Petit Crache-sang ou chrysomèle de Barbara  (Timarcha goettingensis)

  • Règne : Animalia
  • Embranchement : Arthropoda
  • Classe : Insecta
  • Sous-classe : Pterygota
  • Infra classe : Neoptera
  • Ordre : Coleoptera
  • Sous-ordre : Polyphaga
  • Famille : Chrysomelidae
  • Sous-famille : Chrysomelinae
  • Genre : Timarcha

Présentation

La nature est complexe . Et elle est bien plus complexe que le raisonnement des humains qui croient pouvoir mettre le réel en mot comme on met un oiseau en cage  .

Mais le réel est insaisissable, surprenant et changeant . Il échappera toujours à la rigidité trop rationnelle de notre pensée et de notre langage. Ami rationaliste, passez votre chemin , la nature est avant tout affaire de point de vue et de poésie. 

Accouplement de petit crache-sang

Dans la plupart des livres scientifiques, vous trouverez que le crache-sang se reproduit au début du printemps à partir du mois de mars. Et bien, voici la preuve du contraire. Ce couple de crache-sangs est en train de s’accoupler avec une joie non dissimulée et nous sommes pourtant le 24 janvier (2024). Et nous aurions pu les trouver dans la même position en décembre si le temps avait été aussi doux .

La réalité est que nous devons nous adapter à la nature . Les crache-sangs comme de nombreux autres animaux ne s’accouplent pas à une date précise, mais s’accouplent quand le temps le permet et que la nature le leur ordonne.

Il y a trois jours, il faisait -5 degrés et l’on ne voyait pas un seul insecte dehors. Depuis hier, la douceur est revenue sur le pays  . Il fait 14 degrés cet après-midi et j’ai déjà vu plusieurs insectes comme des punaises vertes ou un gendarme   . Les animaux ne perdent jamais de temps pour se reproduire.  Comme on dit parfois, c’est surtout l’occasion qui fait le larron.

Si l’on veut être précis et juste il faudra donc dire que les petits crache-sangs s’accouplent en général au printemps, mais qu’ils peuvent aussi s’accoupler à n’importe quel moment si le temps le permet.

Description

Bon ! c’est sûr , le petit crache-sang  n’est pas le plus coloré des insectes. C’est même une exception dans sa famille des chrysomélidés où les insectes sont souvent brillants et colorés .  Mais si on l’observe bien, on peut remarquer des reflets verts ou bleus selon la lumière qui parcourent toute sa carapace noire. Le grand classificateur Linné le décrivait « aux pieds violets » et le biologiste  suédois Charles de Geer en 1775 le nommait  Chrysomela Violaceo-nigra* .  

Petit Crache sang mâle
Petit Crache sang (détail)

Cette  carapace est bombée avec une surface granuleuse qui est, comme on le verra plus tard, un élément d’identification  . Le petit crache-sang ne peut  pas voler car ses élytres sont soudés entre elles sur la partie supérieure. On dit qu’il est aptère. Ses déplacements se résument à de longues marches qu’il fait d’un pas tranquille sans se soucier de ce qui se passe autour de lui. Le genre d’insecte très apprécié des photographes qui peuvent en faire des clichés sans s’inquiéter qu’il s’envole ou qu’il disparaisse à la vitesse de l’éclair.  Sa tête est entièrement noire avec deux yeux composés bien développés . Les antennes sont positionnées devant les yeux et comptent 11 segments de forme ronde qui s’agrandissent un peu vers leur extrémité  .

Dimorphisme 

Dans cette espèce, le dimorphisme est marqué . Les mâles sont plus petits que les femelles et ils ont des tarses plus développés qui ressemblent à des petits coussins.  la patte se termine par un double crochet chez les deux sexes.

Le genre Timarcha compte une centaine d’espèces dans le monde repartie en 3 sous-genres . 16 espèces vivent en France .

Clé d’identification pour distinguer le petit crache-sang Timarcha goettingensis du crache-sang Timarcha tenebricosa

Les deux principales espèces que je rencontre dans ma région sont le petit crache-sang et le crache-sang .

Bien que proche par la forme et la couleur, il est assez facile de les reconnaitre quand on possède quelques clés .

La première est la taille. Le petit crache-sang, comme son nom l’indique, est plus petit que son cousin et mesure de 8 à 13 mm alors le crache-sang mesure de 11 à 19 mm . Mis côte à côte, la différence est frappante.

Autre différence, le revêtement des élytres . Lisse et plutôt mat chez l’un, il est chagriné (granuleux) et brillant chez l’autre.

Petit-crache sang (Timarcha goettingensis)
Crache-sang (Timarcha tenebricosa) Photo Tyazz

Le dernier élément d’identification se trouve au niveau du pronotum qui est en forme de cœur (cordiforme) chez le timarque sombre alors que ses bords sont presque parallèles et légèrement arrondis chez le Timarque de Göttingen.

Comportement

Son nom désigne sa principale caractéristique : il crache le sang . Cette particularité est un moyen d’auto défense . Lorsqu’un prédateur se présente devant lui, le petit crache-sang émet un liquide rouge  par la bouche et par les articulations. Ce liquide n’est pas du sang, mais de l’hémolymphe qui est l’équivalent du sang chez les insectes. Ce phénomène est appelé saignée réflexe ou autohémorrhée,. on peut le retrouver chez d’autres espèces d’insectes comme les coccinelles  .

Saignée reflexe d’un crache sang par les articulations (Photo google)

Pour le réaliser, l’insecte injecte de l’air à l’intérieur de son corps ce qui a pour effet de dilater les pores et de laisser passer le liquide . L’hémolymphe contient un produit répulsif toxique et nauséabond qui fait fuir les oiseaux et un certain nombre d’autres espèces.

Il est aussi connu pour faire le mort quand il a peur.

La petite taille du crache-sang et la lenteur de son déplacement  font qu’il est souvent victime des voitures et des piétons qui ne le voient pas et l’écrasent . Le petit crache-sang ci-dessous est mort depuis peu .

Le gendarme aspire les sucs du Timarque

Il a été victime d’un écrasement et sa carapace a été fracturée. Un gendarme profite de la faille pour y introduire son rostre et aspirer les sucs  présents à l’intérieur du corps de l’insecte . Le gout très âcre de l’hémolymphe du Timarque ne le dérange visiblement pas .    

Alimentation

Comme de nombreux membres de la famille des chrysomélidés, le petit crache-sang est connu pour être monophage*. il ne se nourrit que des  plantes de la famille des rubiaceae comme le  Gaillet, gratteron, gaillet jaune, garance voyageuse. Ils reconnaissent les plantes  à l’odeur et les femelles ne se trompent jamais lorsqu’elles pondent leurs œufs.

Reproduction

Celle-ci a commencé tôt cette année en raison de la douceur. La période se situe plutôt d’habitude vers le mois de mars. L’accouplement ne passe pas inaperçu . Il suffit de trouver un massif de gaillet gratteron et de les observer .

La femelle mange du gaillet en s’accouplant
Détail de la femelle qui se nourrit

Une fois que la mâle a trouvé sa femelle, il s’agrippe sur son dos grâce aux coussins adhérents qui se trouvent sous ses tarses et n’en bouge plus . Je ne les ai pas regardés en permanence, mais un mâle accroché à la femelle y était toujours deux heures après . La femelle ne semblait même pas y prendre garde et profitait de la présence du gaillet pour se nourrir . Comme quoi il est tout à possible chez les crache-sangs de manger en s’accouplant ou de s’accoupler et manger en même temps .

Larve de crache-sang (photo google)

La femelle pond ensuite de 30 à 100 œufs de couleur jaune orangé par paquet sous les feuilles de la plante hôte.  Il n’est pas impossible que cette couleur orangée soit un signal aposématique qui prévienne les prédateurs d’une possible toxicité.  Une fois sorti de l’œuf les larves, de couleur noire, se nourrissent du gaillet sur lequel elles ont été pondues . Les larves possèdent au bout de l’abdomen un organe de couleur rouge appelé Pygopode ou pseudopode qui leur sert à se déplacer et à se fixer.

Après être passées par trois stades, elles s’installent sous terre pour effectuer la nymphose.  

Distribution

Le petit crache-sang est présent partout en France et en Europe jusqu’en en Russie.  Au royaume uni on le trouve principalement  dans la partie sud de l’ile.

Carte GBIF qui montre la présence du petit crache sang dans le monde

Étymologie

D’après le site « quel cet animal » le nom générique Timarcha viendrait d’un mot grec qui désigne des dignitaires qui vivaient à Athènes et à Rome. Le mot ferait référence à la démarche lente des nobles et des crache-sangs . je mets toutefois  cette information au conditionnel, car je n’ai personnellement trouvé aucune autre source qui vient confirmer cette  interprétation

L’épithète « goettingensis » renvoie à la ville de Göttingen en Allemagne ou Linné a vu et décrit pour la première fois cet insecte.

Le nom vernaculaire crache-sang se comprend bien quand on sait que l’insecte a pour habitude de faire sortir de l’hémolymphe rouge de sa bouche ou de ses articulations quand il a peur pour faire fuir les prédateurs. Le diminutif petit est là pour le différencier de l’autre crache-sang qui est plus gros et grand .

L’autre nom vernaculaire Chrysomèle de Barbara est étonnant puisqu’il fait référence à la chanteuse Barbara qui n’a rien à voir avec les insectes, mais qui a écrit la célèbre chanson Göttingen. 

Le nom vernaculaire « petit crache-sang » se comprend mieux quand on sait que l’insecte a pour habitude de faire sortir de l’hémolymphe rouge de sa bouche ou de ses articulations quand il a peur pour faire fuir les prédateurs. Le diminutif petit est là pour le différencier de l’autre crache-sang (Timarcha tenebricosa) qui est plus gros et grand .

Le deuxième nom vernaculaire, « Chrysomèle de Barbara », est étonnant puisqu’il fait référence à la chanteuse Barbara qui n’a rien à voir avec les insectes, mais qui a écrit la célèbre chanson Göttingen. 

L’explication est assez simple et l’humour y a toute sa place .

Si la plupart des espèces connues portent maintenant un nom scientifique, toutes ne portent pas de noms vernaculaires. C’est notamment le cas chez les insectes peu connus et souvent mal aimés qui n’ont pas la chance d’être baptisés par le grand public . On voit d’ailleurs à cette occasion qu’on ne nomme que ce que l’on aime.    

Deux auteurs qui faisaient un livre sur les coléoptères du bassin parisien * et qui aimaient ces insectes ont donc décidé de combler ce manque et de réduire l’ injustice en leur donnant des noms vernaculaires . Ceux-ci ne sont pas des traductions littérales des noms scientifiques, mais des jeux de mots comme dans le cas du Timarque de Göttingen qui devient la chrysomèle de Barbara.

On trouve dans le livre de Bruno Mériguet et  Pierre zagatti bien d’autres créations comme le beau « Clyte d’Eastwood » (Clytus arietis),  le gouteux « ostomate basilic » (Grynocharis oblonga) ou le coquin  « téléphore rose » (Cantharis lateralis)

Mais on y trouve aussi

Le téléphore maison (Cantharis fusca)

Le téléphore mobile (Rhagonycha lignosa)

L’anthaxie driver (Anthaxia manca)

La fée clochette (Silpha carinata)

Le charançon atomique (Lignyodes enucleator)

Obera bouffe (Oberea oculata)

Obera comique (Oberea pupillata)

Lepyre annoncé (Lepyrus palustris)

Zombie à pattes bleues (Nécrobia violacea)

Céréales killer (Calamobius filum)

Etc…

Le plus étonnant est que le muséum d’histoire naturelle ait validé à sa manière ces noms vernaculaires peu orthodoxes en les reprenant sur son site INPH (Inventaire national du patrimoine) qui fait office de bottin officiel des noms scientifiques internationaux et des noms vernaculaires français. On peut tous bien sûr créer des noms vernaculaires, mais tous ne seront pas repris dans l’INPH.  Mais, après tout, pourquoi pas. l’histoire des noms scientifiques et vernaculaires est remplie de ces étrangetés qui font toute la saveur de l’histoire de l’entomologie.

Linné lui-même était un grand fan de la mythologie grecque et l’on ne compte plus le nombre de papillons qui porte le nom d’une nymphe. La légende dit que Linné aurait aussi nommé le crapaud commun « Bufo bufo » pour se moquer du naturaliste français  Buffon qu’il détestait . Comme quoi les fantaisies et les bizarreries ont toujours existé et ne date pas d’aujourd’hui.

l’important est que ces  coléoptères aient maintenant un petit nom. j’espère qu’ils permettront de rendre plus familières ces espèces mal aimées et souvent ignorées. 

Timarque est bien sur la version francisé de timarcha.

L’étymologie de sa famille est assez surprenante puisqu’elle  vient du grec ancien  « khrysós », or et de «  mélolanthion » hanneton . Mais cela se comprend quand on sait que le crache-sang est une exception et que la plupart des Chrysomèles sont des insectes souvent brillants et  colorés .

Les Anglais le nomment « The bloody-nosed beetle «  qui veut dire le coléoptère au nez sanglant. Les Allemands  der Tatzenkäfer, coléoptère des pattes, les Néerlandais de reuzenbladhaan, les Suédois Jättebladbagge

*Monophage: Qui se nourrit d’un seul aliment ou d’une seule espèce.

*Cordiforme : du latin « cordis » , cœur et « forma », forme . Qui a la forme du cœur .

*Chagrinée (zoologie ): une carapace chagrinée est une carapace qui n’est pas lisse et qui a un certain grain . le mot vient du chagrin qui est un cuir utilisé en reliure qui a comme caractéristique d’avoir un aspect grenu. Tout le monde connait la locution  « se réduire comme une peau de chagrin »  qui vient du cuir et non de la tristesse .

*Autohémorrhée ou saignée réflexe: Éjection volontaire d’hémolymphe par un animal. C’est en général un moyen de défense qui permet aux animaux qui l’utilisent de repousser les prédateurs. Des animaux comme le crache-sang , la coccinelle asiatique ou les lézards du genre Phrynosoma pratiquent l’Autohémorrhée.

*Pygopode ou pseudopode : de pugê, fesse et podos pied. Chez les coléoptères appendice sur le dernier segment abdominal doté d’une ventouse qui sert au déplacement à la fixation .

   

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