La sélection sexuelle : combat des mâles ou choix des femelles ?

Pendant longtemps, les naturalistes ont cru que la formation des couples  se faisait uniquement grâce aux combats des mâles. Les mâles se battaient et les femelles obéissaient au plus fort. Les coqs, les hérons ou les cerfs se battent effectivement pour le pouvoir et les plus forts ont un accès prioritaire aux femelles. Il est en effet très facile d’observer ces combats souvent bruyants et de comprendre qu’ils jouent un rôle important dans l’organisation des sociétés et dans l’évolution des espèces  .

Cerf (photo google)
Combat de herons cendré (photo Martine Berry)

Les scientifiques de l’époque en revanche n’avaient pas du tout saisi l’importance des couleurs et des tenues d’apparats des mâles dans la sélection sexuelle . Ils considéraient que ces tenues et ces couleurs étaient des attributs caractéristiques des espèces et qu’elles ne jouaient aucun rôle dans la formation des couples. 

Leur aveuglement venait de ce qu’il pensait que les animaux étaient des êtres  primitifs et qu’ils étaient donc incapables de ressentir la beauté des formes et des couleurs. Pour eux, aucun animal ne pouvait accéder à des notions comme celle que nous nommons le beau ou le laid. Ils n’imaginaient pas non plus, comme le montrera si bien Darwin, que les espèces évoluent sans cesse et que la sélection sexuelle,  qui est une partie  de  la sélection naturelle*,  les faisait sans cesse évoluer.

Il faudra attendre pour cela la vision pénétrante de Charles Darwin qui a montré son livre, »de l’origine des espèces, que les combats entre mâles faisaient partie de ce qu’il appelle la sélection sexuelle, mais que les femelles, par d’autres actions, participaient tout autant à cette sélection lié à la reproduction qui faisaient évoluer les espèces.

La sélection sexuelle par les mâles et leurs armes

Pour ce qui concerne la sélection sexuelle opérée par les mâles, Charles Darwin cite le cas des cerfs où la sélection se fait par le combat. Il montre que la force y joue un rôle et que les mâles les plus forts laissent un plus grand nombre de descendants dans la nature. Mais il montre aussi que la force n’est pas la seule cause et que les armes que possèdent les animaux comme les cornes, les becs, les griffes, ou les dents pointues   jouent aussi un grand rôle.

Charles Darwin

-«  Un cerf dépourvu de bois, écrit -il, ou un coq dépourvu d’éperons aurait bien peu de chances de laisser de nombreux descendants. »

Dans le chapitre qu’il consacre à la sélection sexuelle il rend même un petit hommage  au  naturaliste Français  Jean  Henri Fabre,   « cet observateur  inimitable, a vu fréquemment certains insectes hyménoptères mâles se battre pour la possession d’une femelle qui semble rester spectatrice indifferente du combat et qui , ensuite, part avec le vainqueur. »

On retrouve en effet dans les souvenirs entomologiques une belle description de l’hyménoptère dont parle Darwin . Il s’agit du Cerceris tuberculé, un insecte parasitoïde  de l’ordre des hyménoptères qui ressemble à une guêpe, mais qui fait davantage partie des abeilles .  Jean Henri Fabre décrit avec une grande précision le combat des mâles pour l’accès aux femelles.

Jean Henri fabre
Cerceris sp

 « Des couples se forment, souvent troublés par l’arrivée d’un second mâle qui cherche à supplanter l’heureux possesseur. Les bourdonnements deviennent menaçants, des rixes ont lieu, et souvent les deux mâles se roulent dans la poussière jusqu’à ce que l’un des deux reconnaisse la supériorité de son rival. Non loin de là, la femelle attend, indifférente, le dénouement de la lutte ; enfin elle accueille le mâle que les hasards du combat lui ont donné, et le couple, s’envolant à perte de vue, va chercher la tranquillité sur quelque lointaine touffe de broussailles. »

Darwin explique que la sélection, dans le cas des batailles entre mâles , ne se fait pas par  la mort du vaincu qui a dû le plus souvent céder son territoire, mais par sa faible possibilité de reproduction. Les gènes du vainqueur seront davantage transmis que celles du vaincu et les caractéristiques du vainqueur grâce à la sélection sexuelle deviendront les plus fréquentes,  pour ne pas dire la norme, dans son groupe .

La sélection sexuelle par les femelles

Mais Darwin a aussi observé que la sélection sexuelle n’était pas le seul fait des mâles et que les femelles, par d’autres moyens, y participent tout autant.

Il décrit notamment un certain nombre de cas, très frequents chez les  oiseaux, où l’esthétique et les concours d’élégance remplacent les combats entre mâles . Ici, c’est la femelle qui choisit le plus beau. Darwin parle de l’importance du choix des femelles dans l’évolution des espèces.  Il montre notamment comment elles ont fait évoluer sur des milliers de générations la beauté du plumage et du chant de certains mâles en choisissant pour s’accoupler ceux qui avaient les chants les plus doux et les plumages les plus colorés .

Canard carolin en plumage nuptial (Aix sponsa)

Darwin les compare à nos éleveurs de coqs et écrit :

« Si l’homme réussit à donner en peu de temps l’émergence du port et la beauté du plumage de nos coqs Bantam, d’après le type idéal que nous concevons de cette espèce , je ne vois pas pourquoi les oiseaux femelles ne pourraient pas obtenir un résultat semblable en choisissant pendant des milliers d’années , les mâles qui leur paraissent les plus beaux , ou ceux dont la voix est la plus mélodieuse . »

Pour appuyer ses propos, il évoque les magnifiques plumages d’oiseaux comme ceux du coq de roche guyanais ou les oiseaux de paradis et cite les parades nombreuses ou les danses parfois surprenantes que certains mâles réalisent devant les femelles pour mettre en avant la beauté de leur plumage . Il parle aussi de sir Richard Heron qui avait remarqué en observant les animaux de sa volière qu’un magnifique paon panaché obtenait sans faire de gros efforts les faveurs de toutes les femelles alors que d’autres paons moins beaux n’avaient aucun succès .

Canard carolin mâle (il fait le beau)
Canard carolin femelle (mais c’est elle qui choisit )

De tout cela Darwin en tire la conclusion que les différences de plumage que l’on rencontre chez un mâle et une femelle de la même espèce proviennent toujours de la sélection sexuelle pratiquée sur les mâles par les femelles.

Darwin qui est toujours très précis dans ce qu’il avance note tout de même que la sélection sexuelle qui nait de l’interaction entre deux êtres n’est pas aussi puissante (il dit qu’elle est moins rigoureuse) que la sélection naturelle qui est une lutte pour l’existence de l’ensemble des membres d’une espèce en relation avec leur environnement.

Les choses ont un peu évolué  et la sélection sexuelle n’est plus considéré aujourd’hui comme un mécanisme diffèrent de la sélection naturelle mais comme une partie de celle-ci . l’autre partie qui compose le sélection naturelle étant la sélection de survie .

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