Anna Maria Sibylla Merian

Peu connue en France , Maria Sibylla Merian mériterait d’être davantage mise en lumière. 

Et cela pour plusieurs raisons . Tout d’abord parce qu’elle fait partie des premières personnes qui s’intéressèrent aux insectes de manière professionnelle alors que les insectes étaient très mal considérés. Ensuite parce qu’elle fut une femme qui mena une vie très libre et aventureuse à une époque où la majorité des femmes n’avaient pas droit au chapitre .

Portrait d’Anna Maria Sibylla Merian par son beau père Jacob Marell

Huile sur toile • 59 × 50,5 cm • Coll. Kunstmuseum, Bâle • © Kunstmuseum, Bâle

Jeunesse

Anna Maria Sibylla Mérian est naît le 2 avril 1647 à Francfort-sur-le-Main . Son père Matthäus Merian dit « l’ancien » est graveur sur cuivre et éditeur.

Celui-ci se marie d’abord à 24 ans avec la fille de son employeur, Maria Magdalena de bry. Un an après Il s’installe à Bâle  où il obtient  le droit d’ouvrir un commerce et de devenir indépendant. . À la mort de son beau-père, il reprend la maison d’édition que ce dernier tenait à Francfort et la développe rapidement  . Avec sa femme, ils ont trois filles et deux fils. On peut voir la famille au complet  dans une peinture réalisée par son fils Mattheus Merian le jeune qui se trouve à gauche de l’image.

Matthäus Merian et sa famille . Peinture du fils Matthäus Merian le jeune

Le père, assis  sur un fauteuil ,  est entouré par sa femme et ses enfants.   La famille est habillée avec des habits romains dont la culture était très admirée à l’époque. Autre symbole romain, le plâtre tenu par l’enfant à droite qui représente une tête de statue romaine .

Le tableau permet de se rendre compte que Maria a vécu entourée de nombreux demi frères et sœurs bien plus âgés dans une famille où l’art et la création avaient une place très importante.  Comme on peut le voir avec cette toile de son demi-frère, tous étaient doués et tous ont fait une carrière autour de la peinture et de l’édition.

La scène a été peinte 3 ans avant la mort de Maria Magdalena de bry qui aura lieu en 1645.

Matthäus Merian se remarie alors avec la mère de Maria  Sibylla l’année suivante  en 1646 . Maria sera la seule enfant de cette union et la petite dernière de cette grande famille recomposée .

Le commerce  de Matthäus marche très bien grâce à la qualité de son travail. Les livres de grand format qu’il édite sont connus et appréciés dans toute l’Europe. Ils influenceront surement Maria qui fera éditer plus tard elle aussi des livres grand format consacrés aux insectes.

Le monde naturel exotique.
Drake rencontre les Indiens de Nova Albion.
La conquête hollandaise d’Olinda et Recife au Brésil.

Il reprend notamment et complète  un livre commencé par son beau-père Jean Theodore de Bry  intitulé “Historia Americae” .

Il s’agit d’une série d’ouvrage* qui relate les grands et petits voyages des explorateurs de l’époque. Christophe Colomb a découvert l’Amérique 100 ans avant  et les récits de voyage où l’on décrit et représente des indigènes qui vivent autrement passionnent les Européens .  

Carte de l’Amérique par Matthäus Merian

L’exotisme et le mythe des Indiens sauvages commencent là.  Les Européens  se passionnent également pour les animaux et les plantes étranges que les voyageurs ramènent des contrées lointaines.  Les livres de Matthäus qui illustrent toutes ses découvertes de manière plus ou moins réelle profitent de cette vague d’intérêt et  sont très recherchés par les princes et les érudits de l’époque.

Matthäus réalise aussi de nombreuses gravures pour illustrer la bible.

Très concerné par les questions de religion il donne plus d’importance au questionnement spirituel qu’aux  apparences de la religion . Sa devise est « Pietà contenta lucratur » qui signifie « la piété est payante ». On retrouvera chez Maria cette même proximité avec la religion.

 

Son œuvre maitresse est la “topographia Germaniae” qui présente de façon très détaillée de nombreuses vues de villes , de campagnes  ou de bâtiments remarquables. Ses gravures et ses éditions ont par la suite inspiré de nombreux artistes comme le peintre hollandais  Rembrandt  Van  Rijn qui était aussi un immense  graveur.

Sur la gravure de droite on peut voir la ville de Francfort-sur-le-Main en Allemagne où Maria est née et où elle a vécu dans son enfance avant de déménager pour Nuremberg avec son mari  puis de partir pour la hollande.  On peut remarquer le luxe de détail de l’image avec au premier plan le moulin  à vent.   À l’époque, ces  moulins fournissaient l’Énergie nécessaire à plusieurs activités. Celui-ci  était utilisé pour pomper l’eau  de la rivière « Main » et pour fabriquer la farine qui servait à faire le pain .

L’architecte Eric Dahlberg s’inspire également de ses « topographies » pour faire réaliser la série de gravure « Suecia antiqua et hofiernaz » en 3 volumes.  Le premier représente une centaine de villes suédoises , le second des châteaux et des manoirs et le dernier des sites historiques, des monuments marquants de suède ou des églises.

Détail du livre , la création des oiseaux
Le livre , la création des oiseaux

Mattheus Merian et ses fils Mattheus juniors et Kaspar sont aussi à l’origine du premier livre connu sur les oiseaux. L’ouvrage s’intitule la création des oiseaux et il a pour fonction  de permettre l’identification des espèces.

Matthäus Maerian  meurt très tôt à l’age de 56 ans, alors que Maria n’a que trois ans. Ses deux fils reprennent la maison d’édition et poursuivent le travail de leur père sous le nom de Merian Erben.

Sa mère, Johanna Sybilla Heim, se remarie avec  Jakob Marell qui est peintre et spécialiste des tableaux avec des compositions de fleurs .

Autoportrait de Jacob Marell
à 21 ans en train de peindre
une composition florale
Fleurs dans un vase, Jacob Marell, 1635

C’est lui qui se charge de la formation de Maria. Il lui apprend à broyer les pigments qui viennent pour la plupart de pays lointain . le cinabre, dont la couleur varie du rouge écarlate à un rouge plus sombre, vient d’Espagne , les ocres de France, le safran de crête , le jaune de Naples , le lapis-lazuli d’Afghanistan, le rouge carmin d’Amérique du Sud où il est fabriqué à partir de cochenilles qui vivent sur une espèce d’opuntia cultivée au Pérou. On est loin de nos peintures en tubes prêtes à l’emploi . Pour obtenir la teinte, les insectes doivent être séchés puis immergés dans l’eau bouillante à laquelle on ajoute de l’ammoniaque ou du carbonate de sodium. La solution est ensuite traitée avec des sels d’aluminium qui produit la couleur .Le carmin était également utilisé à l’époque pour teinter les tissus. Le vert, lui, est broyé à partir des pierres de malachite, le marron vient de l’oxyde de fer ou des terres d’ombre brulées.  On peut imaginer ce qu’est le travail du peintre à l’époque. Celui-ci doit avoir plusieurs cordes à son arc en plus de son talent pour le dessin et la peinture  .

Atelier de peintre par Theodor Galle , 1580

La gravure ci-dessus  montre à quoi ressemblaient les ateliers de peintures dans les années 1600 et représente bien l’ univers dans lequel Maria a passé toute sa jeunesse. Les ateliers d’artistes sont  alors des commerces très florissants qui emploient beaucoup de personnel et peuvent  travailler sur plusieurs œuvres simultanément . Pendant que le maitre  répond à la commande d’un riche bourgeois ou d’une église, d’autres peignent des compositions florales ou impriment des lithographies.

Les peintres sont les photographes d’aujourd’hui . Ils travaillent sur des œuvres personnelles qui respectent les codes très précis  de l’époque, mais ils travaillent également pour des commandes plus terre à terre qui rendent service à la communauté . Ils peuvent peindre des villes, des cartes, représenter  des monuments, des églises  ou illustrer des livres avec des animaux ou des fleurs pour transmettre des savoirs. Ils sont artistes, mais  ils sont aussi, et peu-être surtout,  des artisans de la peinture.

Les couleurs et les toiles ne se vendent pas alors dans les magasins et les ateliers fabriquent eux-mêmes tout ce dont ils ont besoin. On aperçoit à droite des ouvriers qui broient  les couleurs que le maitre des lieux a demandé. Ce poste est occupé par les jeunes apprentis qui viennent d’arriver et Maria  a certainement broyé des couleurs et monté des toiles sur châssis au début de son apprentissage chez son beau-père.

Au centre de l’image, le maitre-artiste en train de peindre le thème religieux de St Georges terrassant le dragon . À l’époque les parties de la toile qui demandent le plus de finesse comme le visage ou les mains sont peintes par le maitre. les parties plus simples ou moins importantes sont réalisées par les apprentis les plus doués  ou les employés peintres. Sur la table à l’avant plan de jeunes apprentis s’exercent au dessin en copiant le buste en plâtre  d’une femme. Sur la gauche on voit également un employé peindre le portrait d’une riche cliente qui pose devant lui.

Maria aurait bien aimé se consacrer entièrement à l’étude des insectes, mais elle vit dans un milieu très strict ou la religion pèse fort sur les familles. Les rôles entre les hommes et les femmes sont bien définis et les filles doivent d’abord  apprendre à gérer une maison  et à devenir de bonnes épouses.  

Brodeuse

Dans la maison elle doit accomplir de nombreuses tâches comme faire les repas, le ménage ou réparer les vêtements de ses frères et sœurs . Elle apprend même à faire de la broderie. Elle apprend aussi à cette époque à lire et à écrire dans une école pour jeune fille de bonne famille où de vieilles dames donnent des cours. L’enseignement pour les filles  se limite en général à la lecture de la bible. Elle fait ce qu’on lui demande en compagnie de sa mère qu’elle aime beaucoup et avec laquelle elle vivra tout au long de sa vie.  Mais sa passion reste les insectes et la peinture qui est le meilleur moyen, à l’époque, pour représenter les différentes espèces et  transmettre les connaissances.

 Dans l’atelier Maria apprend aussi à préparer les vélins et à colorer les tirages par couches. Elle a certainement appris à cet âge les techniques de l’aquarelle, car dans de nombreuses villes allemandes les femmes n’ont pas le droit  de vendre des peintures à l’huile et doivent se contenter de la peinture à l’eau.

Jacob lui montre aussi comment peindre des compositions florales assorties de quelques animaux.

En général des papillons, des libellules ou des petits lézards.  Très vite, Anna Maria révèle de grands talents . Mais son intérêt ne se limite pas seulement à la sphère artistique . Elle s’intéresse au beau, mais elle veut surtout apprendre le vivant . Dans la préface de son livre sur les fleurs elle qualifie la relation entre l’art et la nature de “duel volontaire et gracieux “. Le dessin et l’observation sont ses outils de connaissance.  Elle développe alors un vif intérêt pour la relation qui existe entre la nature, les fleurs et le monde animal.

Les premières aquarelles de Maria qui nous sont parvenues datent des années 1665 . Sa première peinture à l’huile est plus tardive et l’on estime qu’elle a été réalisée entre 1670 et 1680.  le style, qui suit les conventions de l’époque, n’a pas grand intérêt et l’on ne reconnait pas encore la patte qui sera celle  de Maria . Ici elle utilise les animaux pour faire sa toile et montrer qu’elle sait peindre . Plus tard  elle fera des peintures pour montrer les animaux. Le renversement de point de vue semble insignifiant, mais il est en réalité révolutionnaire. Tous les artistes de l’époque veulent être les meilleurs peintres. Maria, elle veut comprendre les insectes et se sert de la peinture pour arriver à ses fins.

Nature morte aux fruits, une sauterelle et un papillon (1670/1680)

 

Maria a certainement peint cette nature morte sous l’influence de son beau-père Jacob Marell. Ce dernier lui a appris la peinture à l’huile normalement interdite aux filles et les codes qui vont avec.   La scène représente une coupe de fruit avec 4 insectes dont une sauterelle une araignée un diptère et un papillon. Les animaux sont placés là  de manière complètement artificielle dans le seul but de faire jolis et de plaire aux amateurs d’art .

Heureusement Maria se détachera très vite de ce genre de peinture  et utilisera à l’avenir ces propres codes . Quand elle représentera ce papillon qui est une zezere du groseillier  (Abraxas grossulariata) elle le placera sur l’une de ses plantes hôtes comme les groseilliers, le prunelier ou le fusain et fera de même avec les sauterelles qu’elle placera toujours dans leur environnement naturel.  

Maria  a commencé à peindre des fleurs et des insectes à l’âge de 13 ans, mais comme si la seule observation dans la nature  ne lui suffisait pas, elle débute également à cet âge des élevages de vers à soie au grand désespoir de sa mère qui voir les lépidoptères envahir la maison . Maria  se met aussi à dessiner toutes sortes de chenilles et note consciencieusement dans ses cahiers  ce qu’elles mangent , comment elles se comportent et quel est leur mode de vie. La passion des insectes et de leur  métamorphose a commencé très tôt et ne s’arrêtera qu’à sa mort.

Métamorphose du vers à soie

La planche 1 de son livre « La merveilleuse transformation et l’étrange nourriture florale de la chenille » est d’ailleurs intitulée “le murier et ses fruits” et elle est consacrée à son premier amour de jeunesse, le ver à soie. Elle montre les différentes étapes de la métamorphose du bombyx du murier. On peut le voir à l’état d’œuf ,de chenille, de chrysalide et d’imago.

Maria pousse le sens du détail très loin puisqu’elle représente en haut à gauche le papillon mâle en train de répandre son sperme, et en haut à droite la femelle en train de pondre ses œufs.  Ses détails liés à la reproduction  sont alors totalement ignorés par la plupart des gens, car très difficiles à voir. Les œufs  sont minuscules et pondus en général  par la femelle sur le revers des feuilles de telle sorte qu’il faut vraiment les chercher et être très observateur pour les voir.

Elle dessine même l’exuvie en chitine dont la chenille s’est débarrassée grâce à une mue pour pouvoir se développer . Le dessin révèle une fois de plus le sens de l’observation très développé de Maria.  Mais on sait ici que Maria a longuement observé ce papillon avec lequel elle vit depuis longtemps.

Bien plus tard, elle décrira elle-même ses débuts dans son livre « métamorphose des insectes du Surinam ».

 « Je me suis dans ma jeunesse employée à la recherche des insectes. J’ai d’abord commencé avec les vers à soie dans ma ville natale de Francfort-sur-le-Main. J’ai ensuite établi que, à partir des autres chenilles, se développaient beaucoup de beaux papillons de nuit ou papillons de jour, comme à partir des vers à soie. Cela m’entraîna à recueillir toutes les chenilles que je pouvais trouver pour observer leur transformation. »

Les années de formation

À 18 ans, Maria épouse le peintre Johann Andreas Graff .

Elle le connait bien puisqu’il a été apprenti dans sa jeunesse dans l’atelier de son beau-père . À 27 ans, Il revient d’Italie où il était parti étudier le dessin à Rome et à Venise comme cela se faisait beaucoup à l’époque.  Maria et Johann envisagent de monter un atelier de peinture et d’éditions comme celui du père et du beau-père de Maria .

Une peinture de cette époque est très intéressante et typique du point de vue avec lequel  Maria observe le vivant .

Pomegranate tree and painted Lady Butterfly

Elle représente  un grenadier et un papillon . Alors que tous les autres artistes de l’époque auraient peint le grenadier comme il est à un instant T, maria le montre à différents stades . On peut voir en haut la grenade à l’état de fleurs, puis à l’état de fruit puis avec la peau du fruit qui se craquèle et enfin avec le fruit au sol qui pou0rrit . Maria n’a pu s’empêcher d’y placer dessus une belle dame (Vanessa cardui) qui vient butiner le jus sucré de la grenade . On se rend bien compte ici que ce qui intéresse Maria dès le début est la métamorphose des espèces et les étapes que celles-ci vont devoir franchir pour accomplir leurs destins.  

Nuremberg

Maria accouche de son premier enfant  alors qu’elle n’a que 21 ans,.  Quelques mois plus elle déménage avec Johann à Nuremberg pour se rapprocher des parents de Johann qui habite là-bas.  Son père est le directeur d’une école de garçon dans une église luthérienne.  Johann graff fait des allers-retours en Nuremberg et francfort où il continue à travailler. Pendant toutes ces années, Johann réalise des dessins de rues, de places, ou de monuments de Nuremberg qui sont ensuite gravés sur cuivre par son ami Johann Ulrich Kraus, puis imprimés à plusieurs exemplaires sur vélin ou édités en livre.

Johann Andreas Graff
Johann Andreas Graff
Johann Andreas Graff

Ses œuvres sont très appréciées pour leur précision topographique.  Il aide également Maria et lui donne un sérieux coup de main lorsqu’elle entreprend l’édition de La merveilleuse transformation et l’étrange nourriture florale de la chenille »). Johann s’est rapproché de ses parents, mais Maria s’est éloignée des siens et elle se sent seule. Sa mère et son beau-père lui manquent .

À Nuremberg Ils habitent dans une grande maison bourgeoise sur l’alter Milchmarkt dont Johann a hérité de ses parents. La taille de la maison leur permet d’installer deux ateliers où chacun peut réaliser ses œuvres. Ils ont aussi installé une presse et peuvent imprimer leur gravure en taille douce . Pour augmenter  leurs revenus Maria comme Johann donne des cours de dessins. Johann reçoit des jeunes hommes et Maria des jeunes filles  revenus

La maison possède un grand jardin et Maria  y passe de longues heures à observer les insectes et à les dessiner.

Dans son cahier elle écrit

« Je suis allée dans le jardin pour observer les fleurs et chercher des chenilles. j’ai vu qu’il y avait de nombreux dépôts visqueux sur les feuilles vertes des lys jaunes. J’ai cherché pour savoir d’où venait ce dépôt. En touchant avec mon bout de branche j’ai eu l’impression que les feuilles étaient en train de pourrir. Puis en cherchant mieux, j’ai vu qu’il y avait un grand nombre de petites créatures rouges et rondes. On aurait dit des petits coléoptères. Ils étaient serrés les uns contre les autres et ne bougeaient pas même lorsque je les ai touchés  pour voir ce qui se passerait. j’en ai ramené un très grand nombre chez moi avec les feuilles pour enquêter sur eux et voir ce qu’ils allaient devenir ».

Elle a réinstallé des boites dans le salon et ramène chaque jour des  larves ou des chenilles qu’elle trouve dans le jardin ou dans les bois alentour. Comme à Francfort, elle court la campagne pour trouver les  plantes hôtes et nourrir ses invités.

Pour gagner sa vie, elle donne des cours de broderie à de jeunes femmes de bonne famille . Elle leur apprend aussi à peindre à l’aquarelle des fleurs et des insectes et fait grâce à cela de sa passion un gagne-pain.

elle décide alors d’éditer une série de 3 livres avec des compositions de fleurs et d’insectes .

Un premier tome intitulé « Neues Blumenbuch » paraitra en 1675 alors qu’elle a 28 ans puis deux autres suivent en 1677. Les ouvrages sont destinés à ces jeunes élèves qui souhaitent avoir des modèles pour peindre ou broder. les livres regroupent des compositions avec des fleurs et des insectes qui peuvent être facilement reproduit en peinture ou en broderie . Ils sont aussi l’avant-garde des ouvrages à venir .

Car Anna Maria travaille dans le même temps sur des illustrations détaillées qui montre les métamorphoses des chenilles en papillons.

Elle a acheté de nombreuses larves de mouches, de coléoptères et de papillons et sa maison est remplie de plateaux couvert d’insectes . Mais l’élevage d’insectes n’est pas chose facile . les chenilles mangent beaucoup et elle doit courir dans la campagne ou dans les bois  pour trouver les plantes dont elles se nourrissent . Elle note dans ses carnets qu’elle n’arrive pas à trouver assez de plantes pour ses chenilles de paon du jour (aglais io) alors que celles-ci se nourrissent d’orties dioïques. Quand elle n’y parvient pas les chenilles meurent et Maria est triste. Il lui faudra des années pour apprendre à mener à bien la métamorphose complète des insectes de l’œuf à l’adulte.

Vu d’aujourd’hui son activité d’éleveuse d’insectes pourrait sembler presque normale, voire commune. Mais il ne faut pas oublier qu’à l’époque les insectes ont très mauvaise presse et que ce que fait Maria est totalement incompréhensible pour la plupart de ses contemporains.

Elle poursuit aussi les dessins de plantes, mais représente cette fois les plantes sur lesquelles les papillons femelles pondent leurs œufs. Elle s’aperçoit à cette occasion que les femelles papillons ne pondent pas au hasard, mais seulement sur certaines espèces. 

C’est au milieu de cette période très riche que Maria donne naissance à son deuxième enfant, Dorothea, dix ans après Johanna.

Mais la naissance de sa fille ne l’arrête pas. Elle produit même de plus en plus et réalise à cette époque des oeuvres très importantes . Ses insectes la passionne et elle est très consciente de l’importance de ce qu’elle fait.

Le livre des chenilles

Après 5 ans de travail, elle rassemble toutes ses notes et ses dessins et publie à ses frais un ensemble en trois volumes sous le titre Der Raupen wunderbare Verwandlung und sonderbare Blumen-nahrung (« La merveilleuse transformation et l’étrange nourriture florale de la chenille »)

Der Raupen wunderbare Verwandlung und sonderbare Blumen-nahrung (« La merveilleuse transformation et l’étrange nourriture florale de la chenille »)

Le premier volume contient 50 gravures et l’on y retrouve les dessins et les notes qui montrent le passage du stade larvaire au stade du papillon associé à des fleurs. 

Chaque dessin est accompagné d’un texte dans lequel Maria décrit ce que l’on voit et la transformation que subit l’insecte .

Le livre s’ouvre par un deux poèmes du poète Christoph Arnold  qui est  professeur au lycée Egidien et prédicateur principal de l’église Notre-Dame. Il est un  mécène important  de Maria et ses poèmes au début du livre aideront à la vente de l’ouvrage  . Le premier poème est une louange à dieu. Dans le deuxième, il rend hommage au travail de Maria et évoque ses relations avec les autres entomologistes .

Dans le premier tome, Anna Maria avance l’idée que le ver à soie serait une espèce bénéfique. Dans le deuxième elle aborde le sujet des abeilles. Après avoir déménagé et vivant au bord de l’eau, elle s’intéresse aussi aux grenouilles et notamment à leur métamorphose qui semble être son sujet de prédilection .

La seule version du livre  que l’on trouve aujourd’hui dans le commerce  est en allemand. Elle contient principalement des planches de lépidoptères européens représentés à tous les stades sur leurs plantes hôtes. Les dessins sont accompagnés des textes de Maria Sibylla . Le contenu est très riche et l’on peut juste regretter  que la qualité d’impression des aquarelles  soit très mauvaise . Les couleurs sont tellement saturées qu’on a du mal à reconnaitre les espèces.  L’impression est grossière et il y a même des taches sur certains dessins qui n’existent pas dans la version originale . Contrairement à l’auteur , l’imprimeur qui a réalisé ce livre n’est pas un artiste et son œil n’a pas la précision de celui de Maria  . Reste que le livre mérite d’être parcouru pour découvrir comment les textes s’articulent avec les images.

La lecture est émouvante, car on voit qu’elle est la première à découvrir des papillons que nous connaissons tous aujourd’hui et qu’elle le fait avec une grande passion   .

On s’aperçoit aussi que ses recherches sont toujours baignées de religiosité, mais celle-ci la porte et ne déforme jamais sa vision  . Émerveillé par le phénomène  de la métamorphose, elle écrit :

« La métamorphose des chenilles s’est produite tellement de fois qu’on est plein d’éloges sur les pouvoirs mystérieux  de dieu et sur la mystérieuse attention qu’il accorde à de si petites créatures insignifiantes . »

Avec nos moyens modernes,  il est très facile de prendre une photo des papillons et de voir à quoi ils ressemblent  dans le détail . En 1670 ,c’est beaucoup plus dur . Maria fait de l’élevage et peut observer certains papillons de près. Elle capture également des papillons avec un filet comme cela se faisait beaucoup à l’époque mais elle doit observer tous les autres à distance dans la nature.

Son sens de l’observation très fin se remarque notamment dans sa représentation du vulcain (vanessa atalanta). Elle le peint de manière très précise et note même le chiffre (98 ou 980) très discret qui se trouve sur le revers de l’aile. Pour cette raison, le vulcain est appelé « le numerada » en Espagne.

La planche XXVI) montre un papillon aux ailes rouge qui a des ocelles poudrés de bleu.  Maria le nomme le « paon » en raison, dit-elle, des ocelles de ses ailes qui rappelle le paon bleu (Pavo cristatus)  . Elle le dessine précisément et dans tous ses états . À l’exception des œufs tous les stades sont là . La chenille poilue de couleur noire avec des petits points blancs est représentée sur une feuille d’ortie qui est sa plante hôte . Maria signale qu’on peut trouver cette chenille à partir du mois de juin. Elle raconte aussi que les chenilles de ce papillon qu’elle élève chez elle mangent si vite qu’elle n’arrive pas toujours à trouver assez de feuilles d’orties dans la nature. On peut également voir le papillon à l’état de chrysalide fixé à la feuille d’ortie par le crémaster. Il faudra seize ou dix-sept jours pour que le papillon sorte de son cocon protecteur où il a effectué sa dernière métamorphose.   Elle dessine aussi le papillon en train de sortir de la chrysalide puis sous ses deux faces comme tous les amis des papillons aiment le faire pour pouvoir les identifier . Maria utilise des petits noms poétiques pour nommer la chrysalide et les papillons . Les premiers deviennent des « noyaux de dattes » et les seconds des petits oiseaux d’été . Elle décrit également les couleurs du dessus et du dessous des ailes ainsi que celle de la chrysalide et des pattes du papillon.

Pour rendre hommage à son travail, il faut imaginer qu’à l’époque la plupart les animaux n’ont pas de noms fixes . La classification du naturaliste suédois Carl von Linné n’a pas encore eu lieu et les noms peuvent changer d’une région à l’autre. Ils ne se composent d’ailleurs pas d’un seul mot, comme c’est le cas aujourd’hui, mais d’une phrase descriptive qui peut être plus ou moins longue.

Celui qu’elle appelle le « paon » sera nommé 80 ans (en 1758) plus tard par Linné Inachis io (le paon du jour )

Le portrait connu de Maria a été réalisé  la même année que la sortie de son livre (1679) . Il est l’œuvre de son beau-père Jacob Marell. La délicatesse avec laquelle il est peint  montre toute l’affection qu’il a pour Maria  . Elle a  alors 32 ans et elle vient de sortir son livre « La merveilleuse transformation et l’étrange nourriture florale de la chenille ». Sa tenue  est sobre comme le sont celles des calvinistes,  mais les tissus sont  raffinés.  La dentelle blanche , les boucles d’oreilles, le collier et les broches sont des signes de prospérité  et nous disent que Maria fait alors partie d’une famille de la bourgeoisie.     

Grâce à ses frères, elle rencontre  Joachim von Sandrart. Celui-ci  est peintre, mais aussi biographe d’artistes . Joachim est bluffé par les connaissances de Maria sur les chenilles, les mouches ou les araignées qu’elle dessine dans le moindre détail, allant même jusqu’à dessiner leur excrément . Il est le premier à écrire sur Maria et à vanter la qualité de son travail . Dans ses écrits, il vante l’habileté magistrale de l’artiste à peindre des fleurs réalistes . Il dit qu’elle n’utilise pas seulement des pinceaux,  mais des aiguilles à broder.

En véritable admirateur, Sandrart  suivra le  travail de Maria jusqu’à sa mort.  Dans l’éloge funèbre qu’il écrira à sa mort, il la décrira comme une « brodeuse de fleurs vivantes » .

En 1682 Maria retourne vive à Francfort près de sa mère avec ses filles . Son beau père, Jacob Marell, est mort l’année précédente et elle ne veut pas la laisser seule . Les liens se sont aussi un peu distendus avec son mari et elle préfère prendre un peu de recul. Johann vient les rejoindre de temps en temps en faisant des allers pour travailler et voir ses filles, mais leur relation s’éteint petit à petit .

Une femme déterminée

Maria quitte son mari 3 ans après . Les raisons de la séparation avec Graaf portent sur la manière d’envisager l’art . Andreas peint des œuvres en respectant les canons de l’époque . Les animaux présents dans les peintures doivent être des symboles ou faire référence à la bible et ne sont jamais représentés pour eux même puisqu’on considère alors qu’ils n’ont en soi aucune importance .   S’il y a une mouche dans un tableau, c’est pour représenter le péché.   Un papillon, lui, évoque l’âme ressuscitée. Andreas Graaf reproche à sa femme de ne pas respecter ses codes et ne comprend pas pourquoi elle les dessine avec ce naturalisme qu’il déteste.

Le château de Walta

À la suite de la séparation, Maria part vivre avec sa mère et ses deux filles et rejoint son demi-frère Caspar Merien dans une communauté religieuse qui comprend 162 membres. Johann Andreas se rendra au moins deux fois à Wieuwerd pour voir ses filles qui ont alors 17 ans (Johanna) et 7 ans (Dorothea) et tenter de renouer avec Maria. Il essaye même de rentrer dans la  communauté pour garder le contact avec Maria . Pour cela, il doit faire de nombreux sacrifices comme vivre dans la pauvreté, ne rien posséder personnellement ou  être sexuellement abstinent comme le demande le code des labadistes, mais l’entrée lui est refusée . Ce rejet est  très mal vécu par graff et marque la fin de sa vie avec Maria.   

Au cours de l’une de ses visites il fait plusieurs dessins du château qui restent les représentations  du château qui a aujourd’hui disparu. La communauté a été fondée par le pasteur calviniste français Jean de Labadie en 1669. Leur pratique est assez radicale et ressemble à celle d’une secte . La dévotion totale à dieu figure parmi les règles les plus importantes et chaque membre doit partager ses revenus avec les autres.  

Plan du chateau de Walta à Wieuwerd par Johann Andreas Graff le Mari de Maria Sibylla.
Ce dessin et la seule trace  qui reste du château de Walta aujourd’hui disparu.

Pour y entrer, Maria a dû leur donner un quart de sa richesse et elle doit respecter de nombreuses règles. Il faut mener une vie pieuse et très austère. La plus grande partie de la journée se passe à étudier la bible et à prier. Les vêtements doivent être cousus dans des tissus grossiers . La nourriture  est simple et tous les colliers, bagues ou boucles d’oreilles sont prescrits. Tout le monde doit également participer aux travaux de la maison comme la préparation des repas , le ménage, la lessive, le jardinage ou l’entretien du château.

Les labadistes ne reconnaissent pas les mariages avec les « étrangers » et seuls sont validés ceux qui se déroulent entre deux membres de la communauté. Les enfants ne sont pas  baptisés à la naissance, mais bien plus tard . Le divorce est possible seulement si le conjoint n’est pas labadistes. Celui-ci  est alors considéré comme mort. En travaillant dur et en respectant toutes les règles du groupe, les membres espèrent obtenir la vie éternelle.

En quête de la nouvelle Jérusalem, ils vivent à l’écart du monde et se considèrent comme le peuple élu par dieu . Ils sont par ailleurs , comme beaucoup de communautés religieuses dissidentes, attirés par le Nouveau Monde où ils pensent pouvoir se développer loin de l’église institutionnelle . Ils ont notamment des relations avec le Surinam en Amérique du Nord, ce qui aura une certaine importance, par la suite, dans la vie d’Anna Sibylla Merien. . Ils vivent ensemble dans le château de Walta à Wiuwert, en Frise, qui appartient à Cornelis Van Sommelsdijk, le gouverneur du Surinam .  

Portrait de Jean de Labadie

Là-bas Maria n’a pas le droit de dessiner, car cela est considéré comme une activité futile, mais elle a le droit de faire de la recherche sur les insectes . Pour Maria, qui est très croyante, les insectes sont des animaux de dieu. Comme de nombreux contemporains et contrairement à ce que disait son mari , elle voit aussi dans la métamorphose des chenilles en papillons une métaphore de la vie et la mort . La chenille , qui dévore tout sur son chemin, symbolise l’humain sur terre, la chrysalide, sa mort temporaire et le papillon, sa résurrection l’âme qui monte au ciel . Seule différence avec Graaf, elle les observe et les admire aussi pour ce qu’ils sont et cherche à les rendre le plus fidèlement possible dans leurs moindres détails. Maria reste au château jusqu’en 1690 date de la mort de sa mère. Son demi frère était mort 4 ans avant et elle préfére partir avec ses filles pour Amsterdam. La communauté disparaitra complètement en 1732 après avoir connu des difficultés financière et après que les membres aient été frappé par une maladie contagieuse.

Malgré l’interdiction Maria ne peut s’empêcher de dessiner et de prendre des notes.

Elle profite de la présence d’un étang près du château pour étendre ses pôles d’intérêts scientifiques aux grenouilles qui vivent là . ses notes prise à ce moment-là montre une fois de plus son de l’observation exceptionnel.

Métamorphose de la grenouille

 Dans son cahier de notes elle écrit:

« En avril les grenouilles ont pondu une grande quantité de petits œufs . J’ai ouvert la femelle et j’ai trouvé en elle un ventre comme tous les autres animaux . Elles n’accouchent pas par la bouche , comme l’ont pensé de nombreux écrivains . Dans l’utérus , j’ai trouvé une quantité de graines semblables à celles que l’on voit chez la femelle . Début mai , j’ai récupéré quelques œufs de grenouille que j’avais trouvés dans le cadavre d’une grenouille au bord de l’eau. J’ai placé les œufs dans un vol avec de l’herbe et de la terre et du pain puis j’ai arrosé l’ensemble. Après plusieurs jours les œufs devenus noirs ont commencé à montrer des signes de vie et se sont nourris de l’écume blanche qui se trouvait autour d’eux. Plus tard des petites queues ont poussé et leur ont permis de nager comme des poissons . A la mi-mai ils ont développé . Huit jours plus tard deux petits pieds sont apparus puis deux autre huit jours plus tard . Les juvéniles ressemblaient à des petits crocodiles. Quelques jours après la queue est tombée et ce sont devenus de vraies grenouilles adultes. »

Ses deux filles ont aussi progressé . elles ont appris à dessiner et à peindre à l’aquarelle et ont développé le même gout de l’observation que leur mère.  

Amsterdam

Elle arrive à Amsterdam en 1691. Elle a choisi cette ville pour son dynamisme et parce qu’elle est le centre culturel de la Hollande.  Maria est aussi attirée par les possibilités de vendre ses œuvres.  Il y a de beaucoup de riches collectionneurs avertis qui pourront les acheter et elle compte sur eux pour gagner sa vie . Il y a également sur place les meilleurs imprimeurs et les meilleurs graveurs . Elle sait qu’elle pourra y faire ses livres et obtenir la qualité qu’elle connaissait chez son père et son beau-père. Elle a également été attirée par la liberté qui règne à Amsterdam à cette époque . La ville est très en avance sur les mœurs par rapport aux villes qu’elle a connues. Ici, les femmes ont le droit de posséder des biens et de monter des entreprises à leur nom .

Elle en profite pour ouvrir un atelier avec ses filles qui sont devenues peintres comme elle  . Pour avoir plus de choses à vendre, ils leur arrivent parfois de reprendre les anciennes gravures  de maria et de les mettre en couleur à l’aquarelle . Pour produire plus, elles se mettent à trois pour réaliser une peinture. Maria choisit le sujet, la commence et l’une ou l’autre de ses filles la met en couleur .  Une fois terminée, Maria la signe « Maria Sibylla Merian fec » qui signifie « Maria Sibylla Merian  a fait cela ». Les œuvres de Maria sont désormais très recherchées et admirées pour la précision du sujet et les connaissances qu’elles apportent .

Grâce à de nouvelles lunettes grossissantes qu’elle achète  à Amsterdam et qui sont plus puissantes que celles qu’elle connaissait, elle peut observer les insectes de près . Elle se met notamment à peindre des fourmis dont elle peut maintenant voir les moindres détails .

Fourmis

Le 25 juillet 1694, elle écrit :

« J’ai trouvé tout un nid de fourmis , grandes et petites avec et sans ailes , plusieurs milliers ? J’en ai peint quatre ici ». 

 Elle donne aussi des cours à des jeunes filles de bonne famille comme elle le faisait à Nuremberg.

Sans être riche , elle a de quoi vivre et peut poursuivre son étude des insectes qui la passionne de plus en plus . Elle réussit même à constituer une petite collection d’histoire naturelle qui contient des insectes , des coquillages et des coraux. Elle fréquente de nombreux autres collectionneurs qui sont nombreux à Amsterdam . La ville est alors en plein développement. Elle compte plus de 220000 habitants et  elle est la quatrième ville d’Europe après Londres ,Paris et  Naples. Elle est  la plaque tournante du commerce avec les indes et les amateurs d’espèces exotiques peuvent en voir de nombreux exemples à chaque arrivée de bateaux . On peut y acheter  des serpents, des chenilles , des papillons,  des coquillages, des oiseaux , des coraux ,des petits mammifères, des grosses araignées  ou  des insectes aux formes étranges .

La mode est alors aux cabinets de curiosités où les riches Hollandais exposent leurs collections faites d’objets et d’animaux venues des indes ou d’Amérique du Sud . Ces cabinets sont une manière de montrer ce qui existe dans le monde. Ils  sont  aussi une façon  d’exposer son pouvoir et sa richesse . Certains ont des petites collections qui entrent dans une vitrine alors que d’autres y consacrent plusieurs pièces de leur demeure.

Maria visite régulièrement ce genre de cabinet chez des particuliers ce qui lui permet d’élargir ces connaissances . Elle visite notamment la collection de Simon Schijnvoet qui est chef de l’orphelinat des aumôniers et qui se passionne, comme elle, pour la métamorphose des insectes. Ils échangent leurs découvertes et s’encouragent mutuellement.  

Elle va également voir la très importante collection de Frederic Ruysch qui est un riche médecin anatomiste. Sa collection est mise en scène et l’on devine que son métier n’y est pas rien . Il crée des décors où l’on voit, par exemple, un pied d’enfant marchant sur un scorpion ou une tête de bébé posée sur son placenta comme sur un oreiller .

Il a aussi de nombreux oiseaux conservés « à secs » dans des bocaux et de nombreux animaux enfermés dans des bocaux et baignant dans l’alcool . Il possède également plus de 120 caisses contenant des papillons des insectes ,des chenilles et de nombreux animaux exotiques  qui intéressent  Maria au premier chef.

Elle se rend aussi dans le cabinet de curiosité de Vincent Levinus . Celui-ci est un fabricant de tissu de luxe et avec sa femme, Joanna Van Breda, ils ont constitué une collection très importante . La collection est si remarquable par la qualité et la quantité des objets qu’elle attire des visiteurs de l’Europe entière . Elle est ouverte à tous ceux qui le souhaitent moyennant le règlement d’une livre d’or . On y rencontre de nombreuses personnes qui vont des grands notables d’Amsterdam aux simples amateurs de curiosité   .

Cabinet de curiosité de vincent lévinus

La collection est autant due à Vincent qu’a Joanna qui est très active dans le rassemblement des objets . La collection réunie des objets et des animaux de tous genres, mais Vincent considère sa collection d’insectes, qui comprend 4670 spécimens, comme la pièce centrale de son cabinet de curiosité . Vincent et Joanna sont proches de Maria et admirent son travail.  Un des tiroirs du cabinet des insectes montre les différents stades de la métamorphose des insectes comme Maria l’a décrite dans ses livres .  Quand Maria Publie son livre “les métamorphoses des insectes du Surinam ” Vincent se vante qu’il possède dans sa collection tous les insectes que l’on peut voir dans l’ouvrage de Maria.

Sa fille Johanna se marie avec Jakob  Hendrik Herolt  qu’elle avait rencontré  au château de Walta. Après avoir quitté Wiuwert il est devenu marchand   et a décidé » de faire du commerce avec le Surinam où certains membres des labadistes se trouvent déjà.

La rupture

5 ans après avoir quitté son mari , Maria demande le divorce.  Elle va même plus loin puisque, sous l’influence des labadistes, elle déclare son mari mort et se dit veuve bien que celui-ci soit en pleine forme.

Son mode de vie montre sa force et sa détermination. Il montre aussi sa modernité. 

Contrairement aux autres femmes de son époque, elle n’accepte pas la vie que la société lui réserve et se comporte quasiment comme un homme . Elle ne veut pas être un objet passif qui attend qu’on choisisse pour elle, mais un sujet actif qui décide ce que va être sa vie.

Elle ne se contente pas non plus des croyances de l’époque et veut voir et décider par elle-même . Elle n’écoute pas ce qui se répète . Elle observe et en tire des conclusions. 

On voit ici toute la précision de D’Anna Maria qui ne décrit pas seulement
La fleur (Jacinthe), le papillon (écaille martre) et la chenille, mais aussi

les œufs, la chrysalide et même les guêpes parasitoïdes qui viennent
pondre dans les chenilles .

Maria est par exemple la première peintre-entomologiste  à s’intéresser aux animaux parasitoïdes. Elle a remarqué que les lépidoptères pouvaient être parasités à tous les stades de la métamorphose et elle  aime les représenter dans ses peintures .

 On peut voir dans l’image ci-dessus toute la précision D’Anna Maria qui ne décrit pas seulement de manière très juste La fleur (Jacinthe), le papillon (écaille-martre) et la chenille, mais aussi les œufs, la chrysalide et même les guêpes parasitoïdes qui viennent
pondre dans les chenilles .

Elle a notamment dessiné à plusieurs reprises la guêpe ichneumon. La femelle de cette petite guêpe noire possède un dard parfois plus long que son corps qui est ce que l’on appelle un ovipositeur . il ne sert à piquer pour injecter du venin, mais il est utilisé pour déposer les œufs sur ou dans une larve. Leur principale cible sont les chenilles, les larves, les pupes ou même les chrysalides.  Une fois éclos, la larve de la guêpe creuse une galerie dans le corps de sa victime et se met à la manger petit à petit selon ses besoins.  En général la larve de la guêpe mange d’abord les parties non vitales pour garder la viande fraiche. La chenille, la larve ou la pupe finissent par mourir juste avant que la larve ne se transforme en chrysalide . L’ichneumon adulte sortira un peu plus tard des restes en décomposition de son garde-manger.

Guepe ichmeunon en train de pondre dans une larve
Illustration Marcello Pettineo

Le procédé de reproduction de cette guêpe a profondément marqué le naturaliste Charles Darwin quelques siècles plus tard. Dans une lettre au botaniste Asa Gray, Darwin avoue avoir cessé de croire à l’existence d’un dieu bienveillant après avoir découvert le mécanisme de reproduction de la guêpe ichneumon.

Il écrit

« Je ne parviens pas à voir aussi pleinement que d’autres, ni aussi pleinement que je le souhaiterais, la preuve d’un dessein et d’un dessein généreux dans ce qui nous environne. Il me semble qu’il y a trop de misère en ce monde. Je n’arrive pas à me persuader qu’un Dieu bienveillant et tout-puissant ait pu créer délibérément les ichneumons avec l’intention de les faire se nourrir de l’intérieur du corps de chenilles vivantes.… »

Pourtant très croyante, Maria ne juge jamais  . Elle se contente de prendre des notes et de décrire ce qui est. Là est sa grande force. Elle parvient à laisser son idéologie religieuse pour montrer les faits. Elle représentera la plupart des insectes parasitoïdes sur ses dessins .

On pense alors que les insectes naissent de la matière inanimée. Cette vision plus fantasmée que réelle remonte au philosophe Aristote qui a élaboré le concept de génération spontanée. Selon lui les insectes n’ont pas de parents. Ils naissent « spontanément » dans la boue ou les excréments . On est loin ici des roses et du Jasmin .   Inutile de dire que ces croyances ne donnent pas envie de mieux connaitre ces animaux et qu’elles empêchent même les humains d’étudier ces animaux qui sont considérés par l’église comme des « bêtes du diable ». Qui a envie de mettre son nez dans les déjections ou la fange .  

 Maria Sybella est à l’époque l’une des rares personnes capables de dépasser ces croyances archaïques qui nous font sourire aujourd’hui.  

Au lieu de répéter , elle observe et cela l’amène à comprendre que certains insectes ont un développement qui les fait passer par plusieurs stades avant de devenir adultes . Vu d’aujourd’hui l’on ne peut qu’admirer cette capacité qu’elle avait et qui lui permettait de s’élever au-dessus des fausses pensées à la mode pour regarder ce qui est .

Le voyage au Suriname

Comme si tous ces comportements étranges pour l’époque ne suffisaient pas , elle décide à l’âge de 52 ans de partir au Surinam (Guyane néerlandaise) avec sa fille Dorothea qui est aussi une peintre spécialiste des fleurs et des insectes. Johanna reste à Amsterdam avec son mari et continuera l’activité de l’atelier . Maria a découvert les papillons de ce pays grâce aux collections présentes au château de Walta et veut absolument se rendre  sur place . Elle les avait vus naturalisés sur des planches et souhaite  maintenant les observer vivant. Son désir est si fort, sa détermination si puissante,  que personne ne peut la décourager.

Bien Consciente des risques qu’elle prend en organisant ce voyage elle a  tout de même pris le soin de  rédiger un testament en faveur de ses filles juste avant l’embarquement .

Navire marchand néerlandais

Elle part en juillet 1699 sur un navire marchand qui transporte des briques des pavés, des tonneaux  des outils des vaches et de la volaille. Les conditions sont dures et le confort très rudimentaire. Au début, Maria s’émerveille en voyant les tortues, les dauphins, les baleines et les poissons volants. Elle est impressionnée aussi par les magnifiques ciels étoilés que l’on peut voir en mer où il n’y a plus aucune pollution nocturne . Mais elle a aussi toutes les raisons de s’inquiéter. Les coups de vent sont impressionnants et la forte houle rend tout le monde malade.  Il y a aussi le risque des pirates qui attaquent les bateaux de commerce . 

Il n’y a même pas le réconfort de la nourriture. La plupart des repas se composent de de choux, de pommes de terre et d’un peu de viande ou de poisson salé repas. L’hygiène est aussi très limitée. Maria et sa fille dorment dans les cales du bateau avec les autres passagers qui sont tous des hommes. L’odeur y est très forte à cause de la saleté mélangée à l’humidité.  Certains passagers dorment avec leurs vêtements. D’autres ne se laveront pas de tout le voyage . Les toilettes se résument à des pots de chambre que chaque passager doit vider par-dessus bord . On peut imaginer ce que le voyage a été pour ces deux femmes qui venaient d’un milieu bourgeois et qui étaient habituées à vivre dans un certain confort.

Le voyage dure 2 mois avec une escale aux iles Canaries pour ravitailler le bateau en légume frais. Après plus de 8000 km parcourus, Maria et sa fille dorothea arrivent enfin à Paramaribo, la capitale du Surinam, qui est alors une colonie néerlandaise depuis 32 ans.

Le Suriname ou Surinam  est un pays d’Amérique du Sud qui était appelé la Guyane néerlandaise jusqu’en 1975 . Il est situé sur la côte atlantique à côté du brésil de la Guyane.  La capitale est la ville Paramaribo. Le pays doit son nom au  fleuve qui le traverse du lac Brokopondo jusqu’à l’atlantique. Dans les années 1700 le pays était colonisé par les Néerlandais qui exploitait le sucre, le café, le cacao ou  le coton . Pour s’occuper de leur exploitation, les colons font travailler des Amérindiens ou des esclaves noirs qu’ils ont fait venir d’Afrique.

Les esclaves sont notamment employés dans les champs de canne à sucre qui est la culture  principale de l’ile.  Les Européens utilisaient auparavant le miel pour sucrer leur plat et la découverte du sucre de canne a été pour eux une révolution .  Ils en veulent désormais toujours plus et les exploitations sucrières qui se développent rapidement demandent toujours plus de main-d’œuvre.

Les Hollandais du Surinam sont tristement connus pour la dureté avec laquelle ils traitent leurs esclaves. Les colonies hollandaises  sont  alors administrées par la Compagnie des Indes occidentales qui a  son siège à Amsterdam .  

Esclave du Surinam se rendant au travail en portant leur outil et un régime de bananes. La scène a été dessinée par  l’illustrateur Benoit Pierre Jacques en 1831. Ce dernier  peint une scène exotique et champêtre et la vide de toute la violence qu’elle contient.  Pour lui, l’esclavage est nécessaire économiquement  et il ne voit pas de mal à ce que l’on fasse travailler de force et gratuitement des êtres humains . Il est venu là par gout du pittoresque et pour voir à quoi ressemblent  les bons sauvages dont tout le monde parle en Europe. Ses dessins montrent plus les coutumes ou les objets locaux que l’atrocité de l’esclavage et la souffrance des noirs et des Amérindiens maltraités par les Hollandais .   Il est représentatif de tous ces colons  qui venaient là pour gagner de l’argent et qui considéraient les esclaves comme des sous humains  que l’on pouvait exploiter à sa guise .
Vente d’esclaves dans une maison bourgeoise de Paramaribo . Une mère et ses deux enfants y sont mis aux enchères à la suite du décès de leur maitre . Ils sont entourés par de nombreux colons bourgeois qui les observent pour évaluer le prix qu’il s’apprête à proposer  . Aujourd’hui, nous ne voyons dans cette scène qu’horreur, cruauté et désolation, mais l’illustrateur qui a croqué la scène faisait lui aussi  partie de ses colons esclavagistes. Il  n’y voyait qu’une scène banale et ne trouvait rien à redire au fait que les esclaves soient vendus sur la place publique comme on vendait les animaux .

Maria des le début se plaint de la chaleur du pays dans une lettre qu’elle envoie à son ami de nuremberg  le médecin et naturaliste Johann jorg Volckamer.

« Il y a une très grande chaleur dans le pays de sorte que faire le moindre travail ou mouvement  est une épreuve et nous épuise complètement . »

Elle et sa fille sont venues avec leur  garde-robe d’Amsterdam qui est composé de vestes noires épaisses à col montant et de robes longues  totalement  inadaptées au climat chaud et humide des zones tropicales. Avant de partir, elles ont pensé à tout sauf à la violence du  climat .  En tant que fille du nord elle n’avait pas imaginé que la chaleur puisse être un  problème .

Sur le fleuve Suriname à 50 km de Panamaribo (peinture Jacques Benoit)

Une bourse de la ville d’Amsterdam finance une petite partie du voyage qui coute très cher  . Pour le reste, elle vend  ses peintures et ses collections d’insectes . Pour l’ouvrage qu’elle a prévu de réaliser là-bas, elle a lancé une souscription qui lui permet de couvrir les frais d’éditions.

Elle s’installe dans une petite maison du centre. Dans son journal, Maria la décrit  comme une maison en bois sans carreaux aux fenêtres. Heureusement,  il y a un jardin à l’arrière avec des plantes que Maria reproduit avec application . Elle se plaint à plusieurs reprises que personne ne connait leur nom et que les colons ne s’intéressent qu’au sucre .

Elle y parle aussi d’un trou qu’elle avait creusé au pied d’un arbre de son jardin . Elle y avait trouvé des vers entourés autour des racines de « Battate » qui étaient devenus de très beau coléoptères vert doré.

Le vers blanc et le coléoptère vert doré

Comme aux Pays-Bas elle entreprend de dessiner les plantes sauvages et cultivées qui l’entourent ainsi que toute la faune rencontrée dans la forêt voisine et le long du fleuve Surinam .

À Amsterdam elle dessinait des papillons, des chenilles, des grenouilles, des limaces et des escargots, mais aussi des iris, de tulipes , des branches de myrte, des lys, des roses ou des hibiscus.  

Au Surinam ce sont des papillons, des chenilles, des scorpions, des serpents ; des iguanes, des tégus dorés et des coléoptères tropicaux bien plus gros que ceux qu’elle connaissait jusqu’alors, mais aussi des ananas , des anacardiers, des rocouyers ou des branches de vanille.

Elle dessine également des insectes aux formes improbables tel ce Fulgora lanternaria ou fulgore porte-lanterne.

Fulgore porte lanterne autour d’une branche de Grenadier

Il s’agit en réalité d’un insecte de l’ordre des hémiptères (ex. pucerons, cigales, punaises) qui a la particularité d’avoir une tête en forme de cacahuète. Il doit son nom au fait que les humains ont longtemps cru qu’il était capable d’émettre de la lumière avec sa tête ce qui n’est pas du tout le cas .

Comme chez les papillons, les deux ocelles de ces ailes servent à effrayer les prédateurs éventuels qui croient voir un animal avec de très gros yeux . On sent que Maria a été émerveillée par cet insecte qu’elle a représenté plusieurs fois et qui lui a permis de faire une de ces plus belles planches. On y voit plusieurs de ces fulgore lanterne autour des fleurs d’un grenadier .

Anna Maria représente aussi des araignées. Une de ces illustrations, araignées, fourmis et colibri du Surinam, est d’ailleurs très intéressante à plusieurs titres  . D’abord parce qu’elle possède une force plastique indiscutable.

Il y a une grande modernité dans la représentation et l’on pourrait croire que le dessin a été fait hier alors qu’il date des années 1726. Le dessin peut faire penser à une œuvre de Louise Bourgeois sauf que là, chaque espèce est précisément représentée .

Intéressante aussi parce qu’on a dit pendant des années, et jusqu’à aujourd’hui,  qu’elle contenait  une erreur « scientifique ».

Araignées fourmis et colibri du surinam 1726

Cette illustration représente des fourmis et plusieurs variétés d’araignées d’Amérique du Sud qui se promènent sur une branche de Goyavier.

En bas de l’image à gauche se trouve une grosse araignée qui est en train de manger un colibri . Là serait la supposée erreur. Les arachnides  ne mangeraient pas  d’oiseaux selon de nombreux spécialistes de l’époque  qui se moquèrent de Maria Sibylla en l’accusant de broder et de ne pas avoir la rigueur scientifique des hommes .

Je dois avouer que j’ai d’abord cru à cette version que l’on peut lire encore aujourd’hui sur de nombreux articles qui parlent de Maria Sibylla . Mais cela ne me satisfaisait pas complètement, car l’art de Maria est un art de la vérité. Il  n’y a rien de faux dans ce qu’elle représente . Elle dessine ce qu’elle voit et rien de plus. j’ai donc poursuivi mes recherches et découvert qu’il existe bien une araignée « mangeuse d’oiseaux » et qu’il s’agit précisément  de celle représentée par Maria. Cette araignée se nomme l’araignée goliath et on la rencontre dans des pays comme la Guyane , le Brésil, le Venezuela et …. Le Surinam . Il s’agit d’une des plus  grosses mygales (Theraphosa blondi). Jeune, elle se nourrit de petits insectes et parfois de blattes ou de grillons, mais les adultes peuvent se nourrir de proies bien plus grosses comme des batraciens, des reptiles ou même des petits oiseaux comme les colibris .

Le naturaliste anglais Henri Walter Bates, à qui l’on doit la découverte du mimétisme batésien, cite Merian dans son  livre  « The naturalist on the river Amazons » paru en 1867.

Henri Walter Bates en Amazonie

Il rappelle que c’est elle qui a « enregistré » le fait que les mygales « sortent la nuit, montent aux arbres et sucent les œufs et les petits des colibris“.   Il  y raconte également que lui-même a assisté  à ce genre de scène  et qu’il a vu lors de son voyage  une araignée Goliath qui avait pris dans sa toile  deux petits  pinsons dont l’un était enduit de la salive de l’araignée.

La légende dit que le dessin de Maria influença les entomologistes qui donnèrent le nom de avicularia (petit oiseau) à un genre d’araignée mygalomorphes que l’on rencontre en Amérique du Sud .

Les critiques envers Maria venaient en réalité de ce qu’elle était une femme et qu’elle n’était pas prise au sérieux .

Son pire ennemi dans ce domaine  était le révérend et naturaliste anglais  Guilding lansdowne qui considérait qu’elle était une femme et qu’elle ne pouvait donc pas  développer un travail véritablement scientifique. Il disait aussi disait que n’importe quel jeune homme passionné d’entomologie aurait pu éviter de faire  les erreurs qu’il voyait dans l’œuvre de Maria Sibylla Merian. 

Maria est aussi moquée par les colons européens qui ne sont là que pour la culture du sucre . Pour eux Maria est une voyageuse excentrique qui perd son temps avec des insectes qui ne valent rien et ne rapportent pas davantage .

Elle écrit dans son cahier :”Les gens de là bas n’ont aucune envie d’enquêter sur de telles choses ; en fait,ils se sont moqués de moi parce que je cherchais autre chose que du sucre.”

Les colons ne comprennent pas non plus ce qu’elle fait là seule avec fille et sans mari . Maria est trop extra-ordinaire à leur gout et ils n’ont aucune envie de l’aider .

Ne pouvant pas compter sur eux ,Maria se rapproche alors des esclaves africains ou amérindiens qui l’aident à trouver les insectes ou les animaux qu’elle recherche.

Maria au Surinam attrape les papillons avec un filet pour les dessiner et les étudier

Les serviteurs qui travaillent pour elle lui ramènent des insectes des larves et lui disent quels insectes vont sortir des larves.  Au cours de ses observations, elle a été très étonnée de voir sortir un papillon « décevant » d’une chrysalide très colorée . Elle note dans son cahier :  « les chenilles les plus belles et les plus curieuses se transforment souvent en des papillons assez communs alors que les chenilles les plus simples deviennent de magnifiques papillons. »

Avec eux, elle fait plusieurs expéditions à dos d’âne jusque dans la forêt amazonienne. Elle raconte les difficultés pour y arriver. « La forêt tropicale est si densément recouverte de chardons et de buissons épineux, écrit-elle ,  que j’ai dû envoyer mes esclaves en avant , hache à la main , pour percer une ouverture afin que l’on puisse poursuivre notre route. »

Elle paye aussi le prix de cette volonté de pénétrer la forêt dans sa chair. La chenille velue qu’elle a trouvée est très toxique . Maria le découvre après en avoir fait elle-même l’expérience. Elle raconte que ses « mains ont enflé immédiatement et que c’était très douloureux ».

. L’humidité dans ces régions est telle que le parchemin sur lequel elle dessine se détériore très vite .   Elle continue pourtant son travail sans relâche et malgré les conditions climatiques très pénibles, réalise de nombreux herbiers et naturalise des animaux.  À cette époque, la notion de respect de l’animal n’existe pas encore . On peut aimer son chien sincèrement et tuer quantité d’animaux au nom de la science. Bien que très en avance sur son temps dans certains domaines, Maria n’est pas une révolutionnaire sur le plan du respect que l’on doit aux animaux et passe son temps à clouer des papillons sur des planches et à mettre des animaux dans des bocaux. Mais ne lui jetons pas la pierre. Il n’y a pas d’un côté les êtres parfaits et de l’autre ceux qui se trompent. Chacun d’entre nous a en lui un peu de l’un et un peu de l’autre.   Le combat de la cause animale est un long chemin et Anna Maria, à sa manière, en regardant vraiment les insectes et en nous apprenant à les connaitre , y a aussi participé.

Maria dessine ses premières bananes douces que l’on appelle là-bas des baccoves . Ces fruits sont alors inconnus en Europe, car il est impossible de les transporter. Le temps de revenir en bateau (2 ou 3 mois) suffit à le faire pourrir.

Elle parle d’un fruit dont la chair ressemble à celle des bananes qu’elle vient également de découvrir en arrivant au Surinam.   Elle le représente en compagnie de papillons et d’un lézard bleu. Dans son texte elle décrit comment la chenille s’est transformée en chrysalide puis en un magnifique papillon qu’elle appelle une capelle . Il s’agit d’un Papillon Caligo memnon).

« La chenille brune a des soies noires sur le dos, 4 cornes sur la tête, la partie postérieure est aplatie et les pattes sont rouge . Le 3 décembre, il fit une chrysalide qui avait deux surfaces argentées. De cette chrysalide est sortie le 20 septembre une belle capelle avec deux ailes aux couleurs ocres et deux ailes bleues. »

Maria évoque aussi le lézard bleu qu’elle a trouvé dans le sol de son jardin et dont elle dit qu’elle l’a placé là uniquement pour remplir la feuille. C’est surement une coquetterie, car Maria fait rarement entrer quelque chose dans ces dessins dans un but uniquement décoratif .

« J’ai dessiné le lézard bleu pour décorer la feuille . il avait fait son nid dans le sol chez moi . Dans le nid se trouvaient 4 œufs blancs comme on peut le voir sur le dessin. Quand je suis rentré en hollande je les ai pris avec moi, mais ils sont morts en route, car il n’y avait ni la mère ni la plante . »

Là-bas elle affine ses observations et elle est l’une des premières à remarquer que certains papillons ne pondent que sur certaines fleurs. Elle démontre à cette occasion que les femelles papillons pondent leurs œufs sur les plantes qui seront la nourriture des chenilles (plantes hôtes)

En suivant les conseils d’un ami , Elle commence aussi à utiliser une loupe pour observer les petits insectes. elle s’en sert aussi pour voir et peindre les minuscules œufs d’insectes qui sont presque invisibles à l’œil nu .

En regardant les papillons de nuit à la nuit à la loupe elle fait cette remarque: “aussi beau soit t’il observés sans la loupe , ils sont étrangement plus laids lorsqu’ils sont vus avec .”

Une Remarque surprenante de sa part qui est certainement dù à sa surprise de voir pour la première fois les insectes de si près. La macroscopie est un nouvel univers dans lequel on pénètre et qui peut surprendre au debut .

Elle illustre et explique aussi le phénomène de procession des chenilles et met en avant les ponts construits par les fourmis coupe-feuille.

Malheureusement Anna Maria et sa fille sont atteintes par le paludisme et doivent rentrer précipitamment aux pays bas. Leur aventure au Surinam qui a duré 2 ans est donc stoppée par la maladie. Sans elle, Anna  Maria et sa fille seraient certainement restées beaucoup plus longtemps tant le pays leur plaisait et tant elles avaient encore de choses à apprendre de lui .

Les Hollandais ont aboli l’esclavage au Surinam et dans les Antilles néerlandaises le 1er juillet 1863 soit 163 ans  après le départ d’Anna Sibylla . La fête Ketikoti (Chaines brisées) célèbre encore aujourd’hui cette date qui est devenue un jour férié. Ce jour-là plus de 45000 esclaves ont été libérés. 15000 aux Antilles et 12000 aux Antilles. Les maitres sont alors dédommagés à hauteur de 300 florins pour chaque esclave. Les esclaves eux ne touchent rien et seront pratiquement obligés  de travailler pour leur anciens  maitres moyennant des salaires de misères pendant encore 10 ans. la libération définitive aura donc lieu le 1er juillet 1873.

La statue de Kwakoe a été installée le 30 juin 1963 dans les rues de Paramaribo pour commémorer l’abolition de l’esclavage. Kwakoe signifie « mercredi » dans la langue Kromantie des marrons du Surinam, car l’abolition de l’esclavage a eu lieu le  mercredi 1er juillet 1863.

Au Surinam le 1er juillet  a été décrété  jour férié pour   commémorer  le souvenir des anciens esclaves .  Cette journée est appelée « Journée des libertés » mais la fête est également connue sous le nom de chaines coupées.

Le moment fort des festivités est le Bigi Spikri ou grand miroir  pendant lequel les habitants défilent en vêtements traditionnels colorés .

Bien qu’européenne, Maria s’est sentie plus proche durant tout son séjour des esclaves ou des Amérindiens  que des colons qui ne cessaient de la critiquer  . Elle était choquée par le comportement des maitres envers leurs esclaves et trouvait que la surexploitation de la canne à sucre pour laquelle il fallait détruire de nombreuses forêts  était une très mauvaise chose pour le pays .

Surement par réaction, elle n’a jamais dessiné la canne à sucre ni les insectes qui y vivaient dessus.

Il faut quand même dire que Maria, soumise aux valeurs de son époque, n’a jamais remis en question l’esclavage en lui-même . Elle désapprouvait les traitements qui leur étaient infligés par les colons,  mais elle utilisait elle-même des esclaves ou des Amérindiens pour l’aider dans sa maison et dans son travail. Sa position était que l’on pouvait utiliser des esclaves, mais qu’on devait les traiter avec respect .

Plusieurs de ses textes montrent tout de même qu’elle était bien plus sensible à leur souffrance que la plupart de ses contemporains.

Sa sensibilité apparait dans le texte consacré à la plante « flos pavonis* (Caesalpinia pulcherrima) dans son livre les métamorphoses des insectes du Surinam où elle évoque une plante que les femmes du pays utilisaient pour ne pas avoir d’enfants.

Elle décrit d’abord la plante puis écrit ceci :

« Les graines de cette plante  (fleur de paon) sont utilisées par les femmes qui ont des douleurs lors de l’accouchement . Les indigènes qui ne sont pas bien traités par les colons hollandais les utilisent aussi pour avorter, car elles ne veulent pas que leurs enfants deviennent des esclaves comme elles . Les esclaves de guinée et d’Angola doivent être bien traités sinon ils ne veulent plus faire d’enfants dans cet état de misère .Certaines même se tuent maintenant à cause des mauvais traitements et espèrent renaitre dans un pays et un état libre comme je l’ai appris de leur propre bouche .”

Les femmes du Surinam lui font découvrir bien  d’autres  coutumes :

Comment on file du coton pour faire des hamacs

Comment on se sert des feuilles de bananier pour cuire du pain.

Comment on utilise les plantes pour se soigner .

Lesquelles sont comestibles et lesquelles sont poisons.

Comment on fabrique de la gomme arabique pour servir de liant à l’aquarelle à partir de la sève de  l’arbre Gummi guttae ou comment on peut obtenir un colorant rouge à partir des graines du rocu .

Les Amérindiens se servent de ce pigment naturel  pour  peindre  des motifs sur leur peau.

Les Amérindiens se servent de ce pigment naturel  pour  peindre  des motifs sur leur peau. Ils récoltent d’abord les petites graines rouges et les plonges dans l’eau pour les ramollir . Le pigment se détache alors de la graine et coule au fond de l’eau . il suffit ensuite  de vider l’eau  et de laisser sécher la pâte au fond de la soucoupe pour obtenir la teinture.

Le retour au pays

Maria et sa fille sont de retour en Hollande en 1701 après deux ans passés au Surinam.  

Elles avaient prévu de rester beaucoup plus longtemps, mais Maria tombe malade et elles doivent rentrer en urgence à Amsterdam . Prise de forte fièvre, Maria ne supporte plus la chaleur. On suppose qu’elle a été piquée par un moustique et qu’elle a attrapé le paludisme.

Elle rentre très déçue avec l’impression de ne pas avoir mené son travail au bout : 

« Je n’ai pas trouvé dans ce pays une opportunité convenable pour réaliser les études sur les insectes que j’espérais faire , car le climat y est trop chaud . La chaleur m’a créé de gros problèmes et j’ai été obligée de rentrer chez moi plus tôt que prévu . »

À une amie proche, elle écrit  : « J’ai presque payé ma passion (les insectes) de ma vie. » 

Elle rentre malade, mais avec une collection très importante d’insectes collectés sur place .  Grâce à son voyage, elle a acquis une petite célébrité auprès des scientifiques, des naturalistes et des amateurs d’animaux exotiques. Tous sont impatients d’admirer les peintures qu’elle a faites là-bas. Ils veulent également voir les chenilles vivantes, les œufs de lézards, les colibris, les serpents exotiques et même un crocodile conservé dans l’alcool qu’elle a ramenés dans ses valises.

Elle correspond également  avec de grands collectionneurs d’autres pays comme le pharmacien anglais  James Petiver, ou le botaniste Richard Bradley qui est professeur de botanique à l’université de Cambridge.

Portrait James Petiver
Boites de la Collection James Petiver

Petiver est propriétaire d’une pharmacie à Londres et il a une passion pour toutes les choses de la nature. Il a créé une collection remarquable qui regroupe des spécimens uniques que l’on ne trouve nulle part ailleurs . Il y consacre tout son temps et une partie de son argent . Il a également créé un réseau mondial  de passionnés et de voyageurs  dans le monde avec qui il échange des connaissances et des animaux de toutes sortes.  Il expose ces derniers dans son cabinet de curiosité qui est l’un des plus beaux d’Europe . Petiver est en contact aussi bien avec la lépidoptériste  Eléonore Glanville qui vit en Angleterre et qu’il soutient qu’avec des naturalistes russes ou avec Anna Merian qui vit alors à Amsterdam. En 1695 Il traduit une partie de ses écrits et fait connaitre ses métamorphoses du Surinam aux amateurs anglais. Il publie également un catalogue de ses collections en plusieurs volumes dans lequel on retrouve plusieurs œuvres de Maria. 

Il a également des liens avec des capitaines de navires , des chirurgiens de bord des médecins qui vivent à l’étranger ou avec des employés de sociétés commerciales à qui il demande  de lui ramener des objets ou des animaux  exotiques.

Petiver vient rencontrer Maria à Amsterdam en 1711.  En bon collectionneur il lui achète un grand nombre d’objets et d’animaux qu’elle a ramené du Surinam. Le travail de Maria est de plus en plus très apprécié en Angleterre. Deux ans après son retour, un ensemble d’œuvres qu’elle a réalisé au Surinam est exposé à la Royal Sociéty.

Un journaliste écrit alors :

« De nouvelles gravures de plantes et d’insectes de Madame Sibylla Mariana Graffen ont été présentées à la Royal Society . L’exposition a vu passer de nombreuses personnes qui ont beaucoup aimé le style original des œuvres. »  

Elle reçoit même des éloges de l’évêque de Londres et de l’archevêque de Canterbury.

Maria songe à publier une version en anglais pour pouvoir en envoyer un exemplaire à la reine d”Angleterre. elle écrit: ” Il est raisonnable qu’une femme fasse un tel cadeau à une personne du même sexe.” L’ouvrage ne verra jamais le jour , mais le futur roi Georges III achétera en 1754 une edition de luxe de la metamorphose des insectes du Surinam en latin.

L’exemplaire se trouve aujourd’hui dans la collection royale du château de Windsor.

Sa notoriété qui grandit fait aussi venir des collectionneurs aisés qui lui commandent des œuvres.  

Son retour était attendu. Ceux qui voient ce qu’elle ramène sont emballés et la poussent à publier ses dessins.

« Quand je suis revenu et que des amateurs ont vu mes dessins , ils m’ont poussé à les faire imprimer. Ils disaient qu’il s’agissait de la première et de la plus étrange œuvre jamais peinte en Amérique. Les dépenses liées à la réalisation de ces travaux m’ont d’abord rebuté , mais j’ai finalement décidé de le faire.

Grives aux jambes rouges de Mark Catesby, 1754

En 1705 le médecin et naturaliste d’origine irlandaise Hans Sloane lui achète un album contenant 91 aquarelles réalisées au Surinam. Il achète également pour sa collection 160  aquarelles d’études d’insectes qui datent d’une période plus ancienne. Le tout pour la somme de 200 guinées (l’équivalent de 60000 euros). Petiver qui soutient Maria a servi d’intermédiaire pour réaliser la transaction. Sloane est aussi un mécène généreux qui aide les naturalistes en qui il croit. Il aide Maria en lui achetant des œuvres, mais Il aide également d’autres dessinateurs importants de l’époque comme Mark Catesby. 

Ce dernier a d’ailleurs été très impressionné par le voyage de Maria au Surinam et les dessins et le matériel qu’elle en a ramenés . Comme elle, il pense qu’on ne doit pas se contenter de voir les espèces dans les cabinets de curiosité et qu’il faut aller les « croquer » sur place .

-« Ma curiosité, dit-il,  était telle que je ne me pouvais pas me contenter de contempler les espèces de mon propre pays. . Il a fallu que je parte pour aller voir les autres espèces dans leur pays d’origine . »

Sept ans après la publication des métamorphoses du Surinam, il s’engage dans une série de voyage dont il tirera un livre célèbre « l’histoire naturelle Histoire naturelle de la Caroline, la Floride, & les isles Bahama / Natural History of Carolina, Florida and the Bahama Islands1, » .  Catesby est particulièrement connu pour ses dessins d’oiseaux qu’il dessine avec une grande sensibilité.

À cette époque Maria a peut-être aussi rencontré la peintre Rachel Ruysch qui est la fille de l’anatomiste et botaniste réputé Frederik Rush .

Autoportrait de Rachel Ruysch
Nature morte avec saterelle, lézard et lucane

Rachel était connue pour ses compositions florales et certaines de ses compositions de fruits ou de fleurs agrémentées de Sauterelles de lézards ou de lucane peuvent faire penser que le travail de Maria ne lui était pas inconnu .  Rachel habitait a Amsterdam comme Maria et elle a eu un immense succès de son vivant. Elle a été admise par la guilde des peintres de La Haye en 1701 et elle est devenue peintre de cour quelques années après.

Mais Maria a hâte de mettre au propre ses notes et de regrouper ses peintures   . Pendant 3 ans elle travaille sur ce qui va devenir l’œuvre de sa vie.

Pour réaliser ses aquarelles, Maria fait d’abord des croquis de chaque stade de l’insecte qu’elle veut représenter d’après nature. Elle peut dessiner dehors en se rendant dans la campagne ou dans son atelier en suivant l’évolution des insectes qu’elle élève dans son salon .    Elle place ensuite les couleurs ou le fait faire par l’une de ses filles en essayant d’être le plus fidèle aux couleurs naturelles. Elle effectue également un dessin assez poussé de la plante mère  sur laquelle elle veut placer les papillons  ou les insectes puis assemble le tout dans un dernier dessin qui est considéré comme l’œuvre définitive. Bien qu’elle puisse le faire, elle-même, Maria confie généralement ses aquarelles à des graveurs professionnels pour gagner du temps.   Ces derniers gravent  les plaques qui serviront à l’impression des livres en restant au plus près de l’aquarelle originale .   

Crocodile et serpent

Pendant leur séjour, Maria et sa fille ont peint de nombreuses aquarelles d’amphibiens de lézard et de reptiles . Certains ont été publiés dans le livre sur la métamorphose des insectes du Surinam comme sur les planches 4, 5, 46 , 56 ou 59  . D’autres, comme ce crocodile et ce reptile, étaient prévus pour être inclus dans un ouvrage consacré uniquement aux reptiles. Les spécialistes pensent que la plupart des reptiles que l’on voit dans l’œuvre de Maria sont de la main de Dorothée même si plusieurs esquisses ramenées du Surinam sont visiblement de sa main .

Il semblerait que ce soit le cas de ce boa amazonien qui se repose au pied d’un jasmin . Maria évoque la façon très particulière qu’ils ont de s’enrouler pour dormir et de la merveilleuse odeur qui se dégage de la plante . Elle note aussi que les lézards et les iguanes aiment venir se reposer au pied de cette plante très odorante .

Maria et sa fille  ont aussi découvert là-bas le tégu.  Elles l’ont peint à plusieurs reprises. Avec le varan de commodo, il est l’un des plus gros lézards. Un tégu adulte peut mesurer jusqu’à 1m 45.  

La planche 4 représente un tégu juvénile sur une branche de manioc .

Mais Maria était très attachée aux insectes et c’est eux qu’elle préférait dessiner et peindre.  

Maria explique qu’il peuvent grandir jusqu’à avoir la taille d’un crocodile.  Elle précise qu’ils se nourrissent d’animaux  morts, mais qu’ils ne touchent pas aux vivants. Elle écrit aussi  que  les Amérindiens mangent leurs œufs qui sont  aussi gros que ceux d’une dinde bien qu’un peu plus allongés. La fin du texte montre l’intérêt qu’elle porte à ces animaux :

« Quand je vois comment les peintures que j’ai faites de lui sont aimées et appréciées par les  amateurs, je me dis qu’un livre entier  pourrait leur être consacré. »

Tegu commun (Tupinambis teguixin) 
Tegu commun (Tupinambis teguixin) 
Tegu commun (Tupinambis teguixin) 

Sur la planche 70 de la seconde édition des insectes du Surinam, Maria a également peint un magnifique tégu commun  adulte  que les Anglais appellent le « Lizard tiger » ou « lézard tigre ». Le travail graphique sur les écailles est étonnant et l’on peut presque y voir une œuvre abstraite.  l’œuvre est un morceau de peinture exceptionnelle qui montre que le talent de Maria n’a cessé  que croitre au fil des ans . Le nom scientifique du tégu commun est « Tupinambis teguixin ».  Un autre tégu, le tégu d’Argentine, a été baptisé bien plus tard  « Tupinambis merianae » en hommage  à Maria qui les a fait connaitre en Europe grâce à ses dessins.  

Quelques mois après son retour, Dorothéa se marie avec un chirurgien Philips Hendricks qu’elle a connu au Surinam . Le mariage a lieu le 2 décembre 1701. Ils ont deux enfants, mais ceux-ci meurent très jeunes.

Dorothéa et Philips emménagent alors avec Maria. La mère et la fille en profitent pour créer un commerce de gravures et peintures qui leur permet de vivre. Malgré le succès et la reconnaissance internationale ,  Maria ne sera jamais à l’abri financièrement et devra toujours travailler pour vivre.

Philips fait  plusieurs autres voyages au Surinam et ramène de nouvelles espèces d’Amérique du Sud que Maria et Dorothea revendent aux amateurs pour leur cabinet de curiosité. Philippe Meurt en 1711. Dorothée se remarie en 1715 avec le peintre suisse Georges Gsell.

  la métamorphose des insectes du Surinam

  Le livre « la métamorphose des insectes du Surinam” comporte à sa sortie 60 illustrations .

Dans la préface du livre, Maria se livre avec une sincérité touchante qui montre le degré d’engagement avec lequel elle s’est engagée dans ce travail d’entomologiste .

 « Je me suis dans ma jeunesse employée à la recherche des insectes. J’ai d’abord commencé avec les vers à soie dans ma ville natale de Francfort-sur-le-Main. J’ai ensuite établi que, à partir des autres chenilles, se développaient beaucoup de beaux papillons de nuit ou papillons de jour, comme à partir des vers à soie. Cela m’entraîna à recueillir toutes les chenilles que je pouvais trouver pour observer leur transformationC’est pourquoi j’ai également quitté toute société humaine et me suis livré à cette recherche qui pourrait me former à l’art de la peinture. »

Un peu plus loin elle en décrit le contenu

“Le livre contient 60 études sur les chenilles, des vers et des asticots qui montrent comment ils changent de forme et de couleur une fois qu’ils ont mué et se transforment en papillons en coléoptères en abeilles ou en mouches . J’ai placé toutes ces petites créatures sur les plantes , les fleurs et les fruits qui sont leurs plantes hôtes . J’ai également ajouté les araignées antillaises, des fourmis , des serpents, des lézards ,des crapauds et de merveilleuses grenouilles . Tous ont été vus et peints par moi en Amérique d’après nature à part quelques exceptions que j’aie ajouté d’après les dires des Amérindiens. »

Toutes les gravures sont axées sur le processus de la métamorphose et représentent les œufs, les chenilles, les chrysalides et le papillon final sur leurs plantes hôtes .  Les insectes sont représentés en couleur et en taille réelle, ce qui est très rare à l’époque. Pour ce faire le livre est un ouvrage grand format qui mesure 53 cm x 36 cm. Il  débute par une introduction dans laquelle Maria sibylla évoque  ses recherches et  le parcours qui l’a mené au Surinam. En face de chaque planche elle a écrit un petit texte qui ressemble à un journal de bord et qu décrit ce que l’on voit.

En face de cette image (Dessous  à gauche), par exemple, Anna Maria Sibylla a écrit :

« En Janvier 1701 je me suis rendu dans une  forêt au Surinam pour voir si je pouvais découvrir quelque chose . J’ai trouvé cette fleur  sur un arbre qui avait un rouge magnifique Son nom était inconnu des habitants du pays qui m’accompagnaient.  Là j’ai trouvé une belle chenille rouge  qui avait trois verrues sétifères sur chaque membre surmonté d’une soie noire.

Elle s’est transformé en chrysalide Le 14 janvier en est sorti une belle capelle. Ses ailes postérieures sont d’un beau bleu , le devant est marron avec un peu de bleu comme on peut le voir lorsqu’il vole . une bande blanche  traverse l’aile . le dessous des ailes porte trois ocelles ronds avec des zones jaune et bruns. En Hollande on l’appelle le grand Atlas * . […] »  

Les deux premières planches du livre représentent  des  ananas qui sont les fruits que l’on rencontre partout en Amérique du Sud. Maria n’en avait jamais vu  et elle a découvert la plante et son fruit en arrivant. La beauté lumineuse et colorée de ses images montre combien elle a été séduite par leur gout et leur esthétique . Dans ses notes, elle décrit le gout comme un mélange de raisin , d’abricot et de groseille avec un parfum puissant capable d’embaumer une pièce entière. Son nom ne vient pas pour rien de l’amérindien « Nana » qui veut dire « parfum des parfums ».    

La planche 1 montre le fruit pas encore mûr au stade de la floraison. Dans son texte  Maria insiste sur la couleur rouge et jaune des bractées qui poussent à la base de la tige. Le fruit est entouré de « Kakkerlakkens » (cafards) qui, dit-elle, sont un véritable fléau  en Amérique du Sud.  Elle les accuse d’abimer les cheveux , la laine , le linge, la nourriture et les boissons et ne les apprécie visiblement guère. On comprend que la femme qui a élevé dans les normes européenne est un peu dépassée par les insectes qui s’infiltrent partout. Elle explique que le sucre est leur mets préféré et qu’ils s’attaquent à l’ananas pour cette raison.

La planche 2 présente cette fois le fruit bien mûr en compagnie de papillons et de chenilles.

Dans de nombreuses peintures,  on peut voir des feuilles perforées par les chenilles et les insectes. Alors que d’autres peintres les cacheraient, Maria les expose pour qu’on puisse voir le travail des insectes. Bien que ses peintures soient des œuvres qui se situent  dans le domaine de l’art, son objectif n’est jamais de faire du beau ou du décoratif,  mais d’exposer le vrai .

Elle a gravé elle-même les images 11, 14 et 35  puis elle a laissé les graveurs professionnels Jan Pieter Sluyter, Joseph Mulder et  Daniel  Stoopendaal  réaliser les autres à partir de ses aquarelles originales comme il était  habituel de le faire à l’époque.

Il est possible que ces filles elles-mêmes aient participé aux gravures . Johanna Helena était devenu spécialiste des plantes et Dorothea des reptiles, des amphibiens et des fourmis.

Maria publie là encore à ses frais une édition latine et une édition néerlandaise . Il n’y a pas d’édition en allemand, car il n’y a pas eu assez d’abonnement pour financer l’ouvrage .Le livre aura un succès d’estime, mais ne se vendra pas très bien .  Les ventes couvrent à peine les frais . Elle l’écrit elle-même et on peut lire dans ses mots le fatalisme des artistes qui savent qu’ils ont fait une grande œuvre et qu’elle ne sera pas reconnue à sa juste valeur le jour même.

 « Pour la réalisation de ce travail, je ne fus pas cupide, mais quand je récupérais mes frais, je m’en contentais. Je n’ai pas regardé à la dépense pour l’exécution de cette œuvre. J’ai fait graver les plaques par un célèbre maître, et en même temps j’apportais le meilleur papier, pour apporter de la joie et du plaisir non seulement aux amateurs d’art, mais aussi aux amateurs d’insectes, et cela m’apporte aussi beaucoup de joie quand j’entends que j’ai atteint mon but et que j’apporte en même temps de la joie. »

On peut constater que les couleurs des peintures de Maria deviennent subitement plus intenses et colorées avec son arrivée en Amérique du Sud. À Amsterdam elle n’a jamais  utilisé des couleurs aussi pures que  le jaune du citron sauvage, l’orange du pomelo ou le rouge orangé de l’ibis écarlate. Mais Maria ne fait que rendre ce qu’elle voit et ses peintures montrent l’émerveillement qu’elle a ressenti en voyant ces nouveaux fruits et ces animaux si colorés. On pense au bleu des papillons morpho* ou au rouge sang de certaines chenilles dont la couleur semble sortir directement du tube.

Au sujet des pomelos (pamplemousse) qu’elle découvre là aussi pour le première fois Maria écrit :

« Ce fruit est moins sucré que l’orange et pas aussi acide que le citron . La peau et la chair sont plus dures que dans l’un ou l’autre de ces deux fruits , ce qui rend ce fruit plus savoureux »  

Le dessin qui était déjà puissant prend lui aussi plus de force. La nouveauté et la richesse de la flore et de la faune l’ont secoué et le style très  sensible  de Maria retranscrit aussitôt ses bouleversements.

Elle découvre aussi  de nouvelles relations entre les plantes et les papillons. Elle connaissait bien les plantes hôtes européennes, mais au Surinam elle doit repartir de zéro et tout réapprendre . Elle s’intéresse notamment aux relations que les papillons entretiennent avec les nouveaux arbres qu’elle trouve là-bas  . Elle n’a jamais vu de goyaviers et trouve le fruit  « agréable à manger aussi bien cuit que cru »

Elle donne même la recette.  

« Si vous voulez les cuire, retirez toutes les graines avec une cuillère et vous pourrez en faire très facilement des gâteaux ou des confiseries qui sont très faciles à faire …. »  

Maria évoque aussi la belle chenille  qui a fait de gros trous dans les  feuilles du goyavier . Elle n’en connait pas le nom, mais nous explique qu’elle a demandé l’aide d’un ami.

« J’ai trouvé beaucoup de ces  grosses chenilles sur l’arbre  . Elles sont blanches avec des rayures noires et portent de chaque côté des excroissances rouge brillant . Mr Leuwenhoek juge que ce sont yeux. »

Mais Maria n’est pas convaincue par la réponse de son ami . Elle explique que si ces zones rouges étaient des yeux, elles devraient permettre à la chenille de voir la nourriture de tous les côtés de ce qui ne correspond pas aux observations qu’elle a pu faire sur le terrain.

L’ami en question est Antoni Van Leeuwenhoek, un savant néerlandais connu pour avoir apporté de grandes améliorations  aux  microscopes qui existaient alors . Les meilleurs de ses appareils peuvent grossir 300 fois .Il est aussi l’un des précurseurs de la biologie cellulaire et de la microbiologie. Il semblerait que Maria lui ait envoyé un exemplaire de la chenille en lui demandant de regarder ces protubérances au microscope et voir s’il pouvait dire quel rôle elles jouaient .  

Antoni Van Leeuwenhoek est aussi le premier en 1677 à découvrir grâce à ses microscopes que le sperme contient de nombreux « animalcules ». Il comprend alors que la semence contenue dans les testicules est à l’origine de la reproduction des mammifères et a bien conscience que sa découverte risque de choquer et d’aller à l’encontre des thèses alors admises qui considèrent que de nombreuses espèces naissent grâce au phénomène de  la génération spontanée.

Les planches qui plaisent le plus sont celles qui montrent les animaux les plus étranges . le coléoptère arlequin  (Acrocinus longimanus) p28 avec ses motifs sur la carapace est très apprécié tout  comme les Fulgores porte lanterne (Fulgora lanternaria) p49.

La planche 59 a aussi beaucoup de succès auprès des amateurs. Elle montre un crapaud noir qui porte ses œufs sur son dos. Maria rapporte que ces crapauds sont mangés par par les esclaves amérindiens   qui en apprécient beaucoup le gout. Elle  le décrit très bien avec sa forme aplatie,  sa  couleur brun et ses petits sur le dos.    Elle note aussi que les pattes avant ressemblent à celle d’un crapaud alors que les pattes arrière ressemblent plutôt à celles d’un canard .

Il s’agit du crapaud  Pipa  pipa qui a en effet la particularité d’être extra-plat et de ressembler plus à un poisson ( limande) qu’a un amphibien . Son autre particularité, qui fait de lui  une vedette, est que les femelles de l’espèce portent leurs œufs sur le dos. Ces dernières  portent d’abord les œufs dans des cavités puis continuent à porter les petits sur leurs dos  lorsque les œufs ont éclos . Les têtards restent ainsi pendant 3 ou 4 mois dans les cavités dorsales  de la  mère. Ils peuvent se relever pour regarder le paysage  ou se coucher à l’intérieur pour dormir. La peau des cavités se referme alors autour d’eux et les protège du monde extérieur.   La femelle peut avoir de 80 à 100 cavités  porte-bébé sur le dos . Lorsqu’on traduit littéralement le texte de Maria du néerlandais au français avec un traducteur on découvre qu’elle a écrit que « la mère a le ventre sur le dos » ce qui est poétiquement assez beau même si la traduction n’est surement pas la plus juste qu’on puisse trouver.

Moulage d’un Crapaud Pipa pipa

À titre personnel, j’aime beaucoup la planche 48 qui représente le fruit nommé « Tabrouba » par les Amérindiens . Maria nous apprend que cet arbre se développe à l’état sauvage et qu’il produit des petites fleurs blanches . Viennent ensuite les fruits, qui dit-elle ressemblent à des petites figues .

Planche 48 . Tabrouba et insectes

Il s’agit de l’arbuste que l’on appelle aujourd’hui le Jenipapo .

Son nom en Tupiguarani signifie « Fruit qui tâche » ou « fruit à peindre »  car il permet de colorer les aliments en bleu grâce à la génipine contenue dans le fruit lorsqu’il n’est pas encore mûr. Maria explique que les Amérindiens s’enduisent la tête avec le jus qui les protège pendant plusieurs jours des piqures d’insectes. Comme elle aime le faire ,elle a placé dans le cadre plusieurs insectes : une sorte de bourdon à l’abdomen  jaune et noir, une chenille jaune avec des soies noires, un charançon (rhynchophorus palmarum) adulte et juste au-dessus le même à l’état de larve.

Dans le texte Maria explique que la larve et le charançon vivent normalement sur les palmiers, mais qu’elle les a placés là parce que les feuilles de palmiers finement fendues sont très grandes et que cela ne convenait pas pour réaliser sa peinture.

 Elle raconte que les Amérindiens apprécient beaucoup ces larves , qu’ils les font rôtir sur  des charbons et qu’ils les considèrent comme des mets très délicats.

Maria avoue aussi qu’elle a placé le gros coléoptère tout en haut de l’image juste pour combler le vide .  il s’agit d’un beau Macrodontia cervicornis quelle a dessiné avec une grande délicatesse . Il est connu pour les marbrures de ses élytres et aussi parce qu’il est le 3e plus grand coléoptère au monde.  Certains mâles peuvent mesurer plus de 15 cm.

Dans le livre, Anna Maria s’est occupée de nommer les plantes avec leur nom amérindien pour rendre hommage aux esclaves qui l’ont aidé. Elle laisse à l’un de ces amis, le botaniste Caspar Commelijn, le soin d’ajouter leur nom latin.

Green Iguana (Iguana iguana)

Elle Collectionne aussi les reptiles qu’elle a ramené avec elle du Surinam. Elle envisage même de réaliser un ouvrage complet  sur eux si son livre sur les métamorphoses du Surinam se vend bien. Bien que la métamorphose reçoive  un bon accueil,  elle ne réalisera jamais ce livre qui lui tenait à cœur.

Devenu célèbre grâce à son voyage au Surinam . Maria reçoit de nombreuses propositions . Un éditeur d’Amsterdam souhaite éditer un catalogue de coquillages et lui demande de réaliser les dessins . Les coquillages proviennent de la collection du naturaliste Georg Everhard Rumphius. Ce dernier était un marchand et un architecte néerlandais connu pour son gout pour les objets de la nature et les coquillages en particulier dont il possédait des espèces de tous les pays .

Coquillages du cabinet de curiosité Rumphius par Maria Sibylla
Coquillages du cabinet de curiosité Rumphius par Maria Sibylla
Coquillage Maria sibylla
Coquillages du cabinet de curiosité Rumphius par Maria Sibylla

Maria admire le travail de Rumphius et accepte le travail qui  lui permet aussi de gagner un peu d’argent. Elle réalise une série de coquillages plus vrais de nature qui démontre les multiples facettes du talent de Maria qui est toujours heureuse de représenter la nature dans sa simple beauté. Les dessins de Maria ont été intégrés au catalogue du cabinet de curiosité intitulé « Amboinsche Rariteitkamer. » Le livre de Rumphius se trouve actuellement dans  les archives de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg.

C’est pendant ces années-là que le mari de Dorothéa, Georg Swell, fait un portait de Maria . L’œuvre n’est pas très réussie et elle  très loin de la  sensibilité du portrait peint par Jacob Marell.  Elle a quand même le  mérite de rendre hommage à Maria  et de la montrer à la fin de sa vie au milieu des objets qu’elle aimait . Derrière elle se trouve un planisphère qui évoque son voyage,  des livres  et un encrier avec un plume  pour dessiner . Sur le côté devant, on aperçoit  ses aquarelles de coquillages et de fleurs et à gauche une fleur dans un pot . Un papillon est posé sur le rideau . Les statues sur l’étagère représentent  à gauche ,la renommée, et à droite la république néerlandaise.

Portrait de Maria sibylle Merian par Jacobus Houbraken d’après un dessin de Georg swell, 1705

Le portrait est peu flatteur et on dirait plus une vieille femme acariâtre qu’une artiste accomplie.   Mais je dirais que son  peu d’allure tient davantage à l’absence de talent du portraitiste qu’à celui du modèle . Il suffit d’ailleurs de regarder une aquarelle de Maria pour comprendre la différence qui existe entre une véritable créatrice qui reproduit le vivant et un pâle copieur qui singe l’art de son époque.

Maria est surement heureuse de l’effervescence qu’il y a autour d’elle  et des honneurs qui sont faits à son travail . Un ami entomologiste qui vient lui rendre visite en 1711 alors qu’elle a soixante-quatre ans  la décrit dans son journal comme une femme vive intelligente, travailleuse et  courtoise . Il raconte que sa maison est pleine de dessin d’insectes, de fleurs, de fruits, de coquillages et d’au moins cinquante grandes aquarelles qui date de l’époque du Surinam .

Les derniers moments

Elle a 68 ans lorsqu’elle victime de ce que l’on appelle alors une attaque « d’apoplexie »  et que l’on nomme aujourd’hui un AVC ( un accident vasculaire cérébral). À partir de cette date, elle se déplace en fauteuil roulant. La maladie ne l’empêche pourtant pas de poursuivre son travail.

Scorpion , serpent et Papillon

Sa dernière lettre connue est adressée à James Petiver . Elle lui envoie des insectes, un requin adulte avec quatre petits, des iguanes, un poisson volant et bien d’autres choses animaux  que sa fille lui avait envoyé du Surinam où elle vivait encore avec son mari. En échange, elle lui demande 20 florins hollandais. L’un de ces derniers dessins date du 28 mai 1711 et représente des chenilles.

Le 3 octobre, elle écrit son  testament. Elle meurt quelques mois après  ans plus tard, le 13 janvier 1717 à l’âge de 70 ans.

En 1918 parait à titre posthume le livre  « Erucarum ortus » qui est la traduction de ses travaux en latin qu’elle avait commencés en 1705. N’ayant pas eu le temps d’aller au bout du travail c’est sa fille Dorothea qui le termine. Cet ouvrage plus largement diffusé permettra de la faire connaitre d’un public plus large et sera salué par de nombreux scientifiques parmi lesquels le naturaliste suédois Carl Von Linné qui la citera dans son livre « Systema natura » .

L’apport de Maria Sibylla Mérian

L’ apport de Maria Sibylla Merian est très important et il l’est sur plusieurs plans .

Sur le plan scientifique, elle a été l’une des premières à observer les insectes européens et tropicaux d’une manière quasi professionnelle et à les observer « vraiment » sans projeter sur eux ses propres fantasmes. Sans les affubler non plus d’une signification symbolique comme le faisaient la plupart des artistes de l’époque  . Maria les dessinait pour eux même, parce qu’ils l’intéressaient et parce qu’elle voulait comprendre qui ils étaient et comment ils se développaient.

Les insectes étaient alors quasiment considérés comme des déchets et la plupart des humains pensaient qu’ils naissaient spontanément (sans avoir été conçu par des parents) des moisissures, de la saleté, de la boue ou des excréments. D’après la théorie que l’on doit à Aristote, ils jaillissent d’une soupe primitive qui les met au monde. Ils étaient diabolisés par l’église qui les nommait les bêtes du diable. On imagine la force, le courage et l’intelligence qu’il a fallu à cette femme pour dépasser ces préjugés et s’apercevoir que les insectes avaient bien des parents, qu’ils étaient des êtres d’une grande complexité, et qu’ils méritaient qu’on s’y intéresse.

On pense aujourd’hui qu’elle est l’une des premières , si ce n’est la première, à avoir découvert que certains d’entre eux, comme les papillons , les hyménoptères ou les diptères, passaient par trois stades préalables avant de devenir adultes. On les appelle aujourd’hui les insectes holométaboles, du grec holo (dans sa totalité) et métabole (transformer) . Ils ont pour particularité d’avoir une forme différente à chaque stade. Pour cette raison les anciens ne voyaient de relation entre les stades et pensaient qu’il s’agissait d’espèces différentes. Si l’on regarde le cas des lépidoptères , l’œuf ne ressemble pas à la chenille qui ne ressemble pas à la chrysalide qui ne ressemble pas au papillon adulte.  

Maria a en effet commencé son travail sur la métamorphose en 1660 .

Le premier livre consacré à ce même sujet est sorti neuf ans après, en 1669. Il est l’œuvre du naturaliste néerlandais  Jan Swammerdam. Opposé à l’idée de génération spontanée avancée pas Aristote, il y montre  que les insectes ne naissent pas dans la boue ou les ordures, mais qu’ils naissent d’œufs avant de passer par plusieurs stades. Il montre aussi que les différents stades de la métamorphose ne sont pas composés, comme on le croit alors, de différents insectes, mais d’une seule espèce  qui prend des formes différentes.  Il avait remarqué qu’en ouvrant une chenille on pouvait deviner  les membres et les ailes du futur papillon et avait saisi là le lien qui existait entre la chenille et le papillon. Il combat également dans son ouvrage l’idée que certains animaux sont supérieurs et que les insectes sont des êtres inférieurs. Passionné par le monde des insectes dans son ensemble,  Il est enfin  celui qui a compris le premier que le roi des abeilles est en réalité une reine.

La même année  en Italie,  le médecin et naturaliste italien Marcello Malphigi   sort  la première monographie consacrée au bombyx du murier dont la chenille est le ver à soie (Dissertatio epistolica de bombyce) . Le livre est illustré de 54 dessins.  Malphigi est notamment le premier à avoir essayé de mesurer le fil de soie qui compose le cocon. Il donne  à l’époque la longueur de 300 mètres qui a été corrigée depuis puisqu’on considère aujourd’hui que le fil de mesure entre 800 mètres et un kilomètre .  Il a également laissé son nom à de nombreuses structures du corps des humains et des insectes. On parle encore aujourd’hui   des  tubes de Malphigi , de   l’épithélium Malpighien ou du corpuscule de Malpighi. Le naturaliste Suédois Carl Von Linné lui a également dédié le genre Malphigia qui nomme   des plantes de la famille des Malpighiacées

Ces deux auteurs sont parfois considérés comme ceux qui ont découvert le phénomène de la métamorphose des insectes holométaboles  bien que Maria ait commencé son travail avant eux. Mais Maria tardera un peu à sortir son livre sur le sujet  « Der Raupen wunderbare Verwandlung und sonderbare Blumen-nahrung » qui ne sera publié au Pays-Bas  qu’en 1679.

Il est plus vraisemblable que Maria , Marcello et Jan aient  découvert ensemble et au même moment cette particularité et que les deux premiers , mieux intégré au monde scientifique de l’époque aient été mis en avant.

 C’est elle aussi qui a découvert le rôle des plantes hôtes. Elle qui a montré que les papillons femelles ne pondaient que sur certaines espèces de plantes et que celles-ci devenaient la nourriture des chenilles à peine éclose. Les femelles de certaines espèces peuvent en effet pondre sur 4 ou 5 plantes, mais d’autres ne pondent que sur une seule plante . Maria est aussi la première à avoir peint et montrer que certains animaux parasitent les insectes à tous les stades de la métamorphose.

Elle a également influencé de nombreux scientifiques qui n’étaient jamais allés en Amérique et qui se sont servis  de ses dessins et de ses descriptions pour classer les espèces . Beaucoup  ont également repris  son style pour montrer l’interaction qui existe entre les plantes et les animaux .

Elle est enfin  , avec quelques autres, celle qui a montré la voie que l’entomologie devait suivre pour se moderniser .

Sur le plan artistique, son apport est également très important puisqu’elle change le point de vue avec lequel on regarde les animaux. Les animaux représentés dans les toiles servent toujours de prétexte . Soit les peintres les représentent pour montrer leur virtuosité, soit pour symboliser quelque chose , soit parce qu’ils servent à illustrer l’histoire que le peintre est en train de raconter .

Chez Maria il n’y a rien de tout cela . L’animal est montré pour lui-même. Elle ne peint pas un papillon pour montrer qu’elle a du talent ou pour faire une belle toile, mais parce qu’elle veut montrer ce papillon et comprendre comment il fonctionne . Là se trouve la précision de ses dessins qui permettent encore aujourd’hui de reconnaitre facilement chaque espèce et d’admirer leur anatomie.

Son autre originalité qui se situe autant le plan scientifique que sur le plan artistique est d’avoir réuni sur une même et seule image tous les états d’un insecte, de les avoir placés sur leur plante favorite et d’avoir complété l’ensemble par des notes prises le plus souvent sur le vif .

Bouton d’or (Ranunculus repens) et écaille pourprée (Diacrisia purpurata)

Anna Maria est très connue pour ses dessins, mais les textes qui les accompagnent sont tout aussi importants . Ils viennent compléter et dire ce qui n’a pas pu être représenté par l’image. Ces commentaires en face de l’image sont une révolution et aucun peintre avant elle ne l’avait fait à ce point et pour dire quelque chose d’aussi utile et nécessaire  . Rien n’est gratuit chez Maria . Rien n’est décoratif . Tout ce qu’elle peint ou écrit est essentiel et vient nourrir son désir de comprendre le monde animal.

Dans ses textes, elle décrit d’abord le paysage et la plante que l’on voit sur l’image . Le titre du texte est d’ailleurs plus souvent le nom de la plante que celui de l’insecte . On trouve ainsi des entrées qui mettent en avant le  pissenlit, le  fenouil ou  l’ortie  qui sont  3 plantes hôtes de papillons.

Maria décrit ensuite minutieusement tout le parcours de la métamorphose de l’insecte en partant des œufs puis en passant par la larve, la chrysalide et pour finir l’adulte . Maria décrit aussi les insectes parasitoïdes de la larve ou de la chenille et s’interroge quand elle ne sait sur la présence d’autres insectes qui vivent autour ou à l’intérieur de la larve .

À quelques  reprises, elle évoque  le grossissement qu’elle a pu faire grâce à des loupes, mais la plupart de ses dessins ou écrits sont le fruit d’une simple observation à l’œil nu.   

Sur le plan social,

Maria est une leçon de féminisme avant l’heure. Elle a notamment dû lutter contre des stéréotypes ridicules qui faisaient foi à l’époque . Elle part au Surinam alors que de nombreux amis lui déconseillent de partir, considérant qu’une femme ne doit pas voyager seule avec ses filles . À l’époque, la plupart les médecins déconseillent aux femmes de partir dans ces pays-là en expliquant que la température et l’humidité pouvaient augmenter les menstruations à un point tel qu’on pouvait en mourir.

Les femmes de ces années étaient cantonnées dans le rôle de mère et d’épouse et Anna Maria a fait éclater tout ce carcan qui l’empêchait d’avancer pour se réaliser . D’une certaine manière, elle se comporte comme un homme et agit pour réaliser ce qu’elle désire.

Elle est aussi l’une des premières femmes à organiser un voyage scientifique. Il y a eu d’autres voyageuses avant elle, mais celles-ci partaient pour suivre leurs maris et n’avaient pas de but scientifique   .

Maria Sibylla Merian a certainement souffert des remarques de ceux qui l’entouraient et qui la considéraient comme une personne étrange et un peu bizarre, mais c’est le lot après tout de tous les créateurs.  Répéter et rester dans le moule est la norme et l’a toujours été . Ceux qui la suivent n’aiment pas ceux qui s’en libèrent. Il y a toujours un prix à payer quand on quitte la voie toute tracer et que l’on cesse de répéter pour pour créer.

À sa mort, ces deux filles, qui étaient devenues peintres, ont repris le flambeau et ont tout fait pour que l’œuvre de leur mère soit reconnue à sa juste valeur.

La notoriété

L’un de ces plus grand admirateur est la tsar de Russie Pierre 1er Le grand . En 1917 Il achète pour plus de 3000 florins deux ouvrages contenant ses peintures ainsi que son portrait.  Il les exposera dans ses collection du palais Kikine qui se trouve à St Pétersbourg .

Palais Kikine à St pétersbourg où se trouvaient les
collections du cabinet de curiosités de Pierre le Grand de
1717 à 1729

avant qu’il ne soit transféré à la La Kunstkamera

Maria est aussi à l’origine de la passion de  Vladimir Nabokov qui, en plus d’être l’écrivain que l’on connait, était aussi un lépidoptériste averti.

« Je devais avoir huit ans, écrit -il,  quand, dans une chambre de débarras de notre maison de campagne, parmi un pêle-mêle d’objets poussiéreux, je découvris quelques livres merveilleux achetés au temps où ma grand-mère s’intéressait à l’histoire naturelle et faisait donner à sa fille des leçons particulières par un éminent professeur de zoologie de l’Université (Chimkévitch). […]

Vladimir Nabokov amateur de papillons

Je transportai en bas, glorieusement, de lourdes brassées de volumes singulièrement attirants : les charmantes gravures sur bois d’insectes du Surinam de Maria Sibylla Merian (1647-1717), le splendide Die Schmetterlinge, d’Esper (Erlangen, 1777), et Icônes historiques de lépidoptères nouveaux ou peu connus de Boisduval (Paris, début de publication en 1832). »

Le côté artistique de son travail a été reconnu très rapidement alors qu’il a fallu plus de temps pour que son travail scientifique soit  apprécié à sa juste valeur. Aujourd’hui tout le monde reconnait son travail et plusieurs entomologistes lui ont rendu hommage en nommant des espèces à son nom . Le premier est  scopoli en 1763 qui nomme une araignée la méta de merian “Metellina merianae, puis Duméril et Bibron baptisent la grenouille paradoxale “Pseudis merianae”.

En 1965 Gallardi appelle “Rhinella merianae” une espèce d’amphibien des Bufonidae.

Le dernier en date est  Shinichi Nakahara qui a décrit  un nouveau papillon du panama en 2018 et qui l’a baptisé “catasticta sibyllae” en hommage à celle qui  la première avait étudié les papillons d’Amérique du Sud.

Un cratère sur vénus  « Mérian » lui a également été dédié .

 Un genre de plante à fleurs de la famille des Melastomataceae que l’on trouve au brésil  porte aussi son nom « Meriana ».

Les Allemands lui ont rendu hommage au XXe siècle en émettant un billet 500 deutsche marks à son effigie . Le billet a été utilisé jusqu’au passage à l’euro en 1999.

Les filles de Maria

Dorothea Maria Graff

Dorothea est une spécialiste des fleurs . Quand Maria part au Surinam, elle l’accompagne . Après la mort de sa mère, c’est elle qui fait publier le troisième volume de « Der Raupen wunderbare Verwandlung und sonderbare Blumennahrung » que Maria n’a pas terminé . C’est elle aussi avec sa sœur qui fait en sorte que l’œuvre de leur mère soit exposée dans les meilleures conditions . Embauché avec son Mari par Pierre le Grand ,  elle fait acheter par le musée un grand nombre d’œuvres de sa mère  et devient enseignante et conservatrice de la collection d’Histoire naturelle du Kunstkamera (Musée d’ethnographie et d’anthropologie de l’Académie des sciences de Russie).

Dorothea Maria Graff (Deux exemples de serpents, un rouge et
un noir, enlacés autour d’une plante à fleurs roses.)

Dortothea et Johanna  ont  aidé  leur mère tout au long de leur carrière et il est possible que certaines peintures de Maria soit en réalité de Dorothea ou de johanna, voire que les deux soient intervenues pour faire l’une, les fleurs, et l’autre les insectes .

Dorothea aime peindre les fleurs, mais elle est  aussi une  spécialiste des reptiles et des amphibiens.  Sam  Segal, un spécialiste de la peinture hollandaise de cette époque, pense que « caïman et serpent »  est une de ses œuvres  alors qu’elle avait été d’abord attribuée à Maria . Ce même spécialiste a réattribué  à Dorothea Maria 30 des 91 œuvres que l’on pouvait voir au british muséum .

Par principe il faut toujours se méfier des spécialistes de l’art.  Ces réattributions montrent surtout qu’à l’époque les œuvres étaient souvent réalisées par des ateliers.  Les œuvres que l’on trouve dans les livres de Maria sont pour la plupart des gravures qui ont été réalisé  par des artisans  spécialisés d’après les aquarelles originales sur vélin  que maria leur confiait .

Johanna Helena herolt

Johanna est la fille la plus âgée de Maria. Elle se spécialise dans la peinture de fleurs et d’insectes . Après avoir vécu  plusieurs années avec sa mère et sa sœur au château de Walta, elle part s’installer   avec son mari Jakob  Hendrik Herolt  au Surinam .

Ensemble  ils montent  une entreprise qui fait des échanges commerciaux  entre le Surinam et la hollande. C’est elle qui envoie à sa mère et à sa sœur les plantes ou les insectes dont elles ont besoin pour réaliser leurs œuvres ou leurs expériences.   

Johanna Herolt, Pot de fleurs
Johanna Herolt, Succulentes
Johanna Herolt Pivoine

*Les hollandais ont aboli l’esclavage au Surinam et dans les Antilles néerlandaises le 1er juillet 1863 soit 163 ans  après le départ d’Anna Sibylla . La fête Ketikoti (Chaines briséees) célèbre encore aujourd’hui cette date qui est devenu un jour férié. ce jour là plus de 45000 esclaves ont été libéré. 15000 aux Antilles et 12000 aux Antilles. Les maitres sont alors dédommagé à hauteur de 300 florins pour chaque esclave alors que les esclaves eux même ne reçoivent rien .

Livres de Maria Sibylla Merian

1675-1680Blumenbuch (Livre de fleurs)

1679Der Raupen wunderbare Verwandelung und sonderbare BlumennahrungLa merveilleuse transformation et l’étrange nourriture florale de la chenille ) tome 1

1683Der Raupen wunderbare Verwandelung und sonderbare BlumennahrungLa merveilleuse transformation et l’étrange nourriture florale de la chenille ) tome 2

1705Metamorphosis Insectorum Surinamensium (Les métamorphoses des insectes du Surinam)

1712: Der rupsen begin, voedzel en wonderbaare verandering (La merveilleuse métamorphose de la chenille et son extraordinaire alimentation à partir des fleurs) Tome 1 et2

Livres à titre posthume

1718: Erucarum Ortus

1719-1730: Éditions posthumes de Metamorphosis insectorum Surinamensium (Les métamorphoses des insectes du Surinam)

1730: De Europische insecten […] / Histoire des insectes […] (The European Insects)

Livre disponible en français

2015 : Maria Sibylla Merian: La mère de l’écologie de Yannick Lelardoux. (Il s’agit d’une bande dessiné)

2016 : Maria Sibylla Merian – Histoire Naturelle aux éditions place des victoires (un beau livre pas cher avec une petite bigraphie (très legere) et de très belles reproductions)

Livres disponibles en langue étrangère

Un ouvrage exceptionnel en Néerlandais et en anglais (attention très grande taille)

Maria Sibylla Merian Metamorphosis Insectorum Surinamensium ( aux éditions Lannoo)

Livre en Allemand (Reproduction de très mauvaises qualités)

Der Raupen wunderbare Verwandlung und sonderbare (aux éditions Favoriten presse)

Livre en Anglais

Maria Sibylla Merian Changing the Nature of Art and Science (Aux éditions Lanno)

Livre en Anglais

Maria Sibylla Merian: Artist / Scientist / Adventurer (Getty Publications)

Livre en allemand

Maria Sibylla Merian (German Edition): Künstlerin und Naturforscherin 1647-1717

Autres œuvres de Maria Sibylla Merian

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