature.com/)

Une histoire qui court chez les spécialistes met en avant ce phénomène avec un brin d’humour :

 On raconte qu’un mâle Pisaure aurait tenté de s’accoupler avec une femelle qui n’y était pas prête. Elle lui aurait donné la chasse, et il ne s’en serait tiré qu’en abandonnant une de ses pattes, par autotomie (sacrifice d’un membre). Il l’aurait ensuite récupérée, puis enrobée dans un cocon, et offerte à la femelle avant de parvenir à ses fins.

On ne saura jamais si l’histoire est vraie ou fausse, mais les spécialistes le jugent plausible.

Les petits malins existent aussi chez les araignées. On sait que certains mâles offrent des « enveloppes » vides à la femelle et profite du déballage pour s’accoupler avec elle .  Inutile de dire que le mâle a terminé son affaire et qu’il déjà est loin lorsque la pauvre femelle découvre qu’elle a été bernée.

La fonction du cadeau

L’étude du rôle des cadeaux ou des offrandes chez les autres animaux nous permet de mieux comprendre le rôle qu’ils jouent aussi chez les humains . L’évolution qui s’est produite dans notre espèce a fait que nous avons oublié sa véritable fonction et que nous nous imaginons que l’altruisme est à son origine . Mais ce n’est pas du tout le cas . Le cadeau est toujours une tentative « d’acheter » quelque chose à l’autre, que ce soit un accès à la sexualité et à la perpétuation de l’espèce lorsqu’il s’agit de deux adultes sexués, ou une priorité à l’affection lorsqu’il s’agit d’amis ou de parents envers leurs enfants. Pour le dire plus simplement le cadeau n’est jamais gratuit  et celui qui a payé son droit avec son cadeau attend toujours que l’autre lui rende la monnaie de sa pièce d’une façon ou une autre.

Une troisième fonction possible est d’apporter à la femelle les protéines et les éléments nutritifs nécessaires qui lui permettront de mener tout son cycle reproductif.

Dans son article sur la Pisaure admirable, Giorgio venturini* évoque des études effectuées par plusieurs chercheurs pour vérifier l’attitude des femelles face aux mâles qui n’offraient rien. Sur les 82 mâles étudiés, aucun n’a été mangé et les quelques attaques constatées l’ont été contre des mâles qui avaient offert un présent. 

L’autre constatation a été que 90% des mâles qui avaient offert un cadeau avaient pu s’accoupler contre seulement 40 % des mâles sans présent.

D’autres études ont montré que la durée de l’acte avait une grande importance et que la durée pendant laquelle les pédipalpes du mâle restaient dans les parties génitales de la femelle augmentait la fertilisation et le succès de la reproduction. Selon certains chercheurs, il pourrait y avoir une relation entre le cannibalisme sexuel et la fertilisation, car un mâle amputé, voire mort, reste forcément plus longtemps en position qu’un mâle non cannibalisé.

Accouplement

Pendant que la femelle déballe son colis, le mâle s’approche, se glisse sous la femelle puis insère ses pédipalpes* dans les ouvertures de l’épigyne* de la femelle où il injecte son sperme.

Pisaura mirabilis femelle
Pisaura mirabilis mâle

Les mâles des araignées ont une particularité assez rare dans le monde animal qui se rapproche un peu de celle des libellules . Avant l’acte, le mâle doit en effet transférer son sperme des organes génitaux vers ses bulbes copulateurs qui se trouve au bout de ses pédipalpes . Pour ce faire, le mâle excrète du sperme par un orifice génital (fente épigastrique ) sur une toile spermatique qu’il a tissé puis aspire le sperme avec ses pédipalpes qu’il introduit ensuite dans l’épigyne de la femelle qu’il a choisie . Il doit pour cela la soulever légèrement afin d’atteindre ses parties génitales qui se trouvent sous l’abdomen. On peut alors voir le bulbe du mâle se gonfler puis se dégonfler pendant le transfert du sperme.  Cette façon de procéder a été décrite pour la première fois en 1678 par le médecin et naturaliste britannique Martin Lister .

Pendant l’accouplement, la femelle, qui déballe son cadeau, a une attitude plutôt passive et laisse faire le mâle. L’accouplement peut durer de 1 à 2 heures .

Haplogynes ou entelegynes

Les organes sexuels des araignées  peuvent être divisés en deux groupes .

Les Haplogynes qui ont généralement  6 yeux et  les femelles possèdent  des organes sexuels dits « simples » . Leur orifice génital s’appelle le gonopore .

L’autre groupe dont fait partie la pisaure admirable .se nomme les   entélégynes.  Ces araignées ont  en général huit yeux et les femelles possèdent des organes sexuels dits complexes. Celui ci se nomme l’épigyne et il est constitué de plaques dure (sclérifiées ) .

Les organes des mâles sont identiques dans les deux groupes . Les testicules se situent dans l’abdomen et le canal par lequel sort le sperme débouche dans le pli épigastrique.

Nidification

Quelque temps après l’accouplement la femelle tisse un cocon sphérique dans lequel elle transporte ses œufs . La femelle ne lâche plus ce cocon et se déplace avec en le maintenant sous son abdomen avec ses chélicères et la pression des palpes. Durant cette période la femelle ne se nourrit pas . Avant que les juvéniles n’émergent, la femelle accroche le cocon sur des plantes basses puis tisse autour une tente de soie pour protéger ses petits des prédateurs .  Une fois les œufs éclot, les petits se regroupent sur le cocon et forment une boule serrée.  S’ils sont dérangés, ils se dispersent rapidement et partent dans tous les sens puis se regroupent et reforment l’essaim dès que le danger est passé. La mère s’enfuit aussi au moindre danger, mais revient très vite près de son nid.

Les juvéniles muent quelque temps après et quittent définitivement le nid.

Les araignées sont t’elles dangereuse ?

Non seulement les araignées ne sont pas dangereuses, mais en plus elles sont très bénéfiques à notre environnement en nous débarrassant de nombreux moustiques, puces et autres mouches.

Selon certaines sources, elles captureraient 400 à 800 millions de tonnes d’insectes par an dans le monde .

La peur qu’elles procurent vient d’ailleurs plus de notre imagination que de la réalité . Nous nous imaginons qu’elles vont entrer dans notre maison ou dans notre lit et nous piquer alors que les araignées ont plus tendance à nous fuir . Beaucoup croient aussi qu’elles vont venir nous piquer avec leurs crochets ‘(chélicères), mais ceux-ci sont si petits qu’ils ne parviendraient même pas à pénétrer le cuir épais de notre peau . Et dans le cas où elles y parviendraient, la dose de venin est si infime qu’il ne nous ferait pas grand mal . Un chiffre , je pense, va vous étonner . Il s’agit du nombre de morts qui sont dues chaque année aux araignées dans le monde . Je vous laisse réfléchir deux minutes . Je suis sûr que que vous imaginez un nombre est très élevé. Eh bien, détrompez-vous.  5 personnes à 10 personnes seulement meurent chaque année dans le monde à cause d’une araignée . On est très très  loin du million d’humains tués par les moustiques durant la même période .

Distribution

Pisaura mirabilis est présente partout en Europe et dans toute la zone paléarctique qui regroupe les deux tiers nord de l’Asie et du moyen orient ainsi que l’Afrique du Nord.

Carte du GBIF (Global Biodiversity information facility) qui montre la présence
de la  pisaure admirable  dans le monde.

Taxonomie

La Pisaure admirable a été décrite et nommée pour la première fois par le naturaliste suédois Carl Alexander Clerk en 1757, soit un an avant la parution du célèbre systema natura de Linné. Fils d’une famille aristocrate, mais pauvre, il dut quitter l’université pour aller gagner sa vie.  

Extrait du livre « Aranei Sueci « 

Dans les années 1740, il put tout de même suivre  les cours de Linné à Uppsala  puis se spécialisa dans  les araignées . En 1757 il publia son livre sur le sujet  « Aranei Sueci » quifut salué par Linné.  Il s’intéressa également aux papillons et publia plusieurs fascicules sur les lépidoptères.  

Étymologie

L’origine du  nom de genre « Pisaura » vient du fleuve  « Pisaurus » qui nait en Toscane et traverse des villes comme Sestino, Lunano ou Montecalvo . Le fleuve se nomme aujourd’hui Foglia . Son ancien nom lui venait de la ville de Pesaro qu’il traverse et qui à l’époque romaine se nommait Pisaurus.

On retrouve le nom de ce fleuve dans un passage de  l’histoire  de jules césar par Louis Napoleon Bonaparte.

« Les deux versants des Appenins donne naissance à divers cours d’eau qui se jettent , les uns dans la mer Adriatique, les autres  dans la mediterranée. Sur oriental les principaux sont : Le rubicon,la pisaurus (Foglia), le metaurus (metauro, LAesis  (Esino) , etc….. » 

L’épithète mirabilis (admirable) fait référence  à l’attitude de la femelle qui transporte partout  le cocon avec ses petits entre ses chélicères le temps de leur maturation.

Les pisaures admirables  sont aussi appelés araignées à œufs ou araignées patineuses. Les Anglais la nomment l’araignée pouponnière (nursery web spider) . Ce nom vernaculaire  est employé dans plusieurs pays pour désigner les Pisaures admirables ainsi que  les araignées de l’espèce Dolomes. Les danois disent rovedderkopper et les allemands « Raubspinne », araignée prédatrice. 

Chélicères :  Des deux mots grecs Khélé , pince et « Kêras » corne.   Appendices pairs proches de la bouche qui se terminent par des crochets ou par des pinces.

Les chélicères sont une particularité  des chélicérates, une super classe qui comprend les arachnides, les mérostomes et les pycnogonides.

Citation

J’aime l’araignée et j’aime l’ortie

J’aime l’araignée et j’aime l’ortie,
Parce qu’on les hait ;
Et que rien n’exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;

Parce qu’elles sont maudites, chétives,
Noirs êtres rampants ;
Parce qu’elles sont les tristes captives
De leur guet-apens ;

Parce qu’elles sont prises dans leur œuvre ;
Ô sort ! fatals nœuds !
Parce que l’ortie est une couleuvre,
L’araignée un gueux ;

Parce qu’elles ont l’ombre des abîmes,
Parce qu’on les fuit,
Parce qu’elles sont toutes deux victimes
De la sombre nuit.

Passants, faites grâce à la plante obscure,
Au pauvre animal.
Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,
Oh ! plaignez le mal !

Il n’est rien qui n’ait sa mélancolie ;
Tout veut un baiser.
Dans leur fauve horreur, pour peu qu’on oublie
De les écraser,


Pour peu qu’on leur jette un œil moins superbe,
Tout bas, loin du jour,
La vilaine bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour !

Victor Hugo

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