Trouble de la kératine aviaire

Mésange charbonnière mâle sculpturale avec un bec un plus long que la normale. Cette particularité est due à une production trop rapide de la kératine qui recouvre les structures osseuses de la mâchoire supérieure et inférieure.  Habituellement, la kératine se développe de telle sorte qu’elle compense l’usure naturelle du bec . Dans le cas des becs trop longs, cette kératine se développe si rapidement que l’usure ne suffit plus à la compenser. Le bec s’allonge de plus en plus et peut causer, à terme, des problèmes à l’oiseau.

Mésange charbonnière mâle atteinte de Kératine aviare

En général c’est la partie supérieure qui s’allonge, mais ce peut être aussi celle du bas. Le bec est parfois si long que les deux parties se croisent. l’oiseau ne peut plus alors  attraper les objets ni se nourrir. La cause de cette maladie est encore une énigme. Les scientifiques ont d’abord cru que cela pouvait venir d’un virus, de bactéries ou d’acariens connus pour provoquer ce genre de lésions, mais les analyses ont montré que ce n’était pas le cas.

Cette maladie a été nommée le trouble de la kératine aviaire. Ce phénomène a été observé pour la première fois en Alaska dans les années 90 avant de redescendre sur les états unis puis d’arriver en Europe. Une trentaine  d’espèces sont touchées comme les mésanges, les rouges-gorges,  les corneilles, les corbeaux ou les pics.   

Corbeau familier (Corvus splendens)
Mésange à tête noire (Poecile atricapillus)

La maladie touche rarement les juvéniles et se produit  habituellement à l’âge adulte . Les biologistes de l’us Géological survey qui ont étudié ce trouble se sont aperçus qu’il pouvait survenir très rapidement. Une mésange à tête noire capturée en juin avait un bec tout à fait normal mais lors de sa recapture en septembre la partie supérieure de son bec s’était allongé de 13mm. Étrangement, l’inverse peut aussi se produire et des oiseaux qui avaient un bec très long pouvaient  un peu plus tard être vus avec un bec normal.  

Sturnelle de l’ouest (Sturnella neglecta)

Une autre cause des becs plus longs peut être le nourrissage hivernal.  Des études ont montré que le nourrissage qui se pratique en hiver, et parfois même en été, peut avoir des conséquences sur le développement des oiseaux.

Comme on a pu le découvrir dans le cas des pinsons de Darwin l’alimentation influe rapidement sur la forme de l’animal et notamment sur celle de son bec. Darwin* avait montré que les membres d’un groupe de pinsons de la même espèce qui étaient partis d’Amérique pour aller vers les Galápagos s’étaient retrouvés quelques années après avec des becs très différents. La raison était que les oiseaux s’étaient dispersés sur plusieurs ilots et que le bec de chacun, grâce au phénomène de la sélection naturelle, s’était adapté à la nourriture que les pinsons trouvaient sur leurs iles. Ceux qui disposaient de graines en quantité s’étaient rapidement retrouvés avec un puissant bec conique alors que ceux qui s’étaient posés sur un autre ilot où les insectes étaient nombreux avaient vu leur bec s’allonger comme celui des insectivores . Etc.  Après quelques années, ces pinsons (en réalité des géospize) qui étaient identiques des états unis étaient devenus 14 espèces aux becs tous différents.

L’allongement du bec de certains passereaux a la même cause. Ils se sont simplement allongés, via la sélection naturelle, car une plus grande taille leur permet de mieux saisir les graines présentes dans les distributeurs.  

Cette évolution a notamment été remarquée au royaume uni ou le souci du bien-être animal est plus développé qu’en France.  On dit que les oiseaux là-bas peuvent trouver à manger en hiver dans un jardin sur deux et que la somme d’argent investi par les Anglais dans les graines et les boules de graisse est deux fois supérieure à l’ensemble des autres membres des pays européens réunis.

On peut voir ici qu’une action qui part d’un bon sentiment peut aussi causer des problèmes et conduire à des évolutions  morphologiques que celui qui nourrit les oiseaux n’imaginait pas.

Pour cette raison, il est important de ne donner à manger aux oiseaux que lorsqu’il fait très froid et de les laisser rechercher leur nourriture naturelle dès que le temps devient plus clément. Ce n’est pas  très agréable à entendre pour nous qui aimons nourrir les oiseaux  mais on constate souvent que moins les humains s’en mêle et mieux les animaux se portent.

  * Kératine

Ensemble complexe de protéines. C’est l’élément principal qui constitue les poils, plumes, écailles, cornes, becs (phanères) ou peau de nombreux animaux. Elle a pour caractéristique d’être insoluble dans l’eau.

Il y a deux principales formes de kératine. La a, qui est présente chez les vertébrés, et la b, que l’on retrouve chez les reptiles et les oiseaux. Le b est plus résistante que la a. ) La kératine se renouvelle sans cesse.

Nos ongles comme nos cheveux sont constitués de kératine.

* Les pinsons de darwin

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