Forme des becs des oiseaux selon leur fonction

Beaux ou fonctionnels

Rien dans la nature n’est dû au hasard. Rien n’est fait non plus pour une raison esthétique. Les becs des oiseaux n’échappent pas à cette règle. Tous ont une fonction bien précise qui n’a rien à voir avec le décoratif. Les oiseaux ne sont pas beaux . Les oiseaux sont composés d’organes fonctionnels et chacune de leurs caractéristiques signifie quelque chose .

Différents becs d’oiseaux (Illustration google)

Pour donner un exemple, le plumage très coloré des mâles n’est pas plus beau que le plumage moins voyant des femelles. La beauté ou la laideur que nous leur prêtons parle plus de nous et de nos projections que des animaux eux-mêmes. Dans le cas du plumage, les différences ont une fonction et le plumage du mâle comme celui de la femelle jouent leur rôle à merveille . Le premier est là pour que la femelle puisse le voir de loin. Il a également pour fonction d’impressionner le concurrent .Il servira enfin d’outil de sélection lors du choix du partenaire . Le second remplit tout autant sa tâche puisqu’il a pour fonction de rendre les femelles moins visibles des prédateurs afin de leur laisser le temps d’élever les petits. Les plumages des uns  comme des autres sont parfaits par rapport à la fonction que la nature leur demande de tenir.  

Lorsque nous disons que le mâle est plus beau que la femelle, nous nous laissons piéger par nos sens et projetons sur les animaux des qualificatifs (beau ou laid) qui n’ont pas lieu d’être et nous empêchent de comprendre les subtilités bien plus intéressantes de la nature.

Dire beau ou laid n’a finalement aucun intérêt et ne fait en rien avancer nos connaissances . Nous restons dans le champ très superficiel et limité du décoratif. Sortir du cadre de la pure esthétique pour entrer dans celui de la fonction et de l’utilité est plus enrichissant et nous permet d’appréhender la nature dans toute sa complexité et sa richesse.

Les pinsons de Darwin

Comme je l’ai montré dans mon article sur les pinsons de Darwin*, la sélection naturelle trie les individus de sorte que les oiseaux dont le bec est mieux adapté à la nourriture du lieu transmettent mieux leur patrimoine génétique que ceux quoi ont un bec peu adapté.

Dans le cas des pinsons de Darwin, les mêmes pinsons qui étaient arrivés sur plusieurs iles voisines au même moment s’étaient retrouvés au bout de quelques années avec des becs différents adaptés à la nourriture du lieu.

Les pinsons de darwin

Les uns avaient des becs épais pour manger des graines , les autres des gros becs pour casser des noyaux, les autres des becs fins et plus ou moins longs pour saisir les insectes ou se nourrir de la chair des cactus sans se piquer.

Comme on le voit dans l’exemple des pinsons de Darwin, la forme du bec des oiseaux dépend donc entièrement de l’alimentation dont ils disposent à l’endroit où ils se trouvent. Si le lieu dispose de plusieurs types d’alimentation on retrouvera des oiseaux avec des becs de formes différentes. si le lieu ne dispose que d’une ou deux sources alimentation on ne verra des oiseaux qu’avec une ou deux sortes de becs.

Les différentes formes de becs

Voici  les formes de bec les plus fréquentes à partir desquelles vous pourrez déduire la nourriture principale des oiseaux que vous croisez.

Les granivores

Les granivores ont un bec conique et robuste. Ce type de bec leur permet d’attraper et de décortiquer les graines. Celles-ci font un excellent aliment qui amène aux  oiseaux toute l’énergie dont ils ont besoin pour vivre . Pour ces raisons, de nombreuses  d’espèces ont choisi ce régime qui permet de se nourrir toute l’année.  Même lors d’hiver rigoureux, les oiseaux peuvent trouver leur nourriture dans les fleurs fanées qui sont remplies de graines comme le tournesol, les chardons ou  les cardères que l’on appelle le cabaret des oiseaux.

Moineau

Le crâne de ces oiseaux est en général adapté à ce type de bec et doté de puissants muscles qui permettent au bec de broyer facilement  les graines. Les granivores n’ingèrent pas les graines telles quelles, mais brisent la coque pour ne manger que la graine .  Il existe pour cela deux techniques . Les Fringiles comme les pinsons ,les verdiers ou les Chardonnerets élégants cassent la graine en la coinçant sur les bords coupants du bec alors que les bruants la broient à l’intérieur même du bec .

Certains oiseaux granivores avalent des cailloux. Ceux-ci aident au broyage des aliments  dans le gésier et facilitent la digestion. On les appelle des gastrolithes ou des pierres d’estomac. Les moineaux, les faisans ou les perdrix sont des oiseaux lithophages.  

Beaucoup d’oiseaux hélas meurent de saturnisme après avoir ingéré les billes de plomb laissées partout dans la nature par les munitions des chasseurs. Selon L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) 21 000 tonnes de plomb sont utilisées par les chasseurs chaque année en Europe.

Les insectivores

L’oiseau insectivore a un bec plus fin et pointu que les granivores. Il est parfaitement adapté pour attraper les insectes au sol ou en vol .  N’ayant pas à casser des graines dures comme les granivores, leur bec s’est aminci et affiné pour permettre une plus grande précision lors de la chasse aux insectes. Il existe de nombreuses petites variations dans les becs des insectivores qui peuvent être plus ou moins longs.

Pouillot véloce

Parmi eux, on peut distinguer ceux qui recherchent  les insectes au sol comme le merle, l’accenteur mouchet ou le rouge-gorge de ceux  qui préfèrent les attraper à la cime des arbres ou en vol.  La sittelle torchepot, les grimpereaux ou les mésanges  aiment chasser les insectes dans les arbres.  Le grimpereau, par exemple,  cherche les insectes cachés sous l’écorce. D’ autres, comme les mésanges, se nourrissent des insectes qui  vivent sur les feuilles des arbres . Plus rares sont  ceux qui  partent en chassant et attrapent les insectes en plein vol . Les gobe-mouches , les martinets , les hirondelles et les pouillots véloces  font partie de cette catégorie . Ces derniers, qui se nourrissent aussi dans les arbres et au sol,  sont connus pour le vol stationnaire qu’ils peuvent effectuer lorsqu’ils sont en chasse.

Les becs des oiseaux  sont d’ailleurs souvent spécialisés selon le type de chasse aux insectes.  Celui du guêpier d’Europe est un peu incurvé pour mieux attraper les insectes en vol et celui du pic vert plus costaud et coupant pour cisailler l’écorce des arbres.

 Dans les pays européens, les insectivores deviennent souvent granivores en hiver par nécessité.

Les frugivores

Les frugivores ont un bec adapté à la consommation des fruits. Il est en général court et incurvé avec une pointe acérée au bout qui leur permet de déchirer la première peau du fruit pour accéder à la chair .

Loriquet

Les perroquets , les loriquets , les aras ou les perruches possèdent ce type de becs .

Les becs croisés

Les becs-croisés (Loxia curvirostra) sont des granivores dont le bec a subi une spécialisation pour effectuer une tâche précise. La forme très particulière et surprenante du Bec-croisé des sapins leur permet d’extraire très facilement les graines des conifères. Pour ce faire, ils maintiennent fermement la pigne de pin avec leurs pattes puis écartent les écailles avec le bec-croisé pour pouvoir aller chercher la graine avec leur langue. Le bec est fait pour ce type de graines, mais les becs croisés peuvent se nourrir de  tous types de graines.

Becs croisés des sapins

Les limicoles

Les limicoles sont des petits échassiers qui vivent dans les marais ou des zones humides. Leur bec long et fin est parfaitement adapté à cet environnement . Il leur permet notamment de fouiller dans la vase à la recherche de petits invertébrés sans avoir besoin de mettre la tête sous l’eau comme d’autres oiseaux  sont obligés de le faire  . Le tournepierre à collier, le chevalier guignette, la barge rousse, l’huitrier pie ,  le courlis ou l’avocette élégante font partie des limicoles .

Avocette élégante
Avocette élégante

Cette dernière à un bec assez long et recourbé vers le haut qui lui permet de balayer la surface du limon afin d’en faire surgir les proies qui s’y cachent . Le mot limicole vient du mot latin « limus »  qui signifie limon ou boue. 

Les piscivores

Les becs de ces oiseaux sont adaptés pour pouvoir attraper les poissons et les coincer dans leur bec  afin  qu’ils ne s’échappent pas . Pour cette raison ils sont longs et puissants. Le martin-pêcheur, par exemple, avale tout rond le poisson s’il est petit .

Héron cendré et grands cormorans

S’il est le plus gros, il le ramène à terre et le frappe contre un support jusqu’à ce qu’il ne bouge plus ; puis  il l’avale alors en entier en prenant bien soin de l’avaler tête la première pour que les écailles puissent passer facilement.

Le héron cendré , le grand cormoran ou la grande aigrette sont des oiseaux piscivores.

Les filtreurs

De nombreux oiseaux se nourrissent en flirtant l’eau avec leur bec. Le cygne , le pélican , le canard ou le flamant rose sont des oiseaux flatteurs . Le flamant rose  par exemple a un bec parfaitement adapté à la filtration . Pour se nourrir, il racle le fond avec son bec puis aspire la boue qui est filtrée grâce aux lamelles qui se trouvent à l’intérieur de son bec .

Flamant rose

Le flamant rose est qualifié de limivore (mangeur de boue) . Après  l’aspiration du limon et la filtration , il rejette une grande partie de la boue, mais en avale tout de même une partie qui est remplie de végétaux et d’animaux microscopiques.

Bien qu’ils puissent aussi se nourrir de graines ou  poissons grâce à leurs petites dents, les canards  possèdent aussi des lamelles qui leur permettent  de filtrer les eaux boueuses. Par ce  système, ils peuvent aussi se nourrir de planctons et d’animaux ou végétaux microscopiques comme les flamants.

Les nectarivores

Les nectarivores ont souvent des becs fins et très longs et possèdent également une langue très longue et enroulée sur les côtés de sorte qu’elle forme deux gouttières ou le jus peut être remonté. Un peu à la manière des longues trompes des papillons, ce dispositif  permet à l’oiseau de pénétrer dans le conduit  de  la fleur pour accéder aux nectaires et aspirer le nectar.

Colibri (oiseaux mouche )

Les oiseaux nectarivores comme les oiseaux-mouches (colibris), le polochion de York ou le souimanga malachite (Nectarinia famosa) ont toujours un autre source d’alimentation, car la consommation exclusive de nectar, qui ne contient pas les acides aminés essentiels, pourrait provoquer de graves carences . Cette autre source est souvent à base d’insectes.

On trouve des espèces  nectarivores sur le continent américain, mais on peut aussi en rencontrer en Australie, en Océanie, en Afrique ou en Asie.

Les carnivores

Ces oiseaux se nourrissent d’autres animaux ou de carcasses. Leurs becs sont très puissants  pointu et crochu pour saisir la proie et déchiqueter la chair. Ses oiseaux sont souvent munies de serres qui viennent compléter la panoplie et permettent  à l’oiseau de bloquer la proie, voir de s’envoler avec la proie  entre ses griffes.

Buse variable

Parmi ces oiseaux on trouve les rapaces  diurnes et nocturnes comme les aigles , les faucons , les buses , les chouettes ou les hiboux.

Le mot rapace vient du latin « rapio » ,emporter avec violence  ou précipitamment,  et de « raptor », voleur. 

* Les pinsons de darwin

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