Présentation
Pythagore, qui vivait aux alentours de -500 avant Jésus-Christ, est considéré comme le fondateur du végétarisme. Il croit à la réincarnation qu’on appelle alors la transmigration des âmes. Dans cette doctrine, l’animal est respecté pour lui-même, mais aussi parce que celui qui a cette croyance pense que son âme a pu vivre à l’intérieur d’un animal dans une vie antérieure ou pourra s’y retrouver dans une vie future.
Biographie
L’autre grand philosophe qui a fait évoluer le végétarisme est Plutarque .
Il nait en 46 après Jésus-Christ dans, une petite ville grecque proche de Delphes .Il affirme être le fils d’une riche famille de terriens de la lignée des ophetialdes qui descend du roi Thessalien opheltias. Il suit des cours en 65 à l’école platonicienne d’Athènes où il découvre la philosophie et les sciences.
L’œuvre
Plutarque est l’auteur de très nombreux écrits dont la plupart sont parvenus jusqu’à nous . Son œuvre traite principalement d’éthique comme le montre le titre de ses nombreux tomes baptisés “œuvres morales”. Auteur très prolifique et érudit, il y traite de tous les sujets comme la littérature , la politique, les sciences ou la religion.
Plutarque est aussi un biographe réputé qui rend compte de la vie des grands hommes de l’histoire. Son influence est très grande et de nombreux auteurs avoueront avoir été marqués par lui . Shakespeare, Montaigne ou Rousseau pour ne citer qu’eux diront l’admiration qu’ils ont pour lui.
La cause animale
Plusieurs de ses textes traitent notamment de la cause animale et du respect qu’on doit aux autres animaux. Ils sont encore aujourd’hui une référence pour les personnes qui veulent réfléchir à la relation que nous entretenons avec les autres espèces.
Plutarque est un philosophe modéré qui n’interdit rien, mais qui pose des questions . Il ne prône pas le végétarisme directement, mais souhaite faire réfléchir les humains sur la raison pour laquelle ils tuent et mangent des animaux. Son objectif est avant tout éthique. Il veut montrer que nous pouvons très bien vivre sans supprimer la vie.
« Sommes-nous obligés de manger de la viande, demande-t-il , et si nous le faisons est-ce toujours par urgente nécessité ? »
Dans notre époque de surconsommation où la viande est consommée avec excès, la question est terriblement d’actualité.
Plutarque comprend que l’on prenne la vie d’un animal par faim urgente, mais juge celui qui ne le fait que pour jouir.
Dans “les bêtes ont l’usage de la raison” qui est un dialogue entre Ulysse , Circé et Gryllos , il donne la parole à l’animal lui-même :
-« Je proteste non pas contre la nécessité qui te pousse, mais contre l’injustice que tu commets. Si c’est pour manger , tue-moi ; si c’est pour manger plus délicieusement, ne me fais pas périr. “
Pour Plutarque l’éthique se situe là. On peut prendre la vie pour ne pas mourir de faim sinon on mange autre chose. Il comprend qu’on ne tue pas par sensualité pour jouir du corps mort de la bête.
Il note que les animaux sont bien plus raisonnables :
“Mais c’est pour les besoins du boire et du manger.
Nous autres , dit l’animal, nous n’y goutons quelques plaisirs qu’en y trouvant de l’utilité. Mais vous , c’est la sensualité que vous poursuivez , plutôt qu’une réfection naturelle »
https://www.emblems.arts.gla.ac.uk/french/iconclass-browse.php?id=97C
Dans un autre passage Ulysse propose à Gryllus, qui a été transformé en cochon par la magicienne Circé, de lui rendre son apparence humaine . Mais Gryllus refuse. Il juge que la condition animale est bien meilleure que celle des humains.
Pour Plutarque , les humains sont incapables de gérer leurs pulsions, qu’elle soit sexuelle ou alimentaire, et ne pensent qu’à jouir autant qu’ils le peuvent . Sur ce plan-là, il trouve les animaux bien plus sages. Ils ne consomment que ce dont ils ont besoin et ne connaissent ni la gourmandise ni les excès alimentaires dus à la recherche effrénée de la sensualité du goût.
« Sans doute, pressé par la faim, un chien a quelquefois mangé de l’homme, un oiseau en a aussi goûté quelquefois; mais jamais une bête n’a tenté de s’accoupler à une créature humaine, tandis que pour satisfaire cette sensualité et bien d’autres les hommes abusent des bêtes par la violence et au mépris de toutes les lois. »
Manger chair
Malin, il utilise des ruses . Il flatte d’abord son lecteur en lui parlant de son courage .
Dans « manger chair », Il commence son traité 1er en s’adressant directement à un interlocuteur fictif
« Tu me demandes pour quelle raison Pythagore s’abstenait de manger de la chair. Moi, au contraire, je m’étonne : quelles affections, quel courage ou quels motifs firent autrefois agir l’homme qui, le premier, approcha de sa bouche une chair meurtrie… »
Mais la flatterie dure peu et les mots se font plus durs :
-« Qui toucha de ses lèvres les membres sanglants d’une bête expirante, qui fit servir sur sa table des corps morts et des cadavres , et dévora des membres qui , le moment d’auparavant , bêlaient, mugissaient, marchaient et voyaient ? Comment ses yeux purent-ils soutenir l’aspect d’un meurtre ?
Le lecteur est subitement mis en face des réalités qu’ils ne voulaient pas voir. On se rend compte à cette occasion que les philosophes de l’époque étaient bien plus engagés et bien plus directs sur la cause animale qu’on ne l’est aujourd’hui.
Qui a commencé?
Dans l’un de ces discours sur l’usage des viandes, un interlocuteur fictif pose la question : « Pour quelles raisons Pythagore s’abstenait-il de manger de la chair de bête ? » Plutarque répond alors de façon détournée par une question qui lui semble plus importante “Quel motif eut celui qui, le premier, consomma de la viande ?
Plutarque fait remonter cet acte à une période reculée où le monde naissant n’offrait aux humains aucune ressource :
« La face du ciel était encore couverte de l’air » , écrit-il, « et le soleil n’était point encore établi ».
« La terre ne produisait aucun fruit et il n’y avait encore aucun instrument pour la labourer. »
Plutarque explique que les premiers hommes s’attaquèrent aux bêtes pour ne pas mourir de faim.
« Ce n’est donc pas merveille, si nous mangeâmes de la chair des bêtes contre la nature »
Il compare ensuite cette époque terrible à la vie des humains de son époque. Il leur fait la leçon en pointant du doigt toutes les ressources qui sont à leur disposition et qui leur permettent de se nourrir largement sans atteindre à la vie d’un être vivant .
« Mais maintenant, quelle rage et quelle fureur vous incitent à commettre tant de meurtres , vu que vous avez à cœur saoul tant grande affluence de toutes choses nécessaires pour votre vie ? […]
N’avez-vous point honte de mêler à vos tables les fruits doux avec le meurtre et le sang. »
Il décrit aussi la dérive qui mène les humains à manger toujours plus d’animaux :
« D’abord, on mangea un animal sauvage et malfaisant, ensuite un oiseau ou un
poisson prit dans des filets. Quand on eut goûté de la chair des animaux, on en vint
insensiblement, par des essais répétés, jusqu’à manger le bœuf qui partage nos travaux,
la brebis dont la toison nous couvre, et le coq qui fait sentinelle dans nos maisons. Ainsi
cette insatiable cupidité s’étant peu à peu fortifiée, on a été jusqu’à égorger les hommes,
à les massacrer et à leur faire des guerres cruelles. »
Est-on né pour manger de la viande?
Plutarque revient toujours sur le fait que les humains ne sont pas nés pour manger de la chair
« La conformation du corps humain ne ressemble à celle d’aucun des animaux carnivores.
L’homme n’a ni un bec crochu ni des griffes ou des serres, ni des dents tranchantes;
son estomac n’est pas assez fort ni ses viscères assez chauds pour digérer et assimiler
une nourriture aussi pesante que la chair des animaux. Au contraire, la nature en nous
donnant des dents unies, une bouche étroite, une langue molle et des viscères trop
faibles pour la digestion, interdit la consommation de viande. (994f-995 a).
Mais si vous vous obstinez, continue Plutarque, à soutenir que la nature vous a fait
pour manger la chair des animaux, égorgez-les donc vous-mêmes, de vos propres mains,
sans outils, comme les loups, les ours et les lions, et mangez la chair toute crue. Personne
ne mange la chair, même morte, telle quelle. Il faut à l’homme transformer la chair
par le feu, la faire bouillir ou rôtir, la dénaturer enfin par des assaisonnements et des
drogues qui ôtent l’horreur du meurtre, afin que le goût, trompé par ces déguisements,
ne rejette point une si étrange nourriture. »
Il note aussi tous les risques que les humains courent en se nourrissant des animaux,
il explique que cela se révèle dangereux pour la société, car celui qui tue des animaux devient peu à peu insensible à la mort d’un être vivant et peut par la suite s’en prendre à des humains sans rien ressentir .
À l’inverse, respectez les animaux et les considérer comme des êtres à part entière développe la sensibilité et le sentiment d’humanité.
Prêt à tout pour convaincre son lecteur de changer ses habitudes. Il avance aussi l’idée que le métabolisme des humains n’est pas fait pour ingérer de la viande.
Il évoque enfin la transmigration des âmes qui est une croyance très répandue à l’époque pour détourner les consommateurs de la viande. La transmigration, appelée aussi métempsycose, est la croyance selon laquelle une âme peut passer successivement par plusieurs corps. Un homme peut ainsi devenir un animal, mais aussi une plante dans une autre vie.
Plutarque pense comme le pythagoricien Empédocle que les réincarnations sont une manière d’expier les crimes sanglants des autres animaux et que cesser de tuer les animaux fait disparaitre la culpabilité et rend le monde meilleur .
Et aujourd’hui?
À lire Plutarque, on ne peut qu’admirer le respect que les hommes de cette époque avaient pour les autres animaux et l’engagement avec lequel il traitait cette cause .
Par comparaison, on ne peut que constater l’immense régression qui a eu lieu depuis . Nous avons aujourd’hui un président pro-chasse qui fait tout pour faciliter la tuerie des animaux .
On pensait élire un jeune président progressiste et l’on se retrouve avec un vieux jeune réactionnaire qui se comporte comme Pompidou ou Giscard D’Estaing. L’une de ses premières mesures a été de baisser le prix du permis de chasse de moitié pour que le prix ne soit plus un problème et d’inciter les jeunes à venir tuer des animaux .
(Photo Chasse à courre)
Totalement décomplexé sur le sujet ,Il est aussi pour les chasses présidentielles, pour la chasse à courre et parle même de développer le tourisme de chasse pour que les chasseurs étrangers puissent venir tuer les animaux sur le sol français . Il considère aussi que la chasse est un instrument diplomatique . Quoi de mieux que d’offrir la peau d’un cerf sur un plateau à un président chinois pour apaiser les tensions internationales ! Son interlocuteur lui permettra peut-être après tout d’abattre un koala sur le sol chinois en retour ?
Que pourrait -il faire de pire pour montrer son mépris des animaux ? Peut-être, nous avouer son admiration pour Descartes et sa théorie de l’animal-machine ?
Mais ce qui m’inquiète le plus aujourd’hui est les terribles conséquences sur les animaux de notre société de consommation. Je pense notamment aux habitudes alimentaires de la jeune génération qui aura bientôt en main le pouvoir de décision. Rendu addict par la restauration rapide, ils ne peuvent plus manger un hamburger sans que celui contiennent plusieurs tranches de viande et se gavent jusqu’à l’écœurement de steaks hachés ou de nuggets en ayant totalement oublié qu’ils dévorent en bien trop grande quantité des animaux torturés et maltraités.
La question que je me pose est : comment pourront-ils demain développer un peu d’empathie pour les autres espèces alors que l’alimentation avec laquelle ils grandissent est la négation même du respect que l’on doit aux animaux ?
Photo hamburger et Mac Do
En espérant que cette génération parviendra à se libérer des nombreuses addictions néfastes que notre société génère et qu’ils parviendront à regarder les autres animaux avec l’empathie et le respect qu’ils méritent.
Je leur conseillerai surtout la lecture des auteurs comme Plutarque , Pythagore et bien d’autres qui leur permettront de voir que de nombreux humains depuis les temps les plus anciens se sont élevés contre les traitements cruels que nous faisons subir aux animaux et qu’ils ont proposé diverses solutions pour que cela cesse.
Je laisse le dernier mot à Ovide qui rapporte ici les propos de Pythagore qui inspira Plutarque.
« Abstenez-vous, mortels, de souiller vos corps de mets abominables. Vous avez les céréales, vous avez les fruits, dont le poids fait courber les branches, et, sur les vignes, les raisins gonflés de jus ; vous avez des plantes savoureuses et d’autres que la flamme peut rendre douces et tendres ; ni le , ni le miel, qu’a parfumé la fleur du thym, ne vous sont interdits ; la terre, prodigue de ses trésors, vous fournit des aliments délicieux ; elle vous offre des mets qui ne sont pas payés par le meurtre et le sang. »